Questions à Floribert Anzuluni, Franck Otete et Yangu Kiakwama
du mouvement citoyen Filimbi
1. Bonjour MM. Anzuluni, Otete et Kiakwama, pourriez-vous vous présenter brièvement aux lecteurs de DESC ?
Floribert ANZULUNI ISILOKETSHI : Marié et fier papa d’un petit garçon, je suis passionné du Congo depuis mon jeune âge, des questions de développement, d’engagement des jeunes et de justice sociale, je mets depuis plusieurs années déjà mon engagement au service de la jeunesse congolaise de diverses manières.
Quelques semaines après l’obtention de mon diplôme en Sciences Politiques de l’Université de Montréal, en 2006, je retourne en RDC et y débute immédiatement ma carrière dans le secteur bancaire, d’abord dans la filiale congolaise « Standard Bank Congo » du Groupe bancaire Sud-Africain « Standard Bank » avant d’être recruté deux années plus tard par « Ecobank RDC », filiale congolaise du Groupe bancaire panafricain « Ecobank Transnational Incorporated (ETI) », où j’ai gravi les échelons jusqu’à devenir Directeur des Risques de la filiale en 2011 à l’âge de 28 ans. Une carrière interrompue brutalement et illégalement à la suite des tristes évènements du 15 mars dernier.
Je suis également l’un des membres fondateurs du Forum national de la Jeunesse pour l’Excellence (FNJE), une organisation engagée dans les problèmes de la jeunesse congolaise, ainsi que de « Génération Congo », un « Groupe de réflexion » (ou think-tank) qui se penche sur les questions de l’émergence et du développement socio-économique de la République Démocratique du Congo.
Je suis le coordonnateur actuel du collectif FILIMBI.
Franck OTETE DJAMBA : Docteur en médecine, chirurgie et accouchement de l’Université de Lubumbashi, je suis également diplômé en Promotion de la Santé et de la Citoyenneté de l’Université de Franche Comté et en Intégration des Nouvelles technologies à l’enseignement de l’Université de Montréal.
Sur une base volontaire avec AMAVM (Association pour les Malades Vulnérables et Marginalisés), j’ai contribué aux soins accessibles aux malades démunis à la périphérie de Lubumbashi.
Ensuite, j’ai travaillé de 2008 à 2010 à la prévention des accidents et des maladies professionnelles auprès des travailleurs du secteur minier avec la compagnie Tenke Fungurume Mining, une filiale de Freeport Mc MoRan.
Dès juin 2010, je travaille pour Nestlé comme Directeur des affaires scientifiques et réglementaires avec des charges en République Démocratique du Congo, la République du Congo, le Rwanda et le Burundi, mais également en charge de la Communication et des Relations Publiques.
Cette expérience de l’arène publique m’a permis d’affirmer progressivement des compétences de plaidoyer sur la normalisation, lutte contre la fraude et la corruption etc.
Le contexte général du Congo, marqué par des dysfonctionnements socio-économiques sur plusieurs décennies a suscité mon intérêt sur les questions de la citoyenneté et de la bonne gouvernance. Ceci explique le sens et le bien-fondé de mon action au sein du collectif Filimbi. J’ai malheureusement perdu mon dernier emploi à la suite de la violente répression des autorités congolaises contre Filimbi.
Je suis marié et père de deux filles.
Mi Yangu KIAKWAMA kia KIZIKI : Porte-parole de Filimbi. 40 ans, Je suis fiancé depuis peu et père d’une petite fille. La répression nous a séparés, mais je me marierai au Congo, bientôt.
J’ai quitté le Congo très tôt, à 9 ans, mais j’ai eu la chance d’y revenir chaque année, si bien que pour moi le Congo c’est d’abord et avant tout ça : les visages des gens, des personnes.
