Présidentielle du 30 décembre 2018 en RDC : des résultats non conformes au vote du Peuple ?
Au matin du 10 Janvier 2019, la RD Congo se réveillait avec la nouvelle d’un Président proclamé élu par les résultats provisoires de la CENI, qui seront plus tard confirmés par la Cour Constitutionnelle. Une année après, les résultats détaillés de la présidentielle ne sont pas encore rendus publics par la CENI de M. Corneille Nangaa. Ainsi, le doute sur la crédibilité des résultats agrégés proclamés la nuit du 09 au 10 Janvier 2019 persiste.
Pour mieux cerner cette question, nous l’évoquerons tour à tour sous l’angle des bonnes pratiques électorales, du cadre juridique en vigueur et des conclusions de certaines missions d’observation électorale, notamment celle de la CENCO. Nous ferons des propositions concrètes pour renforcer la transparence des prochains processus électoraux et leurs proclamations des résultats.
1. Rappel historique des bonnes pratiques en RD Congo
En 2006, la Commission Électorale Indépendante (CEI) organise le 1er tour de la présidentielle le 30 Juillet 2006 et annonce les résultats provisoires le 20 août 2006. Elle affiche les détails de ces résultats par bureau de vote sur son site internet. En 2011, malgré les incohérences des statistiques, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) annonce le 09 décembre 2011 les résultats des élections du 28 novembre 2011 et distribue à la même occasion une « vingtaine de CD-ROM contenant des résultats détaillés par bureaux de vote »[1]. Bien avant cela, dès le 02 décembre, la CENI publie progressivement les résultats partiels de la présidentielle. Mesure de transparence non inscrite dans la loi et qui a été saluée par les missions d’observation[2]. C’est ici qu’il faut rappeler l’importance de ce qu’on appelle en matière électorale « principes et bonnes pratiques électoraux »[3]. Ceux-ci impliquent toutes les bonnes pratiques, même non prévues par les lois, mais qui contribuent à la transparence et à la crédibilité tant du processus électoral que de l’action de l’organe chargé des élections. Ces bonnes pratiques sont inspirées par la tradition électorale du pays ou par l’observation des élections organisées dans d’autres pays.
En 2019, par contre, non seulement la CENI viole des dispositions légales relatives à la compilation et à la publication des résultats, mais, en plus, elle ne publie que des résultats agrégés sans aucun détail par bureau de vote. Une année après, même la simple décision de proclamation des résultats provisoires de la présidentielle est absente de son site internet[4]. Une année après, aucun élément matériel ne permet aujourd’hui une quelconque traçabilité des résultats de la présidentielle du 30 décembre 2018.
Rien que cette comparaison fait apparaître des disparités et des écarts dans l’adoption des bonnes pratiques électorales bien attestées des élections démocratiques en RDC. Cette CENI s’est aussi octroyé des libéralités avec les dispositions légales concernant la proclamation des résultats des élections. C’est ce que nous voulons montrer dans le point suivant.
2. Dispositions légales relatives à la proclamation des résultats
Le cadre juridique électoral de la RDC est l’un des plus démocratiques et progressistes en termes de garantie de transparence lors des opérations de dépouillement et de proclamation des résultats. Parmi les dispositions légales garantissant cette transparence, il convient de citer entre autres : le dépouillement des bulletins devant les témoins des partis politiques, les observateurs et 5 électeurs, immédiatement après les opérations de vote ; la signature des fiches des résultats par les membres des Bureaux de vote et de dépouillement (BVD) et les témoins et surtout l’affichage desdits résultats. Cet affichage correspond à une publication des résultats aux différents niveaux.
