Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 13-09-2018 16:45
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Le Général Dikuta Ebilasang, héros de la guerre du Shaba, n’est plus : Récit spécial des guerres du Shaba – DESC

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Le Général Dikuta Ebilasang, héros de la guerre du Shaba, n’est plus

Récit spécial des guerres du Shaba

Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu

La grande famille des Officiers militaires congolais vient de perdre un de ses dignes fils, le Général de division en retraite Dikuta Ebilasang, le dimanche 9 septembre 2018 à Kinshasa à l’âge de 80 ans.

Le général Dikuta est un vétéran de la Première guerre du Shaba (Katanga). Il est de l’ethnie Mbunda – que Pierre Mulele – du Kwilu dans l’ex-province du Bandundu. C’est un ancien de la force publique, formé à l’Ecole Centrale de Luluabourg (Kananga). Alors lieutenant-colonel, Dikuta fut Commandant-adjoint de la 2ème Région Militaire à Lubumbashi (correspondant au territoire administratif du Kataka) en même temps commandant du secteur opérationnel Lomami au Nord du Shaba. Le Après la débâcle des FAZ lors de l’assaut des Tigres (ex-Gendarmes katangais) au Katanga et un conflit de leadership qui éclata au sein du commandement des opérations, le haut commandement militaire se verra dans l’obligation de restructurer le commandement opérationnel et de mettre les troupes sous les ordres du général de brigade Singa Boyenge Mosambayi, assisté notamment par le lieutenant-colonel Dikuta dans l’axe Kamina-Sandoa tandis que le major Antoine Ikuku Moboto, aussi originaire du Bandundu, commandera l’axe Kamina-Kolzwezi au sud du Shaba.

Le lieutenant-colonel Dikuta sera blessé aux combats avec une grave fracture à la jambe droite. Selon le témoignage que DESC a recueilli auprès de sa famille, hospitalisé à Kolwezi, Mobutu avait ordonné au corps soignant de ne pas lui administrer des soins appropriés de sorte qu’il soit amputé de sa jambe pour être écarté par la suite de l’armée. Pour cause, un groupe de généraux courtisans de l’Equateur avait conseillé à Mobutu de se débarrasser d’un certain nombre d’officiers, originaires du Bandundu, qui pourraient le renverser. Il échappera de justesse au crash mystérieux de l’hélicoptère dans lequel a péri son frère d’armes le major Ikuku, en refusant de monter dans cet hélicoptère, préférant rejoindre le front militaire par sa jeep de commandement. Suite à la dégradation de l’état de sa jambe et le refus de la hiérarchie militaire d’être correctement, grâce à l’intervention de la défunte épouse de Mobutu auprès de ce dernier, il sera transféré en Suisse où il subira des opérations qui éviteront l’amputation de sa jambe.

Le général Dikuta connaitra une suite de carrière militaire difficile du fait du tribalisme et du népotisme qui ont gangréné les FAZ de Mobutu et qui ciblaient particulièrement les militaires originaires du Bandundu, des deux Kasaï et du Kivu (avant son démembrement en trois provinces).

Photo : www.mbokamosika.com

Quelques éléments sur de la Première guerre du Shaba ou Shaba I (1977)

L’interventionnisme effréné et tous azimuts de Mobutu, le watch-dog des Occidentaux en Afrique médiane, en dehors des frontières du Zaïre, dicté par les intérêts géostratégiques de L’OTAN et encouragé par la CIA, le conduisit entre 1975 et 1978 à s’impliquer sans ménagement dans la guerre civile qui sévissait en Angola. Ainsi, Mobutu envoya des troupes des FAZ soutenir le Front National pour la Libération de l’Angola (FNLA) et à l’Union Nationale pour l’Indépendance Totale de l’Angola (UNITA) dirigée par Jonas Savimbi, qui se battaient contre les forces loyalistes et marxistes du Mouvement Populaire pour la Libération de l’Angola (MPLA), dirigé par le Président, le Dr. Agostinho NETO. Le retour du feu provoqua la création d’un mouvement insurrectionnel, le « Front pour la Libération Nationale du Congo » (FNLC), créé en 1968 et dirigé par Nathaël Mbumba[1], un ancien commissaire de police à Kolwezi et président d’une association des Lunda, l’ethnie majoritaire au Katanga[2]. Ce mouvement était composé principalement de combattants zaïrois d’origine katangaise appelés « TIGRES » (Troupes d’Infanterie et de Guérilla Révolutionnaires) ou Gendarmes Katangais, qui se sont exilés en Angola après l’échec de la Sécession Katangaise et l’assassinat de Moïse Tshombé[3].