Depuis ma plus tendre enfance j’ai toujours été frappé par les énormes inégalités qui existaient déjà à cette époque. Pourquoi tel vivait sans se poser la moindre question et tel autre devait faire attention à tout et choisir entre ses enfants. C’est bête à dire, mais je n’aime pas l’injustice, tout simplement. Mon passage en Europe m’a permis d’approfondir ces questions d’égalité de droits, de production de richesse nationale, d’organisation de l’Etat et de la société permettant une meilleure répartition des richesses,…
Après des études de droit à la Katholieke Universiteit Brussel, je suis rentré au Congo 17 ans plus tard, en 2001. Entrepreneur dans l’âme, créatif, ayant identifié l’agro-industrie comme secteur d’avenir, j’ai d’abord créé et géré un concept de restaurant/boulangerie à Kinshasa, avant de me charger de la reprise et du développement d’une exploitation agro-industrielle au Bas-Congo.
Jusqu’en 2009, j’ai activement assumé des responsabilités au sein de partis démocrates-chrétiens. Pas satisfait, je me suis engagé à fond dans la société civile et les mouvements de jeunes en 2010, à l’approche des élections. J’ai finalement tiré la conclusion de toutes les déceptions vécues et j’ai opté avec d’autres pour la création d’un nouveau véhicule d’expression pour changer le Congo, une nouvelle manière de faire les choses ; FILIMBI.
2. Vous êtes parmi les responsables du mouvement citoyen FILIMBI que le public a découvert après la chasse à l’homme orchestré par le régime Kabila contre vous. Au fait pourquoi avoir créé FILIMBI et que signifie-t-il et quels objectifs poursuivez-vous au travers de ce mouvement ?
Merci beaucoup pour la précision de cette question. Nous sommes en effet 3 parmi les membres et les responsables. FILIMBI ne se limite pas à nous, loin de là. Nous ne sommes que la « partie émergée d’un iceberg ».
En des termes simples, nous avons créé FILIMBI parce que nous voulons que la situation du Congo change et qu’en définitive la qualité de vie des citoyens congolais s’améliore. Le Congo nous appartient à tous, à chaque citoyen congolais, et il faut qu’il change pour que nous puissions tous y vivre dans des meilleures conditions. Pour cela, nous estimons qu’il est indispensable que les copropriétaires du Congo que nous sommes tous nous engagions aux différents débats sur l’avenir de notre pays, c’est en définitive cela qu’on appelle l’engagement citoyen.
FILIMBI veut dire «sifflet » en swahili. Siffler pour alerter, siffler pour rassembler, siffler pour sanctionner d’où le carton rouge.
FILIMBI est un collectif, un mouvement citoyen non partisan réunissant des organisations de jeunes (milieux associatifs, universités, etc.) mais également des activistes, artistes, entrepreneurs, cadres, etc. originaires de la République Démocratique du Congo qui en partagent la vision ainsi que les objectifs.
Créé et dirigé par des jeunes pour les jeunes, FILIMBI est dédié à la promotion de la participation citoyenne de la jeunesse congolaise. Un nombre important de jeunes bénévoles l’anime et est la clé de son succès.
FILIMBI rappelle que le Congo appartient à tous les citoyens congolais qui ont par conséquent des Droits (liés aux Devoirs) sur cette copropriété.
Le collectif FILIMBI rêve d’une République Démocratique du Congo où chaque jeune est acteur de son avenir. Pour cela il doit pouvoir penser et agir librement dans le strict respect des règles établies (Constitution, lois, etc.).
L’objectif principal de FILIMBI est donc d’accroître la participation citoyenne des jeunes congolais dans le processus démocratique, notamment dans le processus d’élaboration et du contrôle de la mise en œuvre des décisions politiques/ publiques, mais également d’encourager le dialogue entre les jeunes et les acteurs tant sociaux que politiques, pour améliorer nos vies. Cela suppose que les jeunes :
Connaissent leurs Droits qui sont liés à leurs Devoirs ;
Connaissent le fonctionnement de l’Etat et les différents niveaux où se prennent les décisions ;
Développent la capacité d’influer sur ces décisions publiques afin de s’assurer qu’elles bénéficient au plus grand nombre de citoyens.
En définitive, cela permettra de toucher au fond du problème, en mettant fin à tout un système de prédation qui se matérialise par un pillage systématique des ressources communes par une minorité de citoyens, en étroite complicité avec des « forces » extérieurs, au détriment de la majorité des citoyens, et ce depuis plus de 50 ans. Un système porté par un leadership politique et qui a des ramifications dans toutes couches de la société (société civile, secteur économique, administration, intellectuels, etc.).