En effet, les articles 68, 70 et 71 de la loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, prévoient 3 niveaux d’affichage des résultats détaillés inscrits tous sous le chapitre 7 de la loi et portant le titre « De la proclamation des résultats » : au niveau des BVD, au niveau des Centres Locaux de Compilation des Résultats (CLCR) et dans les locaux de la CENI. Ceci implique en conséquence que, à côté de la proclamation officielle et solennelle des résultats par le Président de la CENI, l’affichage des résultats détaillés à ces différents niveaux fait partie des modalités légales de la proclamation des résultats. D’ailleurs, le cadre juridique parle toujours de « rendre publics » et « afficher » les résultats. L’art. 70, alinéa 2, de la loi électorale est même plus explicite à ce sujet : les résultats du vote sont rendus publics par leur affichage.
Il ne s’agit donc pas des dispositions cosmétiques, facultatives ou applicables suivant les humeurs des animateurs de la CENI, mais des exigences juridiques contribuant à la transparence et à la crédibilité des résultats proclamés. Bien plus, l’affichage des résultats permet de vérifier la transparence des processus de dépouillement et de compilation des résultats. C’est uniquement dans la mesure où toutes les procédures légales sont respectées que sont garanties la libre expression de la volonté du Peuple ainsi que la crédibilité de tout le processus électoral. C’est à ce niveau que la plupart des droits électoraux deviennent réellement effectifs[5].
La publication et l’affichage des résultats détaillés présentent des avantages indéniables : a) La transparence des résultats publiés et la confiance des électeurs dans les agrégats (résultats compilés ou additionnés) ; b) Une vérification plus facile et plus rapide de la conformité des résultats publiés à ceux qui ont été affichés immédiatement après le dépouillement devant les bureaux de vote. Cette vérification est à la portée de chaque citoyen ; c) Il est très difficile de modifier les résultats en fonction des faux agrégats, car quelqu’un ne peut pas par exemple avoir 5 voix dans 10 bureaux de vote et se retrouver avec 75 voix au lieu de 50 après la compilation ; d) il est également très difficile de fabriquer de taux de participation erronés ou gonflés comme au Katanga en 2011.
Par ailleurs, il sied de noter que les trois niveaux d’affichage des résultats qui correspondent légalement à 3 niveaux de publication des résultats, se tiennent en une corrélation inextricable : la compilation aux CLCR doit se baser sur le dépouillement des BVD et la proclamation des résultats par la CENI au niveau national s’appuie nécessairement sur le travail des CLCR. Telle est l’économie de la loi électorale et, à l’état actuel de la législation congolaise, il est illégal de proclamer des résultats non compilés par les CLCR.
Dans les lignes qui suivent, nous présenterons les dispositions légales relatives à la proclamation et à l’affichage des résultats et nous essayerons de voir si ces dispositions ont été respectées lors de la proclamation des résultats des élections du 30 décembre 2018.
2.1. Affichage des résultats au niveau des BVD
L’art. 68 de la loi électorale parle de l’affichage des résultats devant les BVD et stipule : « Aussitôt le dépouillement terminé, le résultat est immédiatement rendu public et affiché devant le bureau de dépouillement suivant les modalités arrêtées par la Commission électorale indépendante (…). » En tant que disposition légale de transparence, cet affichage au niveau des BVD est également requis à l’art. 66 des mesures d’application de la loi électorale[6]. C’est une disposition légale obligatoire qui ne souffre d’aucune exception dans la loi.
Ce niveau d’affichage permet aussi bien aux témoins des partis politiques qu’aux observateurs indépendants ainsi qu’aux citoyens ordinaires d’obtenir des informations sur les tendances des résultats et de vérifier, le cas échéant, leur crédibilité ainsi que celle des résultats compilés qui seront publiés plus tard. C’est à ce niveau que l’intégrité des scrutins et/ou le respect du choix des électeurs sont idéalement le mieux garantis. Une parenthèse à ce niveau : c’est sur la base des résultats affichés devant les BVD que la mission d’observation de la CENCO a pu réaliser son décompte parallèle des résultats de la présidentielle du 30 décembre 2018.
