Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 30-09-2014 09:45
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RDC – La Majorité Présidentielle : Dire non à un troisième mandat de Kabila – JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

RDC – La MP : Dire non à un troisième mandat de Kabila

et quitter la MP en suivant l’exemple Burkinabé

Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu

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L’année 2014, comme prédit par DESC, est une année au cours de laquelle le débat sur l’avenir institutionnel de la RDC semble prendre une allure politique inquiétante. Depuis que la CENI, présidée par l’abbé Malumalu s’est mise en ordre de marche pour élaborer le calendrier électoral et proposer le dispositif des scrutins à venir, la vie politique semble s’arrêter autour de l’avenir politique de Joseph Kabila qui arrivera en fin mandat constitutionnel en décembre 2012.

Le pays semble également tourner au ralenti du fait de l’annonce depuis onze mois de la mise en place d’un gouvernement de cohésion nationale qui tarde à venir et laisse place à un gouvernement astreint à gérer les affaires courantes dans une situation psycho-politique de fin de règne.

En même temps, malgré la croissance économique, qui peine tout de même à franchir le cap de deux chiffres comme promis par Matata en 2012, le pays reste pourtant parmi les plus pauvres de la planète et fragilisé par une montée des revendications sociales de tout ordre. Celles-ci présagent à leur tour un réel risque de généralisation des troubles sociaux lorsqu’elles viendront s’associer aux revendications politiques exigeant le strict respect de la constitution, l’alternance via des élections transparentes et crédibles et la non reconduction de Kabila en 2016. En effet, reconnaissons-le que les réformes engagées par le gouvernement Matata depuis qu’il est arrivé à la primature ont permis d’améliorer le cadre macro-économique. Cependant, les citoyens en perçoivent peu les retombées dans leur vie quotidienne. La répartition des fruits de la croissance reste largement inégale, avec une infime minorité réputée proche du pouvoir ayant une mainmise sur plusieurs pans de l’économie nationale criminalisée (immobilier, télécommunications, mines, énergie, infrastructures, bâtiments, etc.)

La Majorité présidentielle face à sa responsabilité patriotique devant le destin du Congo

Alors que du côté de l’opposition congolaise, on perçoit des signes positifs de son unité afin d’affronter la majorité au pouvoir en 2016 en vue d’une alternance, du côté du pouvoir, qui lance des messages contradictoires, c’est le flou qui domine. Personne à ce jour n’est en mesure de rassurer l’opinion sur l’avenir politique de Joseph Kabila, qui reste au centre de l’enjeu politique actuel. L’énigme reste entière car lui-même n’a pu se prononcer clairement lors de sa rencontre avec sa plateforme politique à Kingakati-Buene en mars 2014 et tout récemment lors de l’Assemblée générale des Nations unies. Plutôt que rassemble autour de sa personne, Kabila semble avoir semé les germes de division au sein de son propre camp politique, la majorité présidentielle (MP). Une coalition politique opportuniste qui ne manque d’acteurs susceptibles de reprendre le relai à Kabila. Beaucoup d’entre eux attendaient un positionnement clair de leur autorité morale pour pouvoir ou non se mettre en ordre de bataille. Mais quelle n’a pas été leur déception de constater que le raïs a éludé la question relative à sa succession politique. Cette messe ratée a donné lieu, dès son lendemain, à une guerre médiatique de tranchées entre les partisans de la modification de l’article 220 de la constitution et ceux qui sont favorables au strict respect de la loi fondamentale sur laquelle les institutions de la IIIème sont bâties. Mais ces derniers sont moins loquaces ou recourent à la langue de bois pour se prononcer, de peur des représailles.