Le conflit a débuté le 8 mars 1977, lorsqu’environ 2 000 membres du FLNC ont envahi le Shaba, province du sud-ouest du Zaïre, avec le soutien gouvernemental de l’Angola, du MPLA et l’implication possible des troupes de Cuba[4]. Les Gendarmes Katangais vont envahir le Sud de cette province, suite à une faible résistance des FAZ. Ils vont occuper facilement Kasaji le 13 mars et Mutshatsha le 25 mars 1977. D’autres localités comme Kayembe, Kisenge, Kapanga, Dilolo, Musumba, Sandoa, vont tomber successivement aux mains de la rébellion[5].

Extrait des opérations militaires de la Première guerres du Shaba (Shaba I)

Les informations ci-dessous sont tirées de la thèse du Major Malutama di Malu présentée à la Faculté de « U.S. Army Command and General Staff College in partial Fulfillment of the requirements for the Degree à Fort Leavenworth, Kansas en 1981 »

Dès le premier mois des attaques, le commandement opérationnel militaire zaïrois, dirigé par le Chef d’état-major général des FAZ, le Capitaine général[6] Bumba Moaso Ojogi, était vite dépassé par les événements. Mobutu décide de restructurer le commandement et les troupes opérationnelles. Il rappelle le général Bumba Moaso Ojogi à Kinshasa le 15 avril 1977. Après que le général Bumba Moaso Djogi eut quitté la zone opérationnelle, le département de la défense décide de renforcer le bataillon Vuadi Na Palata (Voir la structure initiale plus bas) avec une compagnie en provenance de Kitona. Le 20 avril, le colonel Dikuta Ebilansang, commandant de la 13e brigade de la division de Kamanyola, est désigné commandant des unités du nord.

Avant de se rendre à Kamina, le colonel Dikuta Ebilansang devait se présenter d’abord au quartier général à Kolwezi pour être informé de ses nouvelles fonctions par le nouveau chef des opérations, le général de brigade Singa Boende Mosamba. Alors que le colonel Dikuta Ebilansang se trouvait en plein vol dans un avion militaire C-130 de la force aérienne zaïroise qui le transportait versKolwezi, le général Bumba Moaso Ojogi, une fois de plus pour des raisons inconnues, transmet un télégramme urgent à Kolwezi pour rappeler le colonel Dikuta Ebilansang à Kinshasa. A l’état-major général des FAZ à Kinshasa, les autorités militaires seront surprises de revoir le colonel Dikuta Ebilansang. Il fera l’objet d’une audition par le général Buma Moaso Djogi, jugé mais curieusement libéré. Il arrive finalement à Kamina le 24 avril 1977.

La progression du bataillon du lieutenant-colonel Vuadi vers Sandoa par le ne commence qu’au 11 mai 1977, soir deux mois après l’agression des gendarmes katangais, faute de rations et de munitions. Le major Kabangu et son bataillon (Voir la structure initiale plus bas) vont rejoindre le lieutenant-colonel Vuadi à Kafakumba.

Le bataillon de Vuadi a occupé la ville de Samuyemba le 12 mai. Un camion a été détruit 4 kilomètres avant Samuyemba par une mine antichars et 6 hommes ont été blessés. Pendant que le bataillon de Vuadi préparait les défenses, un peloton de Kabangu Bttlion s’est dirigé vers Naso, 1 sur l’axe Tshipao-Kasaji, pour assurer la sécurité arrière du bataillon de Vuadi en dégageant la zone entre Tshipao-Pwelete et Kashileshi avec les unités du colonel  Antoine Ikuku Moboto, surnommé « Serpent des rails ». Le même jour, le bataillon de Kabangu a reçu l’ordre de se déplacer vers Sandoa. Le 18 mai, le bataillon de Kabangu a été pris en embuscade par les gendarmes katangais à Samaki, mais aucune victime n’a été signalée. Le bataillon de Vuadi a poursuivi sa progression le lendemain.

