Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 22-12-2014 07:07
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Who’s who : L’ex-recruteur des milices Aimé Ngoy Mukena, ministre de la Défense nationale – DESC

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Who’s who : L’ex-recruteur des milices Aimé Ngoy Mukena,

ministre de la Défense nationale

Ngoy Mukena aimé

Aimé Ngoy Mukena, l’ancien gouverneur du Katanga de 2001 à 2004 et professeur à l’université de Lubumbashi, est un Mulubakat convient d du groupement de Kabumbulu, collectivité de Mulongo en territoire de Malemba Nkulu dans le district du Haut-Lomami. Il est connu pour avoir créé et approvisionné en 1999 des milices armées de la province, avec John Numbi alors commandant de la 6ème région militaire (Katanga) et le sulfureux sécessionniste Kyungu wa Kumwanza. Il remplace un autre Katangais Alexandre Luba Tambo qui pouvait être compétent partout mais sauf à la Défense nationale où il n’était que l’ombre de lui-même. Une fois de plus, dans ce domaine très sensible, Kabila a respecté sa tradition de n’offrir qu’aux Katangais ce ministère régalien de la souveraineté nationale. Après Chikez Diemu, Mwando Simba, Alexande Luba, c’est encore un fils du terroir katangais qui occupe ce poste de ministre de la Défense nationale.

Ngoy Mukena est l’oncle du seigneur de guerre Kalenga Ngwele alias Makabe dont John Numbi est le cousin. Un autre chef Maï-Maï Ngwena connu couramment sous le nom de Tshinja Tshinja est le beau-frère du nouveau ministre de la Défense. Ngoy Mukena est très proche du parti au pouvoir, le PPRD, qui a pesé de son poids pour l’intégration des milices qu’il entretenait au Katanga, dans le processus de brassage en 2004. Ngoy Mukena a été également actif dans la création des Forces d’autodéfense populaires (FAP) en 1999, sous l’impulsion de Laurent-Désiré Kabila pour contrer l’avancée spectaculaire de la coalition RCD-Goma et APR (l’armée rwandaise) au Katanga par trois axes (Moba-Pweto, Kabalo-Manono et Nyunzu-Kongolo). Il avait reçu de la part du gouvernement central la mission de s’occuper de la formation paramilitaire et de l’équipement des FAP. (International Crisis Group : http://www.operationspaix.net/DATA/DOCUMENT/5578~v~Katanga__La_crise_oubliee_de_la_RDC.pdf) Selon le témoignage d’un ancien responsable d’une de ces milices : « Ces groupes armés étaient au départ des milices officielles avant de sombrer dans la criminalité et le cannibalisme suite à leur abandon par le gouvernement central à la suite de l’assassinat Mzee Laurent Désire-Kabila. Depuis, ils sont devenus des électrons libres, des tueurs et des assassins sans objectif et sans idéologie, si ce n’est de massacrer froidement et sans état d’âme leurs propres frères du Katanga. Mais Ngoy Mukena s’en défend toujours ».

En effet, c’est vers la fin 1998 et le début 1999 que plusieurs groupes des Maï-Maï du Katanga ont été créés sous la supervision des autorités provinciales, notamment Aimé Ngoy Mukena. Mais ces groupes, après avoir été abandonnés par leurs géniteurs, se sont retournés contre le gouvernement central en se livrant aux attaques contre les populations locales[1]. Human Rights Watch a largement documenté les crimes de guerre commis par ces groupes en recommandant au gouvernement congolais d’initier des poursuites contre les auteurs de ces groups, mais comme d’habitude, les autorités congolaises se sont montrées complaisantes envers ces criminels. Les combattants Maï-Maï sous les orders de Kyungu Mutanga, alias Gédéon, et un autre leader Maï-Maï, Makabe Kalenga Ngwele, ont également tué, violé et abusé des centaines de civils depuis 2002, rapporte HRW. Dans plusieurs cas, les Maï-Maï ont torturé publiquement leurs victimes avant de les tuer et de les cannibaliser lors des cérémonies publiques visant à terroriser les populations[2].