Les rapports des deux plus grandes missions d’observation électorale des élections du 30 décembre 2018, notamment celle de la CENCO et celle de la SYMOCEL, attestent des pourcentages presque similaires du taux d’affichage des résultats devant les BVD. En fonction des BVD observés (nombre des BVD comme celui des observateurs déployés), ce taux est de 79,68% pour la mission de la CENCO[7] et 85% pour la SYMOCEL[8]. On est donc sur une marge relative de 15 à 20% des BVD qui n’ont pas affiché les résultats après les opérations de dépouillement. Même si ce pourcentage est assez élevé et pose un sérieux problème de transparence, 80 à 85% d’affichage des résultats détaillés des BVD est déjà tout de même satisfaisant.
2.2. Affichage des résultats au niveau des CLCR
Selon l’art. 73 des Mesures d’application de la loi électorale, un CLCR procède à l’agrégation des résultats des bureaux de vote transmis par les chefs Centres de vote de la circonscription. L’art. 70, alinéa 2, de la loi électorale fait obligation aux CLCR d’afficher les résultats ainsi compilés immédiatement après ces opérations : « Le Président du centre de compilation rend publics, en affichant au centre, les résultats du vote pour les élections législatives et provinciales, et les résultats partiels des élections présidentielles au niveau de la ville ou du territoire. » L’art. 82 des Mesures d’application de la loi électorale confirme et renforce cette disposition.
En 2019, suivant les déclarations de certains responsables des CLCR interrogés par les médias, le Bureau de la CENI aurait donné l’ordre pour que les résultats de la présidentielle compilés par les CLCR ne soient pas du tout affichés. Et les missions d’observation électorale de la CENCO et de la SYMOCEL attestent que, contrairement aux dispositions légales, lesdits résultats n’ont pas été affichés aux CLCR. Rien ne permet de justifier une telle violation de la loi électorale et des mesures de son application.
Un autre fait étonnant a été observé en 2019 : les résultats de la présidentielle sont proclamés la nuit du 09 au 10 Janvier 2019, sans que certains CLCR aient fini leur travail de compilation desdits résultats. Pire encore et en violation flagrante des dispositions légales, les résultats des élections législatives nationales et des provinciales ont été publiées sans compilation des CLCR. De plus, pour la proclamation des résultats des législatives et des provinciales, la CENI qui a court-circuité le travail des CLGR, a utilisé les données des clés USB des machines à voter dont personne ne pouvait vérifier la fiabilité. Cette pratique était interdite par le cadre juridique en vigueur en 2018. Les autorités de la CENI elles-mêmes avaient répété qu’elles ne les utiliseraient pas, mais elles l’ont fait. Surgit alors une question demeurée sans réponse : comment expliquer toutes ces violations des lois lors de la proclamation des résultats ?
Officiellement, le non-affichage des résultats de la présidentielle a été justifié par la nécessité d’une validation préalable desdits résultats par le siège national de la CENI à Kinshasa[9]. Notons rapidement qu’une telle validation préalable n’est nullement présente dans la loi électorale et que, en plus, grâce aux machines à voter, la CENI possédait déjà ces résultats au soir du jour du vote. L’interdiction d’affichage des résultats ne relève donc que d’une volonté de dissimulation des vrais résultats face aux injonctions politiciennes qui conduiront à la publication des résultats qui ne reflètent nullement le choix du souverain Primaire. Rappelons que le Pouvoir de Kinshasa avait vite bloqué internet au regard des premières tendances résultats publiées dans les réseaux sociaux à partir des fiches des résultats affichées devant les BVD.