Le bataillon Kabangu sera de nouveau surpris dans une embuscade à Sandumba le 20 mai 1977 dans une contre-offensive des gendarmes katangais. Le bataillon Kabangu sera quasiment en débandade totale. Il subira d’énormes pertes et abandonnera des munitions et des armes aux rebelles katangais dans sa fuite. C’est alors que les éléments tactiques du PC du colonel Dikuta Ebilansang du bataillon Vuadi viendront au secours de ce qui reste du bataillon de Kabangu. Après une heure, l’offensive vers Tshitibalanga sera lancée par le bataillon Kabangu, le PC tactique du colonel Dikuta et les unités du bataillon Vuadi.

Au bout de trois heures de combat acharné, la principale compagnie du bataillon de Kabangu est de nouveau prise en embuscade à Mgungu. Un obus de mortier ennemi de 81 mm a explosé dans la jeep du colonel Dikuta. Le colonel Dikuta sera victime d’une fracture à la jambe droite et évacué tardivement à Kolwezi dans les conditions sanitaires précaires. Trois autres militaires sont également blessés. Mais la tenacité des éléments de Dikuta prendra le dessus sur les gendarmes katangais qui replieront en perdant des dizaines de combattants et hommes en abandonnant des munitions et des armes.

Le 23 mai 1977, le feu colonel Sasa Muaka, dont le fils, Patrick Sasa, est actuellement lieutenant-colonel commando des FARDC, breveté d’état-major de l’US Army War College, arrive à Samundumba. Il ordonné la poursuite de l’offensive vers Sandoa. À 16 heures, ses troupes Tshimbalanga sans aucune résistance des forces ennemies. Après 30 minutes, les unités sont parties à Sawamba où elles ont occupé des positions le 24 mai 1977 à 14 heures. Le lendemain matin, avec l’appui de l’aviation de combat, les unités des FAZ vont progresser vers Sandoa. À 12 h 10, les éléments de la première ligne de combat feront leur entrée dans Sandoa et à 13 h 30, rejointes par les autres unités pour occuper Sandoa et la reprendre des mains de l’ennemi.

Comme dans d’autres secteurs opérationnels et fronts militaires, les localités de Kapanga et Muswiba seront reprises sans résistance par les forces régulières commandées par le colonel Mulimbi Mabilo, commandant opérationnel de la zone de Kapanga. Kapanga est reprise le 26 mai. Le colonel Mabungu Soko Kombe, commandant du bataillon du 1er Commando va nettoyer par la suite la zone entre Kapanga et Luiza.

Avec le concours de la France, Mobutu viendra finalement à bout de cette rébellion en mai 1977 en repoussant les Tigres Katangais hors des frontières du Shaba à la faveur de l’Opération VERVEINE montée par le Maroc[7], qui envoie 1500 hommes aérotransportés à bord d’avions Trassall, gros porteurs français. En une semaine, les Marocains reconquièrent le terrain perdu par les FAZ. Face à cet adversaire trop fort, les rebelles préfèrent se replier sans combattre[8]. Giscard d’Estaing s’intéresse vivement à l’immense Zaïre, pourtant en dehors du pré-carré traditionnel de Paris[9].

Les pertes des forces régulières lors de la première guerre du Shaba ont été de 247 soldats tués, 343 blessés et 8 disparus. Selon les éléments d’analyse de la thèse du major Malutama, la première invasion du Shaba aurait dû servir d’avertissement aux services de renseignement zaïrois. Au lieu de cela, les services de renseignement, à la fois civils et militaires, ont échoué une fois encore à accomplir leurs missions.

Illustration opératique de la première guerre du Shaba par le feu général Paul Mukobo Mundende

La partie ci-dessous est extraite de la contribution écrite du général de corps d’armée Paul Mukobo dans mon ouvrage : Les Armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC.

