Jean-Jacques Wondo Omanyundu
| 10-12-2013 07:15
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Le sénat adopte la loi sur les armes légères : un pas de plus dans la lutte contre les groupes armés – JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Le Sénat adopte la loi sur les armes légères, un pas de plus dans la lutte contre le groupes armés dans l’Est

La loi portant prévention, contrôle et réduction des armes légères et de petit calibre et de leurs munitions en RDC, a été adoptée à l’unanimité, le mardi 3 décembre 2013, par la plénière du Sénat.

Diminution_vente_armementsLa séance plénière du Sénat mardi 3 décembre 2013 a adopté à l’unanimité de tous les 78 sénateurs présents dans la salle de conférences internationales, le texte de loi portant prévention, contrôle et réduction des armes légères et de petit calibre et de leurs munitions en République démocratique du Congo.

Cette loi de 51 articles vise à mieux gérer l’espace national qui est essentiellement pollué par les armes légères et de petit calibre sous toutes les formes, y compris les armes à feu, blanches, empoisonnées et autres.

Cette proposition de loi, très sensible dans le contexte sécuritaire de la RD Congo de ces dernières décennies, a été présentée par la Commission Défense, sécurité et surveillance des frontières dont la vice-présidence est assurée par le MLC, le professeur Jacques Djoli, ancien vice-président de la CENI.

L’objectif premier est de mieux contrôler la traçabilité du trafic d’armes en amont pour mieux maîtriser les différents réseaux de trafic illicite des armes légères et munitions à petit calibre, de la fabrication à l’utilisation.

Dans son intervention, le sénateur Djoli a souligné l’importance de cette loi à la réforme du secteur de sécurité en RDC et à la restauration de l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire national , en mettant en avant son rôle de régulation du trafic d’armes. Ce, en s’alignant à l’évolution du droit international humanitaire.dans le cadre de la réforme du secteur de sécurité en RDC, et de la restauration de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national.

En effet, il s’agit d’une loi essentielle censée répondre à l’exigence faite à la RDC de mettre en conformité sa législation nationale à la réglementation internationale (Programme d’Action des Nations Unies et du Protocole de Nairobi en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses effets) sur les armes. Cette loi, déjà votée à l’Assemblée nationales depuis 2011, est pratiquement restée prisonnière dans les tiroirs du Sénat pendant plus de deux ans. Un rapport de la Commission Nationale de contrôle des armes légères et de petit calibre et de réduction de violence armée (CNC-ALPC) du Ministère (congolais) de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Aménagement du Territoire a stigmatisé la lenteur et le manque d’empressement d’adopter et de promulguer cette loi. (Wondo, JJ., Les Armées au Congo-Kinshasa..., 2013). Ce rapport daté de décembre 2011 mentionne clairement que « la RDC accuse une faiblesse dans ce volet. »

Actuellement la RDC ne travaille que sur l’Ordonnance-Loi numéro 85/035 du 3 septembre 1985 portant régime général des armes et munitions, texte presque caduque. Malgré ces insuffisances et imperfections, elle (cette ordonnance-loi85/035 promulguée sous MOBUTU) constitue le texte de base sur les armes jusqu’à ce jour en RDC, alors que promulguée dans une période de relative stabilité politique et sécuritaire au Zaïre (Congo). Pourtant, cette loi reste essentielle entre autres pour la mise en place d’une traçabilité des stocks d’armement individuel, voire collectif, par le marquage de toutes les armes de dotation des FARDC, puis de la PNC dans le but d’assurer le développement d’une base de données relative à ces stocks (en référence au Protocole de Nairobi). Cela devrait contribuer à juguler le trafic et les flux d’armes, cause de l’insécurité dans la partie orientale du Congo, ravagée par plusieurs décennies de conflits armés. (Wondo, JJ., Les Armées au Congo-Kinshasa..., 2013). Espérons que cette fois-ci le chef de l’État mettra les bouchées doubles pour promulguer rapidement cette loi devant accompagner la RSS en RDC.