2.3. Affichage des résultats devant les locaux de la CENI
Dans l’économie de la loi électorale, les résultats que proclame la CENI sont ceux qui ont été préalablement compilés et affichés par les CLCR. En effet, l’art. 71 de la loi électorale est claire à ce sujet : « La Commission électorale indépendante reçoit les résultats de tous les centres de compilation par le Bureau de représentation provinciale (…). Elle dresse un procès-verbal des résultats provisoires signés par tous les membres du bureau. Le Président de la Commission électorale indépendante ou son délégué rend publics les résultats provisoires du vote. Les résultats publiés sont affichés dans les locaux de la Commission électorale indépendante. »
Avant de revenir sur la proclamation des résultats en janvier 2019, commençons par un test basique : ouvrez le site internet de la CENI et lancez une recherche sur les résultats de la présidentielle. Rien, absolument rien ne s’affiche. Entrez dans la rubrique la mieux tenue de ce site : les décisions (cliquez sur actualités, puis sur Décisions). Vous n’y trouverez pas le texte de la décision n° 001/BUR/CENI/19 du 09 Janvier 2019 portant publication des résultats provisoires de l’élection présidentielle. C’est comme un secret d’État. Sur le site de la CENI, il n’existe aucune donnée relative aux résultats de la présidentielle du 30 décembre 2018. La SYMOCEL précise aussi dans son rapport final que les résultats n’ont pas été affichés dans les locaux de la CENI[10]. La loi a été violée sur toute la ligne. On aurait pu imaginer que l’utilisation des machines faciliterait la collecte des données et donc aussi leur publication détaillée. Mais ce n’est pas le cas, du moins en ce qui concerne l’aspect de la publication détaillée.
3. Proclamations des résultats de l’élection présidentielle du 30 décembre 2018
La nuit du 09 au 10 Janvier 2019, la CENI proclame les résultats provisoires de la présidentielle dans les conditions de non-respect des lois que nous venons d’esquisser. De cette proclamation, il faut retenir les éléments statistiques suivants[11] :
Nombre total d’électeurs attendus : 38 542 138
Nombre des votants : 18 329 318
Taux de participation : 47,56%
Suffrages valablement exprimés : 18 280 820
Bulletins blancs : 48 498
Résultats de la présidentielle :
Félix Antoine TSHISEKEDI : 7 051 013 voix (soit 38,57%)
Martin FAYULU : 6 366 732 voix (soit 34,83%)
Emmanuel RAMAZANI SHADARY : 4 357 359 voix (soit 23,84%)
Pour emprunter une image du langage informatique, la proclamation des résultats a connu un bug sans précédent qui a conduit au plantage de tout le système. Voilà pourquoi, depuis maintenant une année, les résultats détaillés n’arrivent toujours pas et ils risquent de ne jamais être publiés.
Ce plantage du système CENI pourrait avoir été causé par un facteur extérieur tout autant inédit qu’inattendu : le comptage parallèle des voix effectué par la mission d’observation électorale de la CENCO qui, lui, nous permet de jeter une lumière collatérale sur ces résultats si opaque de la présidentielle.
4. Les lumières collatérales de la Mission d’observation électorale de la CENCO
La jeune histoire électorale de la RDC a connu en 2018 un événement inédit : le décompte parallèle des voix par une mission d’observation électorale, celle de la CENCO. Réalisé en toute discrétion, ce décompte parallèle des voix a surpris et déstabilisé les responsables de la CENI. Pour se défendre, celles-ci ont avancé l’argument d’un nombre d’observateurs électoraux accrédités inférieur à celui déclaré par la CENCO. Malheureusement pour la CENI, la CENCO a réussi à rassembler les preuves matérielles des accréditations de ses observateurs, de telle sorte que cet argument a disparu du rapport final de la CENI déposé à l’Assemblée Nationale.
Que nous apprend ce décompte parallèle des voix sur les résultats de la présidentielle ? Est-il encore possible de (re-)construire une certaine traçabilité desdits résultats ? C’est ce que nous tenterons dans ce point. Précisons d’emblée qu’il s’agit ici d’un questionnement intellectuel et scientifique, non d’un combat politique ou militant en soi déjà déphasé. Il s’agit de regarder notre histoire électorale avec courage et d’en tirer des leçons pour les prochains cycles électoraux.
4.1. Aspects organisationnels de la mission d’observation électorale de la CENCO (MOE/CENCO)
La MOE/CENCO a identifié et formé 1 026 observateurs à long terme (OLT) et 40 000 observateurs à court terme (OCT). Ces 41 026 observateurs sont identifiés et sélectionnés localement par les 47 Commissions Diocésaines Justice et Paix (CDJP) de tous les 47 diocèses du Congo. Ils viennent des CEVB, des Commissions Paroissiales Justice et Paix et d’ailleurs (donc de la base). Ils sont prêtres, laïcs, jeunes, religieux ou religieuses.