S’il y a un courant politique qui maîtrise bien les raisons qui ont poussé le constituant de 2006 à mettre en place l’architecture constitutionnelle actuelle, c’est bien la majorité présidentielle (MP) issue de l’AFDL parvenue à bout de Mobutu à la suite du blocage du processus démocratique entre 1990 et 1996. A ce titre, la MP est à même de mesurer l’enjeu et l’impact d’une tentative de modification constitutionnelle devant faire régresser la RDC à la situation d’avant 17 mai 1997 et prendre ses responsabilités.

La modification de la constitution de 2011 a restreint le champ de la compétition politique en RDC

La MP est très bien consciente des conséquences fâcheuses de la modification de la constitution en janvier 2011 qui amène Kabila aujourd’hui, en dépit des fraudes électorales à son crédit, à souffrir d’un déficit de légitimité grandissant censée lui permettre de bénéficier de la confiance et de l’adhésion populaire pour gouverner convenablement la RDC. C’est pour cette raison, et non du fait de la guerre contre le M23 qui ne fut qu’un alibi de mauvais goût car ce groupe représente moins de 1% de la population congolaise, qu’il a initié ses concertations nationales en vue de cimenter la cohésion nationale, indispensable pour lui octroyer une légitimité acceptable, pour soutenir son coup de force électoral de 2011.

Les constitutionnalistes et politologues africanistes sont unanimes pour dire que le mode de scrutin à un tour est conflictogène,  particulièrement dans un pays où le clivage ethnique et géopolitique Ouest-Est semble marqué. Ce système présente un autre danger d’éviter le jeu des alliances pour le candidat président devant lui permettre d’élargir sa base populaire et par voie de conséquence sa légitimité. Comme on le constate actuellement en RDC, la fraude électorale de 2011 dessert Kabila dont le déficit de légitimité plombe son action politique. Cela se remarque lorsque l’on constate la difficulté que Kabila éprouve à former son fameux gouvernement de cohésion nationale.

Pour revenir à l’esprit de la constitution de 2006, la cohésion nationale en RDC trouve sa substance et son fondement dans l’option prise par le Constituant de 2006 d’opter pour les scrutins présidentiels à deux tours. Ceci, par le souci de permettre « au futur président de la République d’être toujours élu par une majorité absolue d’électeurs et, donc, de disposer d’une base la plus large et incontestable de légitimité. » Il s’agit là de tout un argumentaire qui défend l’importance de la cohésion nationale en vue d’octroyer une légitimité suffisante à toute autorité de sorte à lui permettre de diriger le Congo dans une atmosphère de paix civile. Cette exigence de mettre fin à la crise chronique de légitimité dont souffre le Congo depuis son indépendance, le 30 juin 1960, a été rappelé tout au début dans l’exposé des motifs de la Constitution de 2006. Ce, dans le but de « donner au pays toutes les chances de se reconstruire« . Or vouloir modifier l’essence fondatrice de cette Constitution, en la personnifiant et en la taillant sur mesure pour permettre à Kabila de se maintenir ad vitam aeternam au pouvoir, c’est rechercher l’effet inverse. C’est détruire le pays et mettre fin au nouvel ordre politique introduit par la Constitution de 2006, verrouillée entre autres par l’article 220 et qui vise la stabilité des institutions.

Ainsi, en voulant modifier/changer une fois de plus la constitution et instaurer des scrutins indirects, le régime Kabila risque d’aggraver la crise de légitimité et de ramener la RDC dans une situation qui a prévalu avant la signature de l’Accord global et inclusif de Pretoria en décembre 2002, c’est-à-dire à celle de la guerre civile. Joseph Kabila l’unificateur et le pompier du Congo en deviendra son pyromane. Il risque de faire perdre à la RDC ses premiers balbutiements et ses acquis démocratiques glanés depuis 2006. Quel gâchis ?