Rd CongoParlant de l’insécurité qui règne encore dans la partie orientale du pays,  un remarquable ouvrage publié en Belgique en 2011 par le GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité) , » Armes légères dans l’Est du Congo – Enquête sur la perception de l’insécurité« , fait état, sur base d’une excellente recherche scientifique menée dans cette région, les résultats du sentiment d’insécurité perçu par les populations locales. Dans ce même ouvrage, les auteurs et chercheurs, Georges Berghezan et Xavier Zeebroek, font également le point de la portée des différentes résolutions du Conseil de sécurité relatives à l’embargo sur les armes en RDC, notamment la Résolution 1807 (mars 2008) qui élargissait le régime des sanctions des résolutions précédentes aux responsables de violences dirigées contre les femmes dans des situations de conflit armé ». Pour les auteurs, contrairement à une certaine fausse information diffusée par le président de la république et son ministre des communications, par ces résolutions, le Conseil de sécurité confirme également que les restrictions sur les importations d’armes ne s’appliqueraient plus au GOUVERNEMENT de la RDC : »les mesures sur les armes (…) ne s’appliquent plus à la fourniture, à la vente ou au transfert au gouvernement de la RDC d’armes et de matériels connexes ni à la fourniture d’une assistance ou de services de conseil ou de formation ayant un rapport avec la conduite des activités militaires destinées au gouvernement de la RDC (Résolution 1807, 31 mars 2008)…

Par cette Résolution 1807, il a été formellement mis fin aux obligations découlant de la résolution 1596 (2005) qui limitait drastiquement la possibilité pour la RDC d’acquérir de l’armement et du matériel militaire et imposait une procédure lourde qui devait passer par une minutieuse coordination de la MONUC. Un embargo qui ne se justifie plus actuellement car cette résolution dit clairement que la RDC ne fait formellement pas l’objet d’un embargo qui lui interdirait de s’équiper militairement. L’embargo dont est question ici est exclusivement destiné à couper des approvisionnements (militaires) aux groupes et milices armés. Paradoxalement, ce sont ces derniers qui étaient les mieux lotis que les unités des FARDC. C’est le cas des armes et munitions retrouvées lors de la fuite du M23 qui selon plusieurs sources concordantes étaient à la fois approvisionnées par le Rwanda mais aussi par les officiers généraux des FARDC de premier plan,  jusque pendant l’épisode de la guerre d’octobre-novembre 2013. Des sources dignes de foi au sein des FARDC nous ont signalé d’ailleurs qu’un lot de matériel militaire lourd  et motorisé d’une valeur de 4.000.000 USD, commandé au Qatar  avec des certificats dits d’ « utilisateur final » congolais que ces officiers supérieurs FARDC et les intermédiaires du Moyen -Orient, ont pu se procurer ces matériels militaires commandées et destinées par le M23. Malheureusement, la débâcle du surprise du M23 n’a pas permis la livraison de cet armement qui est resté bloqué au Qatar.

En réalité, le dispositif d’embargo sur les armes somme le Gouvernement congolais à coopérer intensément avec le Groupe d’experts désignés par le Secrétaire Général des Nations Unies en échangeant des informations sur la livraison d’armes. Cette obligation de contrôle des ventes imposée à la RDC par le Comité des sanctions de l’ONU exige à tout pays vendeur d’armes à Kinshasa l’obligation de notifier au Comité des sanctions, afin qu’il vérifie qu’elles n’aboutissent pas dans les mains des milices armées. mais sur le terrain, l’applicabilité de ce dispositif laisse à désirer.
Enfin, il y a lieu de noter  que cet embargo touchant uniquement les groupes armés (et non les forces loyalistes des FARDC) a été prolongé par la Résolution 2078 (2012) du 28 novembre 2012, reconduisant jusqu’au 1er février 2014 l’embargo sur les armes ainsi que les autres sanctions imposées à la RDC et prorogeant le mandat du Groupe d’experts créé en application de la résolution 1533 (2004).

Pour revenir à la loi ALPC, son exposé des motifs souligne que la problématique des armes légères et de petit calibre constitue un sérieux problème pour la paix, la stabilité politique et socioéconomique de plusieurs pays.

En RDC, la prolifération des armes à feu n’est pas un fait nouveau, mais elle a pris des proportions dramatiques avec les guerres à répétition, les rébellions, les mouvements insurrectionnels, l’activisme des groupes armés nationaux et internationaux sur fond d’exploitation illégales des ressources naturelles, et la faiblesse dans la tenue des registres et la gestion des stocks des armes et des munitions des forces régulières. Et cela cause des conséquences incalculables, notamment les viols massifs et la propagation exponentielle des infections sexuellement transmissibles, les massacres, les mutilations des corps, les déplacements des personnes, la destruction des infrastructures, l’enrôlement des enfants, les violations des droits humains. De plus, la grande majorité de ces armes à feu circulent et amplifient les conflits interethniques et autres crimes récurrents dans la région des Grands Lacs.

D’une manière générale, seules les forces armées et la Police nationale sont habilitées à les détenir. Les autres potentiels détenteurs de ces ALPC sont soumis à une stricte réglementation. La loi prévoit des sanctions pénales pour les contrevenants.