La lutte de leadership, la soif du pouvoir et la faillite du gouvernement congolais de contrôler ses structures paramilitaires qu’il avait armées, entraîneront des scissions dans différents mouvements Maï-Maï qui s’identifiaient chacun à des seigneurs de guerre bien spécifiques. C’est ainsi, qu’il y en aura plusieurs qui sèmeront la terreur et la désolation dans leurs axes respectifs qu’ils contrôlaient et dirigeaient administrativement. Cas du fameux Ngwena connu couramment sous le nom de Tshinja Tshinja du fait de sa cruauté dans le territoire de Kabongo, Bakanda Bakoka, Gédéon Mutanga dans l’axe Mitwaba-Manono-Pweto, Makabe Kalenga Ngwele, Nvwende, etc[3].

La nomination de Ngoy Mukena, à ce poste conforte de plus en plus notre thèse, avancée aussi par une certaine opinion Katangaise, de l’option prise par Kabila de privilégier son maintien au pouvoir par la force en 2016 ou d’une tentative de repli vers le Katanga si les choses tournent en sa défaveur. Le choix d’un ex-responsable du recrutement des milices locales met davantage en lumière la stratégie de la résistance politique armée planifiée par Kabila dans le cas où des évènements qu’il ne peut contrôler l’obligeraient à quitter le pouvoir dans le respect de la Constitution. Une stratégie qui va à contre-courant des FARDC, dont plusieurs officiers supérieurs exigeraient que la Défense nationale, priorité des priorités, soit dirigée par un ministre prédisposé à professionnaliser l’outil militaire en vue de la montée en puissance effective des FARDC et non des milices armées. Cette nomination intervient au moment où la réforme des FARDC bat de l’aile et que toutes les recommandations, notamment l’Accord-Cadre et la résolution 2098 du Conseil de sécurité de l’ONU, exigent une réforme en profondeur de l’armée. Il s’agit là  d’un mauvais signal adressé à tous les hommes de rang qui espéraient qu’un ministre compétent, empathique et rompu aux questions de la défense puisse prendre leur situation à bras le corps. Malheureusement, Kabila privilégie ses intérêts politiciens personnels en choisissant un homme très controversé pour conduire la défense de l’Etat. Joseph Kabila trouverait en la personne de Ngoy Mukena l’homme qui lui permettrait de réactiver les miliciens et ex-FAP, estimés à environ 5.000 à 10.000 hommes devant lui permettre d’accomplir son plan B en 2016. Un plan à relent indépendantiste qui voudrait faire du Katanga une zone de repli pour Kabila en cas d’échec de son maintien au pouvoir en 2016.

Notons que dans ce plan de repli vers le Katanga avancé par plusieurs sources locales katangaises, il y a aussi le recours aux soldats/combattants Tutsi/ « Banyamulenge ». C’est ce qui expliquerait, selon nos sources, la mutation du Général Pacifique Masunzu, contre son gré[4], du Sud-Kivu vers la base de Kamina. Une source militaire congolaise de la base de Kamina nous informe que la mission assignée à Masunzu est de commander 5 régiments des forces spéciales Tutsis CNDP/RDF (armée rwandaise) pour opérer sous les couleurs des FARDC dans la province cuprifère. Ces unités devraient se tenir prêt à une éventuelle intervention pour protéger le rais en cas de soulèvement populaire au Katanga, où la tension anti-Kabila ne fait que monter ces derniers mois dans les discours des politiques et des leaders/associations de la société civile. Ces unités devraient faire jonction avec les groupes Maï-Maï que le régime est en train de reconstituer au Katanga, selon une autre source ex-Maï-Maï du Katanga.