Sur les 41 026 OLT et OCT, seuls 40 850 ont été accrédités par les différents démembrements de la CENI (Le Président de la CENI a instruit les responsables de son organisation à tous les niveaux de donner ces accréditations dont la CENCO détient les preuves). De ce nombre d’observateurs accrédités doivent être soustraits ceux qui devaient travailler à Yumbi, Beni,Beni ville et Butembo ville, mais qui ne l’ont pas pu, car les élections n’y ont pas été organisées. Ainsi donc la MOE/CENCO a déployé le 30 décembre 39 824 observateurs.
Les OCT ont été guidés dans leur travail par les OLT et les 26 coordonnateurs provinciaux (provenant des 26 diocèses établis dans les 26 chefs-lieux des provinces). Au niveau national, en plus de l’équipe de supervision, la MOE/CENCO a recruté 408 agents de son Call Center installé dans le Centre de Collecte et de Traitement des Données (CCTD). Ces 408 agents étaient en contact permanent et en temps réel avec tous les observateurs qui étaient déployés sur le terrain. C’est dans ce CCTD qu’a été effectué le comptage parallèle des résultats. Des ingénieurs informaticiens encadraient ces 408 agents. Une équipe pluridisciplinaire composée de 10 analystes a aussi été mise en place. Cette équipe était chargée d’analyser toutes les données reçues et d’élaborer les rapports d’observation ainsi que les recommandations nécessaires.
La MOE/CENCO a engagé aussi des experts africains reconnus mondialement pour leur expertise dans le domaine des nouvelles technologies appliquées ou utilisées dans les processus électoraux. La MOE/CENCO a mis également en place une « chambre d’éveil » (Situation Room) chargée de suivre l’évolution des scrutins et de mener des plaidoyers en temps réel sur les incidents observés sur le terrain. Enfin, la MOE/CENCO s’est doté d’un système de collecte et de traitement des données dénommé ELMO (Election Monitoring) développé par le Centre Carter, partenaire de cette mission depuis des années.
4.2. Stratégie de déploiement des observateurs
La MOE/CENCO a déployé stratégiquement ses observateurs afin de s’assurer d’une couverture nationale maximale de tous les BVD. Dans un premier temps, elle a occupé tous les 21 784 Centres de vote (CV) opérationnels, à l’intérieur desquels se trouvaient tous les BVD. Un observateur était chargé d’un ou deux BVD. De la même façon, des observateurs ont été déployés en second lieu dans les 7886 bureaux-test ou bureaux-échantillons dont la CENCO attendait les premières grosses tendances des résultats de l’élection présidentielle.
4.3. Méthodes de collecte des données et de comptage parallèle des voix
Pour son comptage parallèle des voix, la MOE/CENCO a utilisé simultanément deux méthodes dont la confrontation des résultats permettait vérifications et contre-vérifications concomitantes. Il s’agit d’une part de l’échantillonnage des bureaux de vote et, de l’autre, d’un comptage intégral des voix.
4.3.1. Détermination des bureaux de vote échantillons
Pour obtenir les premières grandes tendances des résultats de l’élection présidentielle en temps réel, la MOE/CENCO a procédé à la détermination d’un échantillon représentatif et stratifié des BVD de toutes les circonstances électorales des députés provinciaux (territoires en milieu rural et communes en milieu urbain). A l’aide du logiciel statistique XLSTAT, ces BVD test ont été tirés sur une sélection aléatoire simple. L’intervalle de confiance étant de 95%, la marge d’erreur stricte était réduite à 1%. La taille de l’échantillon ainsi constituée était de 7886 BVD, soit 10,72% du nombre total des bureaux de vote prévu initialement par la CENI. Ce pourcentage est en réalité plus élevé, si on prend en compte uniquement les BVD opérationnels le jour des élections.