3. Pourquoi vous n’avez pas choisi la voie politique lorsque vos parents trainent derrière eux une longue expérience politique ? FILIMBI n’est-il pas un groupe de trop dans la constellation de mouvements de la société civile congolaise dont la plupart sont devenus des fonds de commerce accrochés aux mamelons des occidentaux ?
Bien. Il faut tout d’abord rappeler une fois encore que ce ne sont pas les pères de tous dans FILIMBI qui sont des politiciens, il s’agit principalement de messieurs Anzuluni Bembe, ancien Président de l’Assemblée Nationale sous le régime du Président Mobutu et opposant depuis la fin dudit régime, et de Gilbert Kiakwama, qui a occupé plusieurs fonctions ministérielles sous le même régime et qui a été élu député national en 2006 et 2011 pour compte de l’opposition politique. Ensuite, il faut garder à l’esprit que nos pères, ont fait souverainement leurs choix de vie, bons ou mauvais, quand ils avaient nos âges, par rapport aux défis de leur temps. Les défis de notre temps nous ont amené à choisir une autre voie d’expression. Eux c’est eux, nous c’est nous. Nous pensons qu’aujourd’hui, l’élément essentiel qui manque dans le débat sur l’avenir du Congo, est la voix du peuple congolais lui-même. Il manque la voix et les préoccupations de plus de 60% du peuple congolais que sont les jeunes. Nous avons donc choisi de nous concentrer sur ces jeunes pour qu’ensemble avec eux nous développions les capacités et les stratégies de nous faire entendre. De réfléchir à ce que nous voulons et ensuite d’agir pour le faire connaître et pour obtenir que les responsables le mettent en œuvre. Qu’ils agissent pour le bien du plus grand nombre que nous sommes.
Concernant FILIMBI et la société civile… (sourires)… D’abord nous devons reconnaître avec vous que dans la société civile congolaise il y a des brebis galeuses, des gens malhonnêtes, qui utilisent la société civile comme un fonds de commerce. Il y a aussi des « professionnels de la profession » qui ont même oublié pourquoi ils étaient là. C’est le résultat d’un système de prédation qui a ses tentacules dans toutes les couches de la société, y compris la société civile, c’est à cela que FILIMBI veut mettre un terme car le Congo appartient à chacun d’entre nous et par conséquent chacun à son niveau doit pouvoir bénéficier de nos ressources, de l’enfant qui a le droit à une bonne éducation à la personne âgée qui mérite de vivre paisiblement sa retraite avant de quitter la terre des Hommes. Mais ce serait insulter la société civile congolaise que de dire qu’elle se résume à ces gens-là. Le Dr Mukwege et son équipe de l’hôpital PANZI par exemple sont de la société civile congolaise. Il ne viendrait à l’idée de personne de leur reprocher de vivre aux mamelons de qui que ce soit. Au contraire, c’est plutôt nous, citoyens, qui devons nous faire le reproche mutuel de ne pas l’aider plus. Feu Floribert Chebeya (paix à son âme), défenseur des Droits de l’Homme lâchement assassiné par nos services de sécurité, est également un modèle, l’organisation qu’il coordonnait, la Voix des Sans Voix, continue à faire du bon travail. D’autre militants et organisation, tel la Nouvelle Société Civile dirigée par Jonas Tshombela ou encore la Société Civile du Congo de Christopher Ngoyi, l’un des prisonniers d’opinions du régime, font également un travail de terrain remarquable.
Donc, non FILIMBI n’est pas de trop. L’important n’est pas le nombre d’organisations, l’important est notre vision, notre sérieux, nos méthodes, notre efficacité, notre capacité opérationnelle et bien entendu notre force de proposition. Ce sont ces éléments-là qui détermineront la pertinence et la pérennité de FILIMBI qui veut engager la jeunesse congolaise qui est majoritaire, l’aider à jouer pleinement son rôle en lui donnant la parole car nous estimons que c’est seulement de cette manière que nous pourrons améliorer la qualité de nos vies. Nous devons à tout prix mettre un terme à ce système de prédation qui se matérialise par un pillage systématique des ressources communes par une minorité de personnes, ce n’est tout simplement plus viable ni tenable.