Notons par ailleurs que Pacifique Masunzu est également très proche du général Jonas Padiri Muyinzi, à ne pas confondre avec le général-major Antoine Padiri Buhendwa[5]. Padiri Muyinzi, de son vrai nom Padiri MUHINZI, ex-bras droit du général Pacifique Masunzu, est un jeune général de l’ethnie Tutsi installée au Sud-Kivu. Il a fait partie de la rébellion CNDP, puis intégré aux FARDC en 2011 comme chef des renseignements et opérations à l’ancienne 8ème région militaire (Sud-Kivu) après l’intégration du CNDP. Il exerce actuellement le commandement de la nouvelle 12ème région militaire (Bas-Congo), une province réputée très hostile à Joseph Kabila. Le Bas-Congo a plébiscité Bemba en 2006 et Tshisekedi en 2011, malgré les fraudes en faveur de Kabila.

Pour revenir au Katanga, notre source précise : « Les Maï-Maï appelés communément Bakata-Katanga[6] (qui veut dire : que l’on sépare le Katanga du Congo) ont été entretenus par Joseph Kabila. Ils étaient commandés par John Numbi en 2011, en promesse d’un retour aux affaires après les élections, dans le but de s’en servir comme plan B au cas où Etienne Tshisekedi gagnerait les élections. L’objectif était de permettre à Kabila de se replier sur le Katanga pour revendiquer l’indépendance du Katanga, avec le soutien de Gabriel Kyungu. C’est le général John Numbi qui a organisé l’évasion de Gédéon Kyungu, en septembre 2011, sur instructions du président Kabila, en dépit de la vaine promesse faite par le gouverneur Moïse Katumbi d’offrir 100.000 $ US à quiconque livrerait Gédéon aux mains des autorités judiciaires ».

Quant au vice-ministre de la Défense, René Nsibu, c’est un ancien procureur de la République du Parquet de la Gombe et juge. Il a également présidé l’Intersyndicale des magistrats. Il est connu pour avoir été actif dans la répression des Kulunas entre 2010 et 2011. Mais ces Kulunas arrêtés et jugés en mai 2011 ont été miraculeusement mis en liberté en septembre 2011. Plusieurs d’entr’eux ont été recrutés et instrumentalisés par le pouvoir, via les réseaux du gouverneur de la Ville de Kinshasa, André Kimbuta, pour organiser des expéditions punitives contre les opposants durant la campagne électorale de 2011.

Autres sources d’informations sur M. Aimé Ngoy Mukena

http://www.operationspaix.net/DATA/DOCUMENT/5578~v~Katanga__La_crise_oubliee_de_la_RDC.pdf : Rapport International Crisis Group : KATANGA: LA CRISEOUBLIÉE DE LA RDCRapport Afrique N°103 –9 janvier 2006.
http://www.umoya.org/index.php/en-francactualidad-41/274-may-may

http://www.katanga.gouv.cd/index.php?option=com_content&view=article&id=609%3Alesgouverneursdukatanga&catid=130%3Acomptes-rendus&Itemid=94&lang=fr&limitstart=3
http://en.wikipedia.org/wiki/Aim%C3%A9_Ngoy_Mukena

 Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC

[1] http://publicinternationallawandpolicygroup.org/wp-content/uploads/2011/04/wcpw_vol01issue12.html.

[2] http://publicinternationallawandpolicygroup.org/wp-content/uploads/2011/04/wcpw_vol01issue12.html.

[3] http://www.congoindependant.com/article.php?articleid=3814.

[4] Le général-major Pacifique Masunzu a été pendant longtemps le commandant de l’ancienne 8ème région militaire dans le Sud-Kivu. Il a été nommé commandant de la base militaire de Kamina au Katanga en septembre 2014. Une nomination qu’il a accueillie avec mécontentement. Il refusait de quitter son Sud-Kivu natal car il s’estime qu’il était actuellement le seul officier général des FARDC à même de protéger ses « frères Banyamulenge de différents groupes armés congolais Maï-Maï ou des groupes armés étrangers (FDLR ou FNL, CNDP, etc.). En effet, contrairement à la majorité des militaires Tutsi incorporées au sein des FARDC et inféodées au Rwanda, Masunzu s’est distingué dans la défense et la lutte armée contre le RVD-Goma & les RDF (Armée rwandaise) dans le Sud-Kivu lors de l’agression du Congo entre 1998-2002.

Déjà en en 2009, Pacifique Masunzu était nommé au poste de commandant en second de l’ancienne 4ème région militaire (au Kasaï-Occidental), chargé de l’administration et logistique. Il avait refusé de rejoindre ce poste et était resté à Bukavu sans qu’aucune mesure disciplinaire ne soit prise en son encontre. Maintenant, il a été contraint d’accepter cette mutation, mais avec beaucoup de rancœur.

[5] Le général Antoine Padiri Buhendwa est un ancien commandant des 9ème et 6ème régions militaires (respectivement la Province – Orientale et le Katanga). C’est un ex-Mai-Mai connu pour son hostilité envers le Rwanda et ses rébellions créées en RDC. Il a été rappelé en 2011 à Kinshasa où il est resté pendant longtemps sous ‘Mise à dispo’, c’est-à-dire sans fonction jusqu’en septembre 2014 lorsqu’il a été nommé Inspecteur général adjoint des FARDC en charge des opérations et renseignements.

[6] Le Bakata-Katanga sèment la terreur dans la zone de la province du Katanga communément appelé le « triangle de la mort » qui concerne les trois Territoires : Mitwaba- Pweto- Manono. On signale plus des 500.000 déplacés ou réfugiés internes au Katanga des suites des violences dues aux groupes armées dans cette province. La plupart de ces déplacés sont pris en charge par le PAM (Le Programme alimentaire mondial) alors que la province du Katanga aligne des chiffres records de productions des matières minières dont les retombées financières profitent à des entreprises étrangères et à une minorité des dirigeants politiques nationaux et provinciaux du cercle politique fermé du président Kabila et de son Premier ministre Matata.

 

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3 Comments on “Who’s who : L’ex-recruteur des milices Aimé Ngoy Mukena, ministre de la Défense nationale – DESC”

  • Kilimasimba

    says:

    SVP, cessez donc d’insulter, de stigmatiser les Katangais. Les Katangais, comme les Congolais, ont marre de ce président et sa clique d’incompétents ! Au Katanga, ceux qui louent le président, sont des ignares, des redevables de ce régime. La population y est franchement hostile à ce régime ! Prière de cesser de créer l’amalgame en parlant des Katangais, ces « Katangais » dont vous parlez sont majoritairement Lubakat (encore une fois, les « élites » Lubakat ne sont que des opportunistes sans envergure). Le niveau de vie des poulations à Maleba Nkulu, Kongolo, Manono (entités Lubakat) n’a pas changé d’un sengi malgré ce régime que le reste du Congo accuse d’être appuyé par les « Katangais ». Ici, la tension est palpable. La population de souche ainsi que celles venues des autres provinces promettent le désordre (fudjo) si le Gouverneur Katumbi mourrait suite à l’empoisonnement dont il a été victime de la part des véritables ennemis de ce pays, les Tutsi.

  • Troll

    says:

    ¤¤MISSION ? Un ex leader des milices qui devient ministre de la défense dans un contexte d´une crise sécuritaire et d´une catastrophe humanitaire? 400 000 deplacés dont le gouvernement est incapable de prendre soin! Des milices terroristes hors de contrôle dont l´armée ne souhaite ni combattre ni mettre au pas. C´est la situation idéale pour ce nouveau ministre qui possede des liens avec ces milices..Qui sait si le ministre de la défense n´est pas l´homme idéal pour resoudre cette crise? Ce qu´il connait particulièrement les leaders de ces milices et peut facilement « negocier » au cas de besoin.***
    Pacifique Masunzu? Un cas particulier, « chef » de l´armée tribale Tutsi du Sud Kivu. Masunzu est eaxctement comme les « généraux » du M23 qui refusaient de quitter le Kivu. Le deplacer á Kamina est une decision logique. Notez en passant que Mazunsu ne possede aucune formation militaire. Est-il positioné comme « dissuasion » face aux Lunda ex Tigre et autres miilices Lubakat? WAIT AND SEE

  • Une chose que je puisse dire est que tout sacrifice doit nous rappeller que les mesures drastique que nous mettons en place pour sauvegarder notre liberté devienent tot ou tard des menances pour cette même liberté.

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