Deux remarques s’imposent à ce niveau : d’une part, il importe de souligner le fait que le comptage des voix de la MOE/CENCO se fait sur la base des données collectées à partir des fiches des résultats affichées devant les BVD à la fin des dépouillements manuels. C’est la base la plus fiable de tout le processus. D’autre part, il convient de noter que, à ce premier niveau du comptage des voix dans les bureaux – échantillons, il ne s’agit nullement d’un sondage d’opinion réalisé par interview, mais plutôt des suffrages réellement et valablement exprimés, dépouillés et affichés devant ces bureaux-test. La CENCO n’a donc pas fait de sondage.
4.3.2. Comptage intégral des voix
Avec ses 39 824 observateurs déployés dans tous les Centres de vote, la MOE/CENCO a élargi son comptage parallèle des voix au-delà des BVD échantillons. Elle a procédé aussi à un comptage intégral des voix qui lui a permis de compiler un total de 13 110 999 voix sur les 18 280 820 820suffrages valablement exprimés annoncés par la CENI. Ainsi donc, la CENCO a compilé un total de 71,53% des voix valablement exprimés.
Il existe trois niveaux successifs de vérification et de contre-vérifications internes des résultats collectés par la mission d’observation électorale de la CENCO. A chaque niveau correspondent un nombre précis des BVD, des voix par candidat et du pourcentage y relatif. Ces pourcentages par niveau de vérification ont été mal compris dans l’opinion nationale et interprétée comme des pourcentages contradictoires. Il faut juste séparer les résultats des BVD échantillons de ceux du comptage intégral des voix et comprendre le niveau 2 comme une étape provisoire ayant abouti au niveau 3. Cela se présente de la manière suivante :
Les 7886 bureaux échantillons représentent 2 308 706 votes valablement exprimés répartis ainsi entre les 3 candidats arrivés en tête des résultats :
Martin Fayulu : 1 324 401 voix, soit 57,37%.
Emmanuel Ramazani : 428 215 voix, soit 18,55%
Félix Tshisekedi : 470 429 voix, soit 29,38%
Le premier niveau de vérification par comptage intégral représente 28 733 BVD et 7 866 545 suffrages valablement exprimés, soit 42,53%
Martin Fayulu : 4 940 170 voix, soit 62,80%
Emmanuel Ramazani : 1 415 496 voix, soit 17,99%
Félix Tshisekedi : 1 180 218 voix, soit 15%
Le deuxième et dernier niveau de vérification couvre 46 748 BVD et 13 110 999 suffrages valablement exprimés, soit 71,53%. Ainsi donc, seuls 28,47 % des voix n’ont pas été compilées par la MOE/CENCO :
Martin Fayulu : 8 143 165 voix, soit 62,11%
Emmanuel Ramazani : 2 213 113 voix, soit 16,88%
Félix Tshisekedi : 2 219 054 voix, soit 16,93%
Ce qui donne plutôt un autre ordre d’arrivée à la présidentielle :
Martin Fayulu : 8 143 165 voix, soit 62,11%
Félix Tshisekedi : 2 219 054 voix, soit 16,93%
Emmanuel Ramazani : 2 213 113 voix, soit 16,88%
Cet ordre d’arrivée final montre comment le comptage intégral des voix a confirmé les tendances des résultats des bureaux de vote échantillon. On notera aussi que, dans le rapport de la CENCO, tous ces résultats sont présentés de manière très professionnel, très systématique et détaillée par circonscription électorale.