Les ex-gendarmes katangais envahissent la commune frontière, Zaïre-Angola, le 8 mars 1977. En peu de temps, ils atteignent leurs premiers objectifs qui sont les localités situées le long de la frontière, à savoir, Dilolo, Kisenge-Manganèse, Sandoa, Kapanga et progressent très rapidement car ils ne rencontrent pas une grande résistance de la part des unités de gendarmerie installées dans différents localités. Cette agression est considérée par tous les responsables tant politiques que militaires comme une surprise. En réalité, il ne s’agissait pas d’une surprise. Car l’invasion était connue des services de renseignements. Mais, les informations transmises par les échelons inférieurs à leurs hautes hiérarchies n’étaient jamais exploitées.

Les auteurs des services de renseignements étaient blâmés par leurs supérieurs, punis, traités de paniquards et mutés loin de la zone du front. Et pourtant personne n’ignore que les renseignements sont très importants sur tous les plans : tactique et stratégique. Sur le plan tactique, ils permettent au général de préparer ses ordres d’opérations en connaissance de cause. La connaissance de l’ennemi, de son matériel et de ses méthodes d’opérations, du terrain et du milieu sont indispensables. La recherche des informations sur ces facteurs sont primordiaux et permanents. Les services de renseignements en République Démocratique du Congo étaient extravertis dans ce sens que ces services se préoccupaient plus du comportement des gens à l’égard du président de la République que de la recherche des informations ayant trait aux menaces extérieures et à la sécurité du territoire national.

Pour faire face à l’agression ennemie, les chefs militaires restent fidèles à leur principe de scruter le passé pour préparer la dernière bataille. La nouvelle est diffusée par les médias du monde entier. Plusieurs unités d’infanterie, para commandos, blindées, etc. se retrouvent au front et chaque fois elles sont repoussées par l’ennemi. Ces unités sont envoyées au compte-goutte. On trouve deux compagnies du 12ème bataillon : la 2ème compagnie assure la défense de Kolwezi, la 3ème compagnie est à Kasaji à plus de 300 km de Kolwezi et le reste du bataillon est resté à Lubumbashi en garnison, et une compagnie mobile du bataillon territorial de Kolwezi est Mutshatsha.

Ensuite, la 1ère compagnie, la 2ème compagnie et la compagnie d’appui du bataillon para commando font mouvement par train vers la zone opérationnelle. Les deux compagnies para commando avaient des effectifs comparables à ceux d’un peloton chacune, 41 hommes pour la 1ère et 52 hommes pour la 2ème. Enfin, un escadron blindé complète le tableau des unités qui affrontaient les ex-gendarmes katangais décidés à s’emparer de la Région du Shaba et de deux Kasaï.

Il faut relever jusqu’à cet instant précis, on ignore celui qui donne l’ordre aux unités pour se lancer dans la bataille. Au moment où le pays est attaqué par les troupes venues d’Angola, le président Mobutu se trouve à Gbadolité, sa ville natale, devenue la seconde capitale du pays. Informé de la situation, il ordonne au colonel chef d’état-major de la force terrestre de prendre directement le commandement des opérations et le chef d’état-major de son cabinet est désigné officier de liaison. Les deux officiers supérieurs font directement mouvement vers Kolwezi où ils seront rejoints par le capitaine-général (chef d’état-major général) des FAZ.

Dès son arrivée à Kinshasa, le président de la République convoque les chefs d’état-major des forces et de la gendarmerie pour examiner la situation tragique que connaissait la nation. A cette réunion seront adjoints tous les responsables des services de renseignements. Elle se tient à huis clos. Ce n’est que quinze jours plus tard depuis l’attaque des ex-gendarmes katangais que les mesures opérationnelles seront prises. D’abord, le président décide de la création d’un conseil de guerre opérationnel pour des raisons faciles à deviner.

Mais la grande décision qui est sortie de toutes les réunions tenues par le président de la

République est évidemment la composition des unités pour les opérations et communiquée aux officiers de tous les grades réunis au quartier général des FAZ. C’est le chef d’état-major de la gendarmerie nationale qui sera chargé de la communiquer.

Pour des raisons inconnues et difficiles à comprendre, le chef de l’Etat a composé personnellement les unités qui doivent aller en opérations contre les insurgés qui ont attaqué la nation zaïroises. Voici ces unités :

Bataillon LtCol Vuadi : deux compagnies venant de la divison Kamanyola en formation à Kitona, une compagne du 1er bataillon d’infanterie de Kisangani, et deux compagnies constituées des militaires de la 13ème brigade de Kalemie.