4. D’aucuns vous reprochent d’être une structure opportuniste soutenue par les Etats-Unis ? Ne seriez-vous pas un mouvement au service des Etats-Unis ? Il semble que vous avez participé à la rencontre Obama – Jeunesse africaine à Washington du 4 juillet 2014, il y a un an. A cette occasion, le président Obama a déclaré : « Les jeunes doivent demander beaucoup à leurs dirigeants, leur niveau d’attente doit être élevé. Et ne vous laissez pas duper par la notion selon laquelle il y aurait une voie africaine. Non. Faire les choses « à l’africaine », ce n’est pas arriver au pouvoir et, d’un coup, avoir deux milliards de dollars sur un compte en banque en Suisse »[1]. C’est à ce niveau que peut-on judicieusement situer la genèse du mouvement FILIMBI ?
Effectivement, l’un des membres de la coordination, en l’occurrence le coordonnateur Floribert, a représenté la RDC à la toute première rencontre du genre en 2010 à Washington avec deux autres jeunes congolais. Une initiative qui vise à la mise en place d’un large réseau offrant des ressources virtuelles et physiques, des espaces dynamiques afin de doter les jeunes africains des compétences et contacts nécessaires pour favoriser un changement positif dans leurs communautés et leurs pays. Cette ambition met-elle à mal les intérêts du Congo ? Prenez votre citation et retirez le nom de son auteur. Ce qui est dit là est-il faux ? Pourquoi une critique n’est-elle plus valide parce qu’un étranger la fait ? Nous voulons rassurer chacun de ceux qui s’inquiètent ; il existe de jeunes congolais capables de penser seuls. Nous n’avons pas attendu le président Obama, pour lequel nous avons du respect en tant que premier citoyen américain de couleur élu à la fonction de président, pour savoir qu’un dirigeant ne devrait pas avoir 2 milliards de dollars dans son compte en banque après 5, 10 ou 15 ans de pouvoir du simple fait d’avoir occupé des fonctions publiques. Nous vivons et subissons tous les jours dans nos chairs les conséquences de la mauvaise gouvernance de nos pays. Pas besoin d’étrangers pour savoir que ça ne va pas. Que ça ne peut plus durer, « EKOKI » (ça suffit en lingala). Chacun d’entre nous met depuis plusieurs années déjà ses compétences au service de la jeunesse congolaise de diverses manières. Evoquer une main étrangère dans ce que nous faisons est plutôt une fuite en avant, une tentative de noyer le poisson souvent utilisée par les partisans et donc les bénéficiaires du statu quo afin de nuire au réveil de la jeunesse africaine en général, et congolaise en particulier. On veut nous distraire du débat de fond. Mais soyez rassuré, cela ne nous découragera pas. Nous estimons qu’il est essentiel que nous échangions sur les problèmes de fond qui sont à la base de la situation chaotique dans laquelle se trouve la RDC notre copropriété.
Donc nous ne sommes pas opportunistes. Nous sommes le véhicule d’expression d’une jeunesse indignée, qui en a ras-le-bol, qui en a marre, mais qui est déterminée à transformer sa frustration en énergie positive et créatrice. Nous voulons bâtir, pas détruire. Le président Obama voit cela et le soutien, quel mal y a-t-il ? Mais il faut surtout noter que des milliers de congolais voient ça et le soutiennent. Et ils sont de plus en plus nombreux, jour après jour. C’est leur agenda à eux que nous voulons mettre en œuvre.
5. D’autres critiques portent sur le financement des mouvements citoyens africains, que certains attribuent aux services de renseignement des Etats-Unis ? Comment réagissez-vous à cela ?
(Rires) Savez-vous combien de programmes sont financés par les USA et autres partenaires internationaux au Congo ? Les gens ignorent qu’il existe un programme « Tomikotisa » de l’USAID, doté de 3 millions de dollars, qui finance les 3 premiers partis de la majorité et les 3 premiers partis de l’opposition, pour l’amélioration de leur capacité et l’intégration en leur sein, des jeunes et des femmes, présenté officiellement en présence des plus hauts représentants de ces partis. Nous n’avons jamais entendu personne accuser ces partis de quoi que ce soit. Ce point rejoint notre conclusion à la question précédente.