Conclusion et propositions
Au terme de cette analyse, il convient de constater que la proclamation des résultats de la présidentielle du 30 décembre 2018 s’est passée dans la plus totale irrégularité et dans le mépris absolu de toutes les dispositions de transparence requise. Après deux ans de glissement calculé – pour organiser, paraît-il, des « élections parfaites » – et des millions de dollars américains investis dans le financement des élections, il est regrettable que l’expression de la volonté du Peuple n’ait pas été exprimée d’une manière incontestable. En attendant d’y revenir d’une manière plus systématique, trois propositions suffisent à ce niveau :
a. Des sanctions contre certains responsables de la CENI
L’art. 89 de la loi no 15/001 du 12 février 2015 modifiant et complétant la Loi n o 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, prévoit des sanctions contre tout celui qui travestit ou tente de travestir l’intégrité du vote. C’est le cas de « tout membre de la Commission électorale nationale indépendante ou de sa représentation locale qui facilite la fraude au cours du déroulement des opérations électorales au bureau de vote, dans le centre de vote, dans le centre de compilation ou au niveau du Bureau de la Commission électorale nationale indépendante. Il est, en outre, puni de la déchéance de ses droits de vote et d’éligibilité politiques pendant une période de six ans. »
b. Les mécanismes de contrôle de la transmission des résultats
L’introduction du vote électronique et l’utilisation des données issues de ce vote se sont faites sans mécanismes légaux de contrôle ni possibilité d’une observation indépendante des procédures de transmission des résultats. Il faut bien adapter la loi électorale à ce vote électronique, si jamais il est maintenu.
c. Validité des seuls résultats détaillés
Une des réformes qui pourrait aider le pays, serait de rendre invalide tout résultat des élections qui ne serait pas détaillé. Sans résoudre tous les problèmes de transparence, une telle disposition contribuerait à consolider la crédibilité des résultats proclamés.
Alain Joseph Lomandja / Exclusivité DESC
Alain-Joseph LOMANDJA est le Rédacteur en Chef de DESC. Il est un Analyste et Sénior Expert électoral. Il était également un ancien consultant et formateur du Centre Carter, et ancien responsable électoral de la Commission Épiscopale Justice & Paix (CEJP) de la CENCO.
Références
[1] Cf. Le rapport de la mission d’observation de l’Union Européenne, p. 44, disponible en ligne : https://eeas.europa.eu/sites/eeas/files/eom_rdc_2011_-_rapport_final_-_0.pdf. Les CD-ROM ont été principalement distribués aux diplomates.
[2] Cf. https://www.cartercenter.org/resources/pdfs/news/peace_publications/election_reports/drc-2006-final-rpt.pdf
[3] Cf. http://aceproject.org/ace-fr/topics/em_ver2/evaluation-de-la-performance-des-oge/principes-et-bonnes-pratiques-en-matiere-de
[4] Cf. https://www.ceni.cd/rubriques/decisions?page=26.
[5] Sur la notion des droits électoraux, cf. notre article http://afridesk.org/rdc-difficile-reforme-du-processus-electoral-2015-2016-alain-joseph-lomandja/. Et sur les standards internationaux d’élections crédibles, cf. la base des données du Centre Carter : https://eos.cartercenter.org/.
[6] Cf. La Décision n° 001 BIS/CENI/BUR/18 du 19 février 2018 portant mesures d’application de la loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales. Dans le texte, cette décision est désignée simplement par les termes Mesures d’application de la loi électorale, suivie ou précédée de l’article.
[7] Cf. https://cejprdc.org/wp-content/uploads/2019/05/Rapport-Final-dOE-JPC.pdf.
[8] Cf. https://symocel.org/wp-content/uploads/2019/07/Final-Rapport-final-dObservation-des-%C3%A9lections-directes-et-indirectes-de-2018-et-2019.pdf.
[9] Cf. https://symocel.org/wp-content/uploads/2019/07/Final-Rapport-final-dObservation-des-%C3%A9lections-directes-et-indirectes-de-2018-et-2019.pdf.
[10] Ibd.
[11] Il s’agit des statistiques contenues dans le document interne de proclamation des résultats par la CENI auquel nous avons eu accès.
One Comment “Présidentielle du 30 décembre 2018 en RDC : des résultats non conformes au vote du peuple ? AJ Lomandja”
JOSE lokombe LONGA
says:Félicitation de donner aux peuples des bonnes informations et Bonne année a toute l’équipe de rédaction