Savoir lire les signes des temps

Face à cette réalité et à ce danger d’explosion de la RDC, en cas de révision des articles sacrés de la Constitution et de la perversion du mode des scrutins, la MP est placée face à ses responsabilités républicaines. Ses cadres seront rendus, personnellement, historiquement, politiquement, voire pénalement, responsables devant la nation congolaise de l’échec du processus démocratique en cours et de ses conséquences en termes des victimes que cela occasionnera. A l’instar de la diaspora congolaise qui exclut toute clémence envers les collaborateurs du régime, la population congolaise manifeste peu à peu des signes de bannissement à vie de ceux qui, par des manœuvres politiciennes anti-patrie et perverses que ce soient, se comporteront en ennemis de la République et de ses valeurs coulées dans la Constitution. D’ailleurs, plusieurs sources, éparpillées aux quatre coins de la RDC contactées par DESC pour sonder l’humeur populaire, prédisent l’apocalypse si jamais le régime congolais s’entête à modifier l’article 220 de la Constitution. Certains évoquent une situation insurrectionnelle ou de révolte des masses populaires, semblable aux pillages de 1991, dont les principales cibles seront particulièrement les représentants du « régime » et leurs dépendants, ses symboles et ses bénéficiaires directs.

Un faisceau de signaux sociaux, politiques, diplomatiques et ecclésiastiques concordants tendent à démontrer que les carottes semblent cuites pour Kabila, quelle que soit l’option du sauvetage de son régime qu’il compte prendre. Ainsi, DESC exhorte la majorité présidentielle à avoir une analyse prospective de la RDC et à rectifier le tir. Il en va même, au-delà de la survie de la Nation congolaise, de leur propre survie ainsi que de leur progéniture. A plusieurs reprises, DESC n’a cessé de démontrer comment l’absence d’anticipation a été fatale à la RDC. Un peuple qui ignore son passé est appelé à le revivre.

Suivre l’exemple Burkinabè pour un sursaut patriotique et républicain

Au Burkina Faso, un autre pays confronté à une tentative de modification de la constitution, le climat politique dans ce pays réputé pour sa stabilité politique n’est guère reluisant depuis que le pouvoir détenu par le président Blaise Compaoré montre des signes de révision de l’article 37 de sa Constitution interdisant un troisième mandat au président.

Mus par les valeurs républicaines et le souci de sauvegarder l’intérêt suprême de la nation et par patriotisme, 70 cadres du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), parti au pouvoir ont démissionné le 4 janvier 2014 du Bureau politique national et créé le MPP le 25 janvier. Une défection et dissidence qui a considérablement bouleversé le paysage politique au Burkina Faso, isolant à la fois le président Compaoré et les tenants de la modification de la constitution. Cet événement a été d’autant plus retentissant que parmi les « démissionnaires » se trouvaient trois figures qui, pendant longtemps, ont été les éminences grises et les piliers du régime Compaoré, à savoir Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré. Ils ont entraîné dans leur sillage de nombreux cadres et militants. Cette dissidence qui a aussitôt rejoint l’opposition et la société civile a insufflé une nouvelle dynamique au combat mené par cette dernière.

Avec cette dissidence, qui peut avoir été perçue comme le signe d’une implosion ou tout au moins d’un sérieux ébranlement du pouvoir, l’opposition ainsi qu’une partie de la société burkinabè se sont mises à croire à la possibilité de mettre fin au régime Compaoré.

Par analogie à la crise burkinabé, vu l’absence de cohésion interne au sein de la MP de Kabila, DESC estime qu’il serait également temps que quelques patriotes congolais courageux de cette plate forme prennent leur responsabilité, à l’instar des cadres du MSR et de Jean-Claude Muyambo, s’élèvent en hommes d’Etat (et non politiques) respectueux des valeurs républicaines pour dire non à Kabila et refuser toute tentative de modification de la constitution. Nous évoquerons vers la fin de cette analyse quelques facteurs qui militent en faveur de cette prise de position.