Néanmoins, nous n’ignorons pas que les différents partenaires financiers agissent d’abord suivant les intérêts de leurs Etats et/ou regroupements respectifs, ce qui en réalité est en leur honneur, nous ferions exactement la même chose à leur place. A notre avis, les véritables questions que nous devrions nous poser sont les suivantes : « Quel est notre agenda ? Quelles sont nos priorités ? Quels sont nos intérêts prioritaires sur lesquels nous ne sommes pas prêts à transiger ? Les réponses à toutes ces questions nous permettront alors de mieux négocier avec nos différents partenaires dans l’intérêt de nos Etats et en définitive de nos populations.
En outre, quelles sont les alternatives de financement locales et/ou africaines qui existent ou sont mises en place? Et pourtant, l’Afrique regorge de plus en plus de millionnaires si l’on en croit les différentes publications à ce sujet… Si nos Etats étaient visionnaires et responsables, ce sont eux qui devraient prioritairement financer ces différents mouvements mais malheureusement ils nous considèrent plutôt comme des adversaires, un danger au maintien de leurs systèmes de prédation.
Toutefois, en ce qui concerne notre mouvement, notre vision et nos objectifs sont clairs et toutes nos actions sont clairement définies. Et nous rassurons tous nos compatriotes, nous ne sacrifierons jamais les intérêts de notre copropriété au détriment de ceux des autres Etats et/ou organisations.
Nous profitons donc de cette occasion pour sensibiliser et lancer un appel à nos frères congolais en particulier, et africains en général, l’indépendance de nos propriétés communes a un coût qui nécessite que chaque copropriétaire face sa part et apporte sa contribution dans les limites de ses possibilités. C’est seulement de cette manière que nous pourrons faire face aux prédateurs et bénéficier d’avantage de nos ressources. Soutenez donc votre jeunesse dans ce noble combat et toutes ces questions légitimes sur l’origine des financements ne se poseront plus.
6. D’aucuns avancent que FILIMBI est un mouvement élitiste, sans réelle base populaire et incapable de mobiliser la population comme le fait par exemple les jeunes de la LUCHA (Lutte pour le changement) au Kivu ?
Permettez-nous de rappeler que FILIMBI ne se limite pas à nous, nous ne sommes que les relais de cette jeunesse. Une chose est certaine : Nous ne sommes pas dans la logique d’une campagne de propagande « pas une parcelle sans FILIMBI ». Nous inventons des modes nouveaux de ralliement, des nouveaux modes d’interaction, d’interventions et d’actions. Beaucoup veulent utiliser des grilles de lecture anciennes pour cette réalité nouvelle, au risque de ne pas tout voir, de passer à côté de l’essentiel.
De plus nous devons être responsables. Quel que soit le nombre de nos partisans nous ne pensons pas qu’il est nécessaire à ce stade de les étaler ou de les exposer. Le 15 mars nous étions aux premières loges. Une quarantaine de compatriotes se sont faits brutalement enlevés par les services de sécurité ce soir-là, deux, Fred BAUMA et Yves MKWAMBALA, sont encore illégalement et injustement détenus après plus de cinq mois, c’est inacceptable.
Nous rappelons tout simplement que les activités des 14 et 15 mars se sont déroulés dans la commune populaire de Masina. Il s’agissait d’un atelier, d’une conférence de presse de lancement et d’un concert populaire qui n’a malheureusement pas pu se tenir du fait de la répression. En outre, la LUCHA est un mouvement associé au mouvement FILIMBI à la création duquel elle a participé. L’un des deux compatriotes encore détenus, Fred Bauma, représentait la LUCHA et faisait partie des animateurs de la conférence de presse annonçant le lancement de FILIMBI, nous sommes donc bien ensemble, avec d’autres encore.
7. Quels sont vos liens avec la LUCHA et d’autres mouvements citoyens congolais et africains tels que « Y’en a marre » et « Le Balai citoyen »?