– Bataillon LtCol Mukobo : deux compagnies de la division Kamanyola, deux compagnies de vélités et une compagnie venant du bataillon de Watsa.

– Compagnie Cdo Capt Tshibangu.

– Compagnie Cdo Capt Shabani.

En dehors de deux capitaines qui étaient commandants de leurs compagnies, les deux lieutenants colonels Vuadi et Mukobo étaient des officiers exerçant des fonctions de chefs de section dans les états-majors des forces. Avant cette désignation pour des raisons opérationnelles, ces deux officiers n’avaient pas exercé les fonctions de commandant d’unité.

Pour encourager les commandants d’unités dans leurs missions opérationnelles, le chef d’état-major de la gendarmerie leur dit : “Le président vous a désignés commandants d’unités de combat, parce qu’il connaît vos capacités et il a confiance en vous. Il vous souhaite bonne chance et compte sur votre esprit d’abnégation et votre patriotisme. ”

Cette composition des unités pour les opérations de guerre ne s’était jamais présentée nulle part à travers les âges dans l’histoire de l’art de la guerre. Cela n’avait lieu que dans les forces armées congolaises. Le général Mobutu, d’abord commandant en chef de l’armée, ensuite président de la République et commandant suprême des armées, se considérait comme le super stratège, possédant les meilleures connaissances de l’art de la guerre. Tous les officiers généraux et supérieurs qui l’entouraient et le conseillaient ne pouvaient contredire ses décisions. Le président avait décidé et dans la foulée, les officiers désignés pour combattre l’ennemi devaient immédiatement se rendre à l’aéroport et rejoindre la zone opérationnelle où ils allaient rencontrer les troupes mises à leur disposition pour les opérations et cela sans un ordre opérationnel écrit comme d’habitude.

Donc, dans toutes les opérations de combat en République Démocratique du Congo, depuis son accession à la souveraineté nationale, le commandant en chef avait appliqué les principes. C’étaient toujours des unités reconstituées comme il dit ci-haut qu’il envoyait aux combats.

L’opération Ommegang en 1964 (sauvetage des otages à Stanleyville) était commandée par le colonel F. Vandewalle (ancien administrateur de sûreté pendant la période coloniale). Contre les mercenaires révoltés à Stanleyville sous le commandement de colonel Jean Schramme et Bob Denard et qui avaient pris la ville de Bukavu en 1967, c’est l’inspecteur général de l’infanterie qui était chargé de mener les opérations. Aussi lors de la guerre de quatre-vingts jours, après l’échec du premier commandant opérationnel, le colonel Mampa, c’est le chef d’état-major de la gendarmerie qui sera désigné comme commandant d’opération.

Il ne faut pas nécessairement être spécialiste de l’art de la guerre pour constater que l’ignorance voulue ou pas des lois, principes et règles de l’art de la guerre a conduit l’armée nationale congolaise aux déboires que l’on connaît. Des officiers formés dans les académies militaires occidentales et des brevetés d’état-major des écoles supérieures militaires (les écoles de guerre) étaient dans l’impossibilité de s’exprimer, d’apporter le changement nécessaire, d’influer sur les décisions qui auraient permis de créer une vraie armée aux normes modernes.

Malheureusement, ce mode opératoire s’est cristallisé dans les FARDC de Joseph Kabila.

La Deuxième Guerre du Shaba (Shaba II)

En se retirant du Shaba, les rebelles katangais ont écrit sur les murs des magasins : vous avez gagné la guerre aujourd’hui, 13 mai 1977 ; « mais l’année prochaine à la même date, nous sortirons vainqueurs » [10]. Un an plus tard, jour pour jour, ils sont au rendez-vous. Leur offensif éclair, organisée par des officiers allemands de l’est, est une réussite militaire[11].

Avant la deuxième invasion des Tigres katangais en 1978, il y avait des informations précises sur les velléités d’attaque des gendarmes katangais après leur première défaite. Malheureusement, ces indications n’étaient pas exploitées par les structures responsables. Malgré des rumeurs persistances d’une nouvelle attaque des rebelles katangais, la ville de Kolwezi était défendue par pas plus de 300 soldats zaïrois[12].

En effet, une année après la fin de la Première Guerre du Shaba, soit en mai 1978, les ex-gendarmes Katangais du FLNC revinrent à la charge. Cette fois-ci, ils n’attaquèrent plus à partir de l’Angola, mais par la Zambie et occupèrent la ville de Kolwezi, poumon économique du Zaïre, où demeurent de très nombreux Occidentaux. C’est le début de la deuxième guerre Shaba ou Shaba II menée par des gendarmes katangais estimés à 5 000, au départ de leurs bases arrière en Angola marxiste, le 13 mai 1978 à 6 heures.

Cette seconde invasion était non seulement plus grande et mieux planifiée; c’était également, selon Washington, activement soutenu par les troupes cubaines qui avaient formé les gendarmes en Angola. Les gendarmes provenaient de deux différentes directions. Certains ont emprunté le chemin de fer de Benguela, qui part du Shaba à travers l’Angola jusqu’à l’océan Atlantique. D’autres sont passés par la pointe nord de la Zambie, dont les membres de la tribu Lunda sont apparentés aux gendarmes. Ils s’infiltraient en petits groupes et portaient des vêtements traditionnels locaux, mais étaient munis des kalachnikovs AK 47 et d’autres équipements de fabrication soviétique sur leurs épaules. L’infiltration s’est effectuée en 45 jours à pied. Les gendarmes avaient donc investi Kolwezi depuis plusieurs semaines. Un grand nombre de personnes étrangères étaient aperçues à Kolwezi avant l’attaque, sans aucune alerte de la part des services de renseignements zaïrois. Ils se sont familiarisés avec la population et ont même sympathisé avec leurs anciens copains et parents à Kolwezi. Les gendarmes avaient un excellent renseignement sur les activités et les faiblesses des FAZ alors qu’aucun responsable n’était au courant de la présence des gendarmes à Kolwezi[13].

Après avoir occupé la ville de Kolwezi, les gendarmes ont exécuté à sang froid et massacré au moins 100 blancs et 300 noirs, avant qu’ils ne soient chassés de la ville. Le bilan final des victimes de la ville minière de Kolwezi sera de 855, selon la Croix-Rouge zaïroise et le Comité International de la Croix-Rouge. Le total des civils zaïrois tués dans la deuxième guerre du Shaba est estimé à 300 dont 85 femmes[14].

Le régime zaïrois reprendra cependant rapidement le contrôle grâce aux interventions militaires montées par la France et par la Belgique pour protéger leurs expatriés. Le 19 mai 1978, la France, avec l’appui technique de la Belgique, mirent au point en faveur du régime de MOBUTU une Opération militaire baptisée « LEOPARD » ou « BONITE ». Cette opération vit les paras du 2ème Régiment étranger de parachutistes (2ème REP) de la Légion étrangère sauter sur Kolwezi. Les bérets verts du 2ème REP et un bataillon du régiment de commandos belges parvinrent à libérer des expatriés pris en otages par des rebelles katangais du FLNC qui assiégèrent la ville minière de Kolwezi. Les maîtres occidentaux de Mobutu l’aidèrent une nouvelle fois les FAZ à bouter les agresseurs hors du territoire national[15].

Au final, cette « seconde guerre du Shaba » se solde par un lourd bilan parmi les civils ; 750 Africains tués, en majorité des Kasaïens employés de la Gécamines, 170 Européens, dont une vingtaine d(otages enlevés par les rebelles exécutés en brousse et une vingtaine de blessés. Environ 250 rebelles ont péri. Voilà comment Mobutu fut sauvé une fois de justesse par la France[16].

Conclusion

Depuis la mutinerie du 6 juillet 1960, et le refus du général Mobutu, alors colonel, de refaire une nouvelle armée au Congo, et le maintien des militaires mutinés, il n’était pas possible de faire une armée républicaine digne de ce nom. Les officiers sortis de rang se sont imposés, avec à leur tête le général Mobutu, et ont ainsi empêché les officiers formés à transformer l’ancienne armée nationale en une armée moderne. (Général de corps d’armée Paul Mukobo).