Qu’est-ce qu’une arme légère et de petit calibre?
La définition d’une arme légère et de petit calibre est assez équivoque car elle résulte d’une ambiguïté qui découle de la disparité des définitions au niveau des législations nationales des Etats membres de l’ONU. Dans un contexte international d’offensive contre leur prolifération, l’Assemblé générale des Nations unies a entériné une définition commune le 8 décembre 2005 au sein de la résolution A/60/88. Voici l’intégralité de la définition officielle.

On entend par « armes légères et de petit calibre » toute arme portative meurtrière qui propulse ou lance des plombs, une balle ou un projectile par l’action d’un explosif, ou qui est conçue pour ce faire ou peut être aisément transformée à cette fin, à l’exclusion des armes légères et de petit calibre anciennes et de leurs répliques. Les armes légères et de petit calibre anciennes et leurs répliques seront définies conformément au droit interne. Les armes légères et de petit calibre anciennes n’incluent en aucun cas celles fabriquées après 1899.

  1. ) On entend, de façon générale, par « armes légères » les armes individuelles, notamment mais non exclusivement : les revolvers et les pistolets à chargement automatique; les fusils et les carabines; les pistolets mitrailleurs; les fusils d’assaut; et les mitrailleuses légères;
  2. ) On entend, de façon générale, par « armes de petit calibre » les armes collectives conçues pour être utilisées par deux ou trois personnes, quoique certaines puissent être transportées et utilisées par une seule personne, notamment mais non exclusivement : les mitrailleuses lourdes; les lance-grenades portatifs amovibles ou montés; les canons antiaériens portatifs; les canons antichars portatifs; les canons sans recul; les lance-missiles et les lance-roquettes antichars portatifs; les lance-missiles antiaériens portatifs; et les mortiers d’un calibre inférieur à 100 millimètres.

Source : Nations unies, Rapport du Groupe de travail à composition non limitée chargé de négocier un projet d’instrument international visant à permettre aux États de procéder à l’identification et au traçage rapides et fiables des armes légères et de petit calibre, Résolution A/60/88, [En ligne], 2005, http://www.un.org/events/smallarms2006/pdf/A.60.88%20(F).pdf, (Page consultée le 8 août 2006).

Nécessité d’une régulation du commerce entre les États
L’aspect spécifique des transferts d’armes constitue une dimension de la problématique des ALPC qui a suscité une attention soutenue de la communauté internationale ainsi que des diverses organisations non gouvernementales depuis le début de l’offensive globale contre la prolifération. Ces dernières sont particulièrement conscientes de la nécessité d’un renforcement du contrôle des échanges licites entre les États. Ce renforcement semble effectivement essentiel puisque le lien entre le commerce légal et le marché illicite est désormais majoritairement reconnu.

Comme mentionné pour le trafic d’armes au profit du M23, les armes légalement transférées souffrent régulièrement de détournement vers des destinataires qui en font un mauvais usage. En fait, il existe plusieurs moyens de détournement des ALPC, dont la violation des embargos décrétés par les Nations unies envers un État ou un groupe non gouvernemental. Une telle violation entraîne un risque potentiel d’exacerbation du conflit, de la violence armée et de la fréquence des violations des droits humains au sein des régions où la vente d’ALPC demeure prohibée par les autorités internationales. Le détournement peut également provenir d’une falsification ou d’une violation de la certification de l’utilisateur final. Cette garantie de destination constitue un document particulièrement important dans l’octroi de l’autorisation d’un transfert d’ALPC par les autorités étatiques.

La notion d’autorisation par les autorités gouvernementales semble d’ailleurs constituer un élément essentiel au niveau de la distinction entre le commerce légal et le marché illicite d’ALPC, tel que démontré par l’établissement d’une classification utile des transferts qui se base sur la pertinence de l’obtention d’une autorisation par l’ensemble des États impliqués dans la transaction. Ainsi, cette classification distingue les transferts d’armes officiels de ceux effectués sur les marchés gris ou noir. Le marché gris sous-tend la présence d’une autorisation simple, soit par le pays fournisseur ou le pays destinataire, alors que le marché noir se caractérise par l’absence d’autorisation de la totalité des parties étatiques impliquées dans la transaction. En somme, l’existence reconnue du lien entre le commerce légal et le marché illicite d’ALPC démontre la pertinence d’une action qui vise un renforcement de la régulation des transferts d’armes légaux. Ce renforcement pourrait s’effectuer au niveau du processus d’autorisation étatique par l’établissement de principes qui guident les décisions des officiels gouvernementaux selon diverses considérations, notamment celles liées au droit international. (Marie-Michèle Tremblay, Armes légères et de petit calibre : L’échec de la Conférence des Nations unies de 2006, Université Laval – Québec, 2006).

Jean-Jacques Wondo

 

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