Tous sont des mouvements citoyens partenaires, avec qui nous sommes entrés en relation il y a plusieurs années déjà, et avec qui nous échangeons et discutons depuis tout ce temps. Lucha étant un mouvement congolais, comme indiqué précédemment, nous avons décidé ensemble de porter FILIMBI et de le proposer à la jeunesse congolaise. Nous partageons les mêmes préoccupations et nous avons la même vision. Bien entendu nous avons nos personnalités propres, nos histoires propres. Cette complémentarité constitue l’une des grandes forces de FILIMBI. Nous nous nourrissons les uns les autres. L’aventure dans laquelle nous nous sommes lancés est une grande école d’humilité.
Sur les traces de nos modèles Lumumba et Sankara, nous travaillons également à la mise en place d’un cadre panafricain avec les frères africains des mouvements Y EN MARRE du Sénégal et le BALAI CITOYEN du Burkina Faso, l’objectif étant de mutualiser nos stratégies et nos actions, un peu comme ce qui s’est passé lors des indépendances, en vue d’initier un changement positif à travers les différents Etats africains car la jeunesse de ces pays faits face aux mêmes défis. Et ce processus évolue plutôt bien.
8. Avez-vous des liens avec des mouvements armés ou prônez-vous également la lutte armée ? Expliquez-vous ?
Nous n’avons aucun lien avec un groupe armé, quel qu’il soit. Nous avons opté pour l’action non violente, dans le strict respect de la Constitution et des lois congolaises.
Nous croyons qu’il faut bâtir et non détruire. Nous ne voulons pas ajouter la guerre à la guerre, la haine à la haine. Nous voulons transformer la frustration et la colère que nous ressentons en énergie positive et créatrice. Ceci n’est pas compatible avec la lutte armée.
9. Outre la mobilisation étouffée en mars 2015 par le régime qu’avez-vous réalisé concrètement jusque-là ?
Nous parlerons plutôt de nos résultats concrets à ce jour :
Nous avons mis à la une l’idée que les jeunes congolais étaient insatisfaits et qu’ils réfléchissaient et s’organisaient méthodiquement pour agir, se faire entendre et changer le cours de leur vie. Nous avons poussé un 1er coup de FILIMBI, et ce 1er cri, strident a résonné dans le monde entier ;
Nous avons fortement renforcé et élargi notre réseau, qui grandit jour après jour, principalement à l’intérieur du pays, mais également à travers la diaspora dont l’implication dans la reconstruction de la RDC, notre propriété commune, est indispensable au vu de ses multiples expertises, expériences, réseaux, son ouverture au monde, etc. ;
Nous travaillons assidûment à la mise en place d’un cadre panafricain des mouvements citoyens.
Pour le reste, seuls les résultats comptent.
10. Aujourd’hui, avec l’arrestation d’un de vos collègues et d’autres mouvements, je cite Yves Makwambala et Fred Bauma de la Lucha, ne pensez-vous pas que le régime congolais est en train d’étouffer votre lutte ? De plus, étant en exil forcé en Europe, pensez-vous encore agir efficacement au pays ? Comment ? si cela ne relève pas de votre ‘secret défense’ ?
Le régime congolais veut étouffer notre lutte démocratique, c’est certain. Mais nous savons qu’il n’y arrivera pas. Pour des raisons qui vont au-delà de nous-mêmes. La raison principale est que nous ne sommes que l’émanation d’une nouvelle génération. Avec des aspirations fortes et des méthodes nouvelles. Le régime congolais ne pourra pas étouffer les idées et les aspirations de toute une génération qui a atteint son niveau maximum d’acceptation. D’autres ailleurs, et dans le passé, ont essayé mais n’ont pas réussi.
Donc même en exil nous continuons d’agir efficacement dans le pays. Parce que nous ne sommes que des relais, des passeurs. Le travail continue, le réseau s’élargit, s’approfondit et s’étoffe. La preuve en est que plus de cinq mois après, les tentatives d’intimidation des services de sécurités par rapport au mouvement ne faiblit pas, les arrestations arbitraires se poursuivent. Bienvenu Matumo, l’un des jeunes actifs dans la LUCHA récemment diplômé de la première promotion de l’ENA RDC, vient de passer quatre jours aux mains de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) toujours en rapport avec le mouvement FILIMBI, le pire aurait pu arriver sans une mobilisation rapide et appropriée. En outre, notre activité sur les réseaux sociaux est suivie de très près au point de susciter des communiqués du Gouvernement à travers le ministre de la Communication et porte-parole dont l’engagement personnel dans ce dossier préoccupe plus d’un citoyen. Ce dernier continue à s’acharner sur le mouvement, notamment en inventant des nouvelles charges (incitation à la violence et à la haine raciale ou ethnique, apologie des crimes de viol collectif) sur base de ce qu’il appelle des « postings » de membres supposés de FILIMBI, surréaliste. Nous tenons à rappeler à ce dernier que le Congo nous appartient à tous, et la jeunesse congolaise est débout, elle ne tolèrera plus que les intérêts d’un petit groupe nuisent à ceux de la majorité, plus jamais ça !!!