Les deux agressions du FNLA, il faut le reconnaître, portèrent un coup de grâce au régime de Mobutu. Elles engendrèrent une crise politique et une prise de conscience qui débouchèrent sur le doute concernant « l’idéologie mobutiste », les institutions politiques et l’Armée. Elles favorisèrent la naissance des mouvements de contestation d’ordre politique, avec l’appui de l’Occident échaudé[17].

Si les guerres du Shaba permirent de constater la fragilité des FAZ et préfigurèrent la chute du régime de Mobutu. Paradoxalement, elles furent l’occasion de découvrir les qualités militaires et combattantes de certains jeunes vaillants militaires des FAZ, parmi lesquels le colonel Antoine Ikuku Moboto (dont le fils évolue dans la PNC au Katanga), le Commandant d’aviation Léon Mbo Izamapango, Le major Donatien Mahele Lieku, surnommé « Tigre », le dernier chef d’état-major général des FAZ avant la chute de Mobutu, mon mentor, le lieutenant-colonel Paul Mukobo Mundende[18], ou le lieutenant-colonel Dikuta Ebisalang àqui vient de nous quitter et à qui nous rendons le présent hommage en guise de devoir de mémoire ; la liste étant non exhaustive.[19]

Au nom de toute l’équipe de DESC, nous présentons de tout cœur nos profondes condoléances à sa famille biologique et à toute la famille militaire congolaise pour cette grande disparition pour la nation congolaise.
Paix à ton âme, Mon Général et Merci pour les loyaux services rendus à votre mère-patrie qui ne vous a pas toujours été reconnaissante.

Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Références

[1] JJ Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, 2ème édition, octobre 2015, p.83.

[2] Isidore Ndaywel è Nziem, Nouvelle histoire du Congo ? Des origines à la République démocratique, Le Cri, Afrique Editions, 2009, p.559.

[3] JJ Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, 2ème édition, octobre 2015, p.81.

[4] http://www.congo-autrement.com/page/congo-histoire/zaire-guerre-de-shaba-kolwezi-mai-juin-1978.html.

[5] JJ Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, 2ème édition, octobre 2015, p.81.

[6] Une nomenclature ou grade fantaisiste inventé par Mobutu.

[7] JJ Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, 2ème édition, octobre 2015, p.89.

[8] Jean-Pierre Langellier, Mobutu, Ed. Perrin, Paris, 2017, p.264.

[9] Jean-Pierre Langellier, Mobutu, Ed. Perrin, Paris, 2017, p. 263.

[10] Colette Braeckman, Le Dinosaure. Le Zaïre de Mobutu, Fayard, 1992, p.66. Citée par JP Langellier, op. cit. p.265.

[11] Jean-Pierre Langellier, Mobutu, Ed. Perrin, Paris, 2017, p.266.

[12] Extrait des opérations militaires des guerres du Shaba selon les éléments de la thèse du Major Malutama di Malu présentée à la Faculté de « U.S. Army Command and General Staff College in partial Fulfillment of the requirements for the Degree à Fort Leavenworth, Kansas en 1981 »

[13] Extrait des opérations militaires des guerres du Shaba selon les éléments de la thèse du Major Malutama di Malu présentée à la Faculté de « U.S. Army Command and General Staff College in partial Fulfillment of the requirements for the Degree à Fort Leavenworth, Kansas en 1981 »

[14] Extrait des opérations militaires des guerres du Shaba selon les éléments de la thèse du Major Malutama di Malu présentée à la Faculté de « U.S. Army Command and General Staff College in partial Fulfillment of the requirements for the Degree à Fort Leavenworth, Kansas en 1981 »

[15] JJ Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, 2ème édition, octobre 2015, p.89.

[16] Jean-Pierre Langellier, Mobutu, Ed. Perrin, Paris, 2017, p. 283.

[17] JJ Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, 2ème édition, octobre 2015, p.90.

[18] JJ Wondo, Hommage de DESC au Général de corps d’armée Paul Mukobo Mundend, 18 Octobre 2018, http://afridesk.org/fr/hommage-de-desc-au-general-de-corps-darmee-paul-mukobo-mundende/.

[19] JJ Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, 2ème édition, octobre 2015, p.84.

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