Une prémisse avortée en 2010 et déjà des voix dissonantes de la MP sortent du silence

En 2010, avec José Endundo Bononge, Antipas Mbusa Nyamwisi et Modeste Bahati Lukwebo et Olivier Kamitatu Etsu ont tenté de créer un nouveau courant politique libéral (le Centre Libéral et Patriotique : CLP) et dissident au sein de l’ex-AMP. Ecourtant une visite en Egypte et furieux, Kabila rappela sévèrement à l’ordre la bande à quatre en ces termes  « si vous étiez militaires, je vous aurais fait fusiller ». Pris par la peur, les quatre mousquetaires qui ont tenu tout de même à montrer que ça n’allait pas au sein de l’AMP, ont été contraints à abandonner leur projet de dissidence. Plusieurs sources concordantes affirment que lors d’un tête-à-tête avec Kamitatu, Kabila lui a sorti une arme et l’a menacé en ces termes : « La prochaine fois que tu tentes la même chose, je te flingue dans ta tête ». Depuis, Kamitatu affiche un silence radio qui exprime son mal-être politique actuel. Sanctionnés, seul Bahati, suite à son poids politique au Sud-Kivu pour contrecarrer Vital Kamerhe, a été repêché in extremis pour faire partie du gouvernement Matata.

Ainsi, nous saluons déjà le courage du MSR (Mouvement social pour le renouveau) de Pierre Lumbi, le conseiller spécial en matière de sécurité de Kabila, qui, en plus d’avoir exigé un débat interne au sein de la MP, s’est ouvertement prononcé contre toute révision constitutionnelle. Il en est de même pour le SCODE de Jean-Claude Muyambo, un notable du Katanga, membre de la MP, qui vient également de se prononcer vigoureusement contre toute tentative de révision/changement constitutionnelle en faveur d’un troisième mandat constitutionnel pour Kabila qui a échoué sur toute la ligne.

Savoir tirer profit des fissures de la MP pour élargir la base antirevisionniste

Notons que le MSR, deuxième parti de la MP, est en sérieux contentieux électoral avec le PPRD pour des cas des fraudes orchestrées par Boshab et Lumanu en 2011 dans les circonscriptions où le MSR avait battu le PPRD mais au finish c’est le PPRD qui a raflé les sièges revenant aux élus en manipulant les résultats. Ainsi, depuis les élections de 2011 qui n’ont pas que fait des amertumes dans le camp de l’opposition, le MSR entretient des relations tendues avec le PPRD, une sorte de guerre de tranchées au sein de la MP. Le MSR ambitionne de détrôner le PPRD à la tête de la MP pour y devenir le parti leader. Selon des éléments d’un rapport interne MP adressé au président Kabila, parvenus à DESC, s’il n’y avait pas eu tripatouillage électoral de la part de la bande à Boshab, Mulunda, Katumba Mwanke et Lumanu, le MSR serait le premier parti de la MP. D’où la guéguerre entre ces deux partis. Une situation que l‘opposition congolaise pourrait stratégiquement exploiter pour fargiliser la MP.

Malheureusement, une certaine opinion publique et politique congolaise, surtout de l’opposition, n’a pas compris qu’une des manières efficaces d’affaiblir le est de travailler aussi avec certains alliés du pouvoir, prêts à faire défection. Malheureusement en RDC, la politique se conjugue au mode sportif dogmatique et manichéen de Vita-Imana ou Mazembe-Vita dont les supporters d’un club considèrent l’autre club comme étant leur ennemi juré, le diable avec qui on ne peut jamais pactiser. Résultat des courses, le débauchage se fait souvent dans le sens de l’opposition vers le régime et non en sens inverse. Ce qui explique en partie l’échec de cette opposition dans sa quête de la conquête du pouvoir. Une opposition qui a souvent montré son incapacité à pouvoir d’abord se fédérer entre elle avant d’élaborer des stratégies d’ouverture vers certains cadres du camp du pouvoir, qui seraient éventuellement prêts à les rejoindre, comme au Burkina Faso, pour mettre en difficulté et en minorité les faucons extrémistes du pouvoir et renverser le rapport de forces. Si Tshisekedi, un des pères fondateurs et penseurs du MPR, ami et proche collaborateur de Mobutu, est parvenu à démystifier Mobutu et à accélérer sa chute c’est parce qu’il le connaissait mieux que quiconque et qu’il disposait des éléments pour l’affaiblir.

Hélas, cela n’a pas été le cas en 2011 avec la guerre Fatima-Sultani et on le voit encore actuellement avec le refus de plusieurs congolais opposés au régime Kabila d’accepter de faire front commun avec certains ex-collaborateurs de Kabila qui ont rejoint l’opposition, de la même manière que Tshisekedi avait quitté Mobutu. Ou encore par la manière dont le MLC préfère évoluer en cavalier seul au moment où l’union devrait faire la force.

Des arguments qui justifient la fronde au sein de la MP

Mais au moment où le bateau Kabila tangue, les cadres de la majorité présidentielle, face au destin du Congo, sont capables de dire que la nation congolaise et la sauvegarde des institutions congolaises sont plus importantes que le maintien d’un Kabila au leadership déficitaire à la tête du Congo. Les Hommes passent mais les institutions restent. La MP peut contribuer à sauver la RDC d’une descente aux enfers car le décor de l’embrasement de la RDC semble planté si Kabila se maintient, envers et contre tous, au pouvoir. Nous pensons qu’en dehors des téméraires comme Boshab, Minaku, Mende, She Okitundu…, la MP dispose encore des patriotes congolais capables de ne pas cautionner l’inacceptable.

Plusieurs arguments militent en leur faveur en cas de refus de toute modification constitutionnelle ou du mode de scrutins telle que proposée par Malumalu. Des manœuvres ayant pour unique finalité le maintien au pouvoir de Joseph Kabila, sans qu’eux-mêmes ne soient rassurés de leur survie politique au-delà de 2011. D’autant que le projet initié par Malumalu servirait davantage l’intérêt d’un seul homme que celui de la nation ou des acteurs politiques de la majorité présidentielle. Dans son ouvrage : Congo, la mascarade de l’aide au développement, Theodore Trefon fait remarquer qu’environ 90% des députés de la législature 2006-2011 ne furent pas réélus. « Au contraire, ils furent sanctionnés pour n’avoir pas tenu leurs promesses en 2006» en s’octroyant 6.000 dollars par mois de salaire et d’autres avantages, tout en négligeant les priorités sociales. » Parmi eux, des personnalités politiques influentes telles que Thambwe Mwamba (Affaires étrangères), Martin Kabwelulu (Mines), Raymond Tshibanda (Coopération), Matata Ponyo (Actuel Premier ministre), Marcellin Cishambo (Gouverneur du Sud-Kivu), She Okitundu (Sénateur), Antoine Ghonda (Ambassadeur itinérant de Kabila) et plusieurs cadres de l’AMP qui végètent actuellement, malgré les 20.000 USD empochés à l’époque pour modifier la Constitution.

Que gagneraient-ils, par conséquent, à se risquer à sauver Kabila lorsqu’une fois maintenu au pouvoir, il ne leur assurera pas leur avenir politique respectif, si ce n’est celui de ses deux cercles ethniques katangais et tutsi ?

Un autre facteur devant les amener à la raison concerne l’absence de crédibilité dont jouit CENI, même au sein de la MP. L’institution chargée d’organiser les scrutins, dans sa configuration actuelle, ne bénéficie ni de la crédibilité populaire, ni de la confiance de la majorité des acteurs politiques congolais (opposition et pouvoir : contentieux électoraux entre le PPRD, le MSR de Lumbi, AFDC de Modeste Bahati et le Palu), encore moins du soutien des bailleurs de fonds derrière lesquels se cachent la « communauté internationale » faiseuse de rois en RDC. L’absence de réelle volonté politique de la part du régime et d’une CENI politisée d’organiser des élections en toute transparence et la polarisation de la tension sociopolitique autour des scrutins de 2016 sont par conséquent autant de facteurs qui peuvent pousser les cadres de la MP à la raison et à dire non à Malumalu.

Enfin, un troisième facteur d’ordre éthique qui risque de peser pendant longtemps sur leur conscience, pour autant qu’ils en aient encore, est à coupler avec le verrou juridique coulé dans l’article 220 de la constitution qui stipule que « La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du Pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne, ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées».

 Il s’agit là pour les cadres de la MP une façon d’être conséquents par rapport à la promesse qu’aurait faite le président Kabila d’être respectueuse de la Constitution lors de son discours de clôture des concertations. Cela été tour à tour relayé par Mende, Minaku et Kamitatu au Burkina, même si ces derniers, il fallait s’y attendre, se sont schizophréniquement ravisés récemment en se prononçant en faveur d’une révision constitutionnelle. Cette exigence de se conformer, en tant que premier citoyen du pays devant donner l’exemple du respect de la Constitution de la république est bien résumée par Christophe Lutundula Apala, un autre cadre de la MP, en ces termes : « Les « concertations nationales » ne sont pas un espace de conquête ni de conservation du pouvoir. On n’y vient pas pour renforcer Joseph Kabila, encore moins pour s’affirmer. L’article 220 de la Constitution constitue la synthèse de tous les acquis de la lutte pour les libertés depuis Lumumba. On n’y touchera pas. Et Joseph Kabila en est conscient (Jeune Afrique, 6/09/2013).

Au moment où la RDC emprunte un tournant décisif pour éprouver sa maturité politique, les cadres de la MP sont appelés à faire des choix patriotiques pour éviter au Congo les pires cauchemars du passé. Car il y a aujourd’hui une grande aspiration de plus en plus manifeste en faveur l’alternance au sein de la majorité de la population, de l’opposition et même de plusieurs de vos camarades politiques de Kingakati-Buene. Dans un régime machiste qui n’a que faire de la promotion du Genre, le courage manifesté par Bernadette Tokwaulu cadre de la majorité présidentielle de s’opposer publiquement à la révision de la constitution en RDC malgré les menaces de l’Agence nationale de renseignements (ANR) et ses avantages sociaux et pécuniaires perçus en tant que directrice à la Société nationale de l’électricité (SNEL)  doit davantage interpeller la majorité des « hommelettes de la MP » ou des militaires en jupon des FARDC et de la GR qui doivent réaliser à leur tour que la révision ou le changement de la constitution ne peut jamais faire l’objet d’aucune transaction. En tant que citoyens et patriotes, ils sont les premiers à dire non à tout projet inique allant en ce sens. C’est par un acte collectif unanime de toutes tendances politiques et citoyennes confondues de s’opposer par TOUS LES MOYENS (article 64 de la constitution) à un troisième mandat consécutif de Joseph Kabila que la RDC pourra effectivement amorcer le processus de sa cohésion nationale au-delà de la supercherie de Kabila qui n’ a que faire des congolais.

Il faut se dire que la culture démocratique ne sera pas renforcée en RDC en changeant ou en modifiant tout le temps les règles du jeu à l’approche des échéances électorales mais bien en encourageant pratiques démocratiques, en commençant d’abord par respecter, à partir du sommet, les règles de droit (rules of law) de l’Etat de droit que l’on édite. En Afrique, les modifications/changement de la constitution entrainent le rétrécissement du champ de la compétition politique et pousse certains acteurs politiques frustrés à recourir à la voix armée pour faire se faire prévaloir. C’est le cas avec les renversements de Mobutu, Mamadou Tandja au Niger, de Ben Ali en Tunisie ou encore récemment de Bozizé en RCA. Dans un contexte où l’article 64 de la constitution permet aux congolais de barrer la route à toute tentative de maintien anticonstitutionnel au pouvoir, si par malheur Kabila s’entête à se maintenir au pouvoir en 2016, c’est vers un type d’alternance violente au pouvoir qu’il faille s’attendre pour l’y déloger. Ceci est d’autant vrai que les coups d’Etat surviennent souvent lorsque la démocratie montre ses limites.