11. Quelle lecture faites-vous de l’évolution de la situation électorale et politique en RDC ? Le découpage territorial ne risque-t-il pas de diviser la jeunesse congolaise ?
Le pays est en danger car une minorité d’individus semble vouloir continuer à écraser impunément la majorité des citoyens afin de continuer à bénéficier seule des ressources qui nous appartiennent pourtant à tous, en intelligence avec leurs complices prédateurs étrangers, au risque de créer le chaos.
En réalité la grande majorité des citoyens congolais, à laquelle nous nous joignons, ont un souci principal ; ils exigent un processus électoral qui aboutira à une alternance apaisée au sommet de l’Etat, après une élection présidentielle tenue dans le strict respect du délai constitutionnel. Ces derniers s’opposent donc catégoriquement à tout acte qui pourrait permettre au Président actuel de se maintenir au pouvoir au-delà du délai constitutionnel. Les importantes manifestations du mois de janvier dernier démontrent à suffisance le niveau de détermination de la population en général, et de jeunes en particulier, et ce malgré la forte répression qui s’en est suivie.
Il est également maintenant clairement établi que certains « leaders » de la majorité au pouvoir ont décidé de tout mettre en œuvre pour aller à l’encontre de la volonté populaire, d’où la précipitation de procéder, entre autres, au découpage des provinces et la mise en œuvre du processus de décentralisation, qui représentent, à l’état actuel, un défi financier et logistique insurmontable, l’objectif non avoué étant d’installer une situation de chaos qui contraindrait alors les différentes parties prenantes à se retrouver autour d’une table afin, une fois de plus, de se partager le pouvoir en déclenchant une nouvelle période de transition.
Nous rappelons à toute personne engagée dans cette direction machiavélique que le peuple congolais en général, et la jeunesse en particulier, uni comme un seul homme, vous observe.
12. Avez-vous les soutiens des officiels pays étrangers (africains et européens), des ONG et des institutions internationales ? Le 9 juillet 2015, le parlement européen a voté une résolution qui exhorte les autorités de la RDC à la libération immédiate de vos camarades détenus par l’ANR. Comment analysez-vous cela ?
Comme tout le monde vous avez lu et entendu les déclarations et les prises de position de différents pays étranger, principalement occidentaux, et de nombreuses ONG et institutions internationales. Tous regardent notre action, écoutent nos paroles et en viennent à la conclusion que notre combat est juste. Tous en appellent à ce que les activistes de Filimbi soient libérés. Leur détention jusqu’aujourd’hui est un déni flagrant, choquant de la notion de Droits Humains à laquelle l’Etat congolais a souscrit. Dans le même temps, tous appellent à ce que Filimbi et les mouvements de même nature puissent continuer à travailler librement. Comme l’a si bien dit la député européenne Marie Arena : « Si on ne veut pas que le chaos règne en RDC, nous devons soutenir les militants pour la démocratie ». C’est un aspect important du message de Filimbi : la non-violence, le respect des lois, les propositions. Nous continuons donc la sensibilisation pour, d’une part, obtenir un maximum de soutien en faveur de la libération de nos deux frères, et d’autre part, démontrer l’importance de la poursuite de nos actions.
Néanmoins, nous constatons avec beaucoup de regret que les Etats ainsi que les institutions africaines ne sont pas disposées à soutenir et à promouvoir l’émergence de cette nouvelle génération d’africains engagés, c’est triste mais compréhensible au vu de la similitude de leurs dirigeants. Toutefois, nous tenons à remercier vivement toutes les organisations congolaises, plus de 200, qui nous soutiennