Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 15-01-2015 07:00
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Les militaires congolais et l’académie de Kananga toujours à l’abandon – JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Les militaires congolais et l’académie militaire

de Kananga toujours à l’abandon

Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu

La loi de la série sur l’abandon des militaires formée par la hiérarchie continue à avoir la peau dure malgré nos incessantes alertes. Plus que jamais, la volonté politique dans le chef de ceux qui sont appelés à doter la RDC d’une armée républicaine et performante est au point mort.

Comme nous l’avons démontré pratiquement dans toutes nos analyses antérieures sur ce sujet, la haute hiérarchie politique et militaire du Congo est plus préoccupée par la sécurité du Chef de l’état et sa survie personnelle que par une réelle montée en puissance des FARDC.

Après l’épisode du quasi abandon de l’académie militaire de Kananga par les autorités congolaises, à la suite de la réduction du dispositif de la mission de conseil et d’assistance de l’Union européenne en matière de réforme du secteur de la sécurité en République démocratique du Congo (EUSEC RDC), rien a évolué dans la prise en charge des militaires formés sur place au Congo ou à l’étranger.

Comme nous le mentionnons dans notre nouveau livre sur la réforme des FARDC[1], on relève des inquiétudes sérieuses quant à la survie des dispositifs mis en place par l’EUSEC au Congo après son départ définitif. L’absence d’engagement politique des autorités congolaises dans la réforme de l’armée et l’absence d’une politique d’appropriation de l’aide étrangère risquent de mettre en ruine quelques réalisations positives entreprises par l’EUSEC RDC. C’est effectivement le sentiment manifesté par plusieurs officiers militaires qui nous ont fait état de la détérioration progressive des conditions de travail dans l’Académie militaire de Kananga qui forme actuellement environ 500 élèves-officiers et officiers. Ils craignent que la réduction du dispositif d’appui technique de l’EUSEC à Kananga entraine l’abandon total de cette institution militaire congolaise. On y signale déjà une pénurie d’eau potable et le délestage quasi-total en fourniture d’électricité. Les élèves officiers ne savent plus étudier la nuit durant laquelle l’obscurité est totale et quasi continue, alors qu’avant la réduction du dispositif de l’EUSEC, les fournitures d’eau et d’électricité étaient régulières. Un observateur m’a déclaré que « ‘les blancs’ ont laissé des bâtiments retapés impeccables mais on craint que dans un futur proche que tout soit délabré, faute d’entretien[2] ».

Le Conseil de l’UE a prorogé jusqu’au 30 juin 2015, le mandat de la mission de conseil et d’assistance de l’Union européenne en matière de réforme du secteur de la sécurité en République démocratique du Congo (EUSEC RDC). Entre le 30 juin 2015 et le 30 juin 2016, la mission EUSEC RDC fonctionnera comme une « micro-mission » PSDC (Politique européenne de sécurité et défense commune), en continuant d’apporter aux autorités militaires congolaises le soutien de l’UE dans des domaines qui ne peuvent bénéficier d’une aide du Fonds européen de développement, tels que le conseil stratégique et l’appui aux écoles militaires. La mission continuera d’aider les autorités congolaises à mettre en œuvre des réformes dans les Forces armées congolaises (FARDC), en fournissant des conseils au niveau stratégique et en apportant une aide complémentaire à la modernisation de l’administration. Depuis le 1er octobre 2014, les effectifs de la mission EUSEC RDC sont passés de 41 à 30, mais leur nombre diminuera encore à mesure que les tâches de la mission sont transférées[3].

DESC a été encore alerté hier par plusieurs sources militaires en détresse nous demandant de faire quelque chose pour préserver l’académie militaire de Kananga, restaurée grâce à l’EUSEC RDC. Selon une source : « L’évolution de l’académie militaire de Kananga est sombre. Les élèves officiers continuent à y vivre dans le noir, sans électricité, sans fourniture d’eau et avec des cours incomplets, faute de prise en charge des professeurs externes. Bref, si vous ne faites rien, tout risque de s’écrouler assez rapidement car l’autorité n’accorde aucune importance à la formation des futurs cadres de l’armée. Comment peuvent-ils parler de la montée en puissance de notre armée si on néglige les troupes et leurs chefs ? »

Comme si cela ne suffisait pas, DESC vient à nouveau d’être saisie par d’autres sources militaires qui déplorent l’abandon d’un nouveau groupe de militaires formés récemment en Tanzanie. D’après ces sources : « Plusieurs officiers et sous-officiers envoyés à la Tanzania military academy , étaient déjà des soldats actifs au sein des FARDC et recevaient donc leurs soldes normalement avant leur départ en Tanzanie. Mais une fois arrivés en Tanzanie, leurs comptes bancaires étaient et ils percevaient plus leurs salaires. De retour au pays depuis le mois de novembre 2014, ils ne perçoivent toujours par leurs soldes. Cette situation concerne 363 officiers commissionnés sous-lieutenants, 51 sous-officiers commissionnés adjudants et un groupe de 67 soldats refoulés de la Tanzania military académy.

Voilà une triste réalité de trop qui montre que Kabila n’a que faire de la montée en puissance de l’armée au Congo. Il est de plus en plus préoccupé par le renforcement de sa protection personnelle et le suréquipement de sa garde prétorienne, la Garde républicaine, qui ne cesse d’être choyée ces derniers temps en bénéficiant d’une série d’avantages sociaux (primes, logements neufs au camp Tshatshi, encadrement par les FSB, les services secrets russes et l’armée égyptienne…). En même temps, le reste des troupes broie du noir.

Nous reviendrons prochainement sur certains détails accablants du calvaire subi par ces militaires revenus de la Tanzanie. Pathétique!

Jean-Jacques Wondo Omanyundu/Exclusivité DESC

[1] Wondo Omanyundu, JJ, Les Forces armées de la RDC : Une armée irréformable ? Ed. Desc-Wondo, Aalst, 2013.

[2] http://afridesk.org/joseph-kabila-prepare-t-il-une-armee-separatiste-swahilophone-jj-wondo/, 5/12/2014.

[3] Le Conseil de l’UE, Communiqué de presse ST 13310/14, Bruxelles, le 25 septembre 2014.

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