Comme le dit le chercheur Didier Boniface Dikolo : « Le plus important n’est pas d’adapter la constitution à la réalité de l’exercice du pouvoir, mais d’adapter la réalité de l’exercice du pouvoir à la constitution. » C’est en sensibilisant et éduquant les populations dans l’appropriation (ownership) des pratiques démocratiques qu’on va consolider la démocratie. Ce qui devrait d’ailleurs être la tâche principale du fameux « ministère de la Nouvelle citoyenneté » qui verse malheureusement dans la propagande stalinienne.

Dans un entretien accordé à la presse burkinabè, un constitutionnaliste illustre fort bien la problématique de la limitation des mandats présidentiels, estimant que « l’Afrique semble frappée par une sorte de fatalisme difficile à exorciser tant cette question supplée les programmes politiques des gouvernants pendant leur second mandat. » On le voit aujourd’hui en RDC. Au lieu de s’adonner à gérer le pays pour les deux années qui lui restent, Kabila se préoccupe de plus en plus de sa survie politique en 2016 et abandonnant le pays, tel un véhicule suspendu sur un cric chez le ‘quado’. (Expression empruntée du feu Bernadin Mungul Diaka, ancien premier ministre de Mobutu, et ex-opposant du ventre creux).

Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC
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3 Comments on “RDC – La Majorité Présidentielle : Dire non à un troisième mandat de Kabila – JJ Wondo”

  • je ne vois plus par quelle magie Kabila resterait au pouvoir par la force a mon avis. car la carrotte est cuite.

  • Nsumbu

    says:

    Votre article a pour moi au moins le mérite de valoriser un savoir-faire politique que les Congolais souvent trop radicaux et parfois un brin idéalistes et même moralisants dans l’opposition réduisent trop rapidement à de la trahison ou de la duplicité : c’est la capacité à enrôler à sa cause sinon à faire douter dans le camp d’en face. C’est pour moi une tactique bien légitime que de tenter d’approcher ses adversaires pour les convaincre à vous rejoindre; ce n’est pas facile ni sans risques (notamment de compromission ou de se faire avoir) mais c’est possible de bien le réussir même au Congo !
    Ailleurs votre allusion au cas burkinabe souligne un autre aspect, celui d’un schisme au sein d’un pouvoir en place bien établi, un camp se sépare du « Chef » qui veut en imposer au delà du compromis tacite jusque là convenu… Là aussi personnellement, non seulement je le crois possible chez-nous tant le danger d’un retour en arrière avec une présidence à vie peut raisonnablement rebuter plus d’un même dans cette majorité mais aussi je conçois que même la lutte pour monter sur un pouvoir qu’on ne veut lâcher peut représenter un levier naturel qui ouvre la porte de l’alternance démocratique nécessaire… Je ne m’enferme pas toujours dans un moralisme étroit où la lutte de personnes ne serait que préjudiciable à une bonne gouvernance par la suite…

  • boboto

    says:

    Nous naissons , grandissons, étudions, travaillons, combattons et mourons pour le CONGO!
    Quiconque chercherait à échapper à celle obligation citoyenne ou bien à ce maxime, est soit un étaranger ,soit un traître au sezrvice des ennemis du congo et perdra tout ce qu’il avait gagné honnetement ou par la fraude afin que vive à jamais le congo dans ses frontières héritées de l’époque coloniale!
    Entre la survie d’une nation et l’avenir d’un homme le choix est clair !
    Le congo est eternel par contre les hommes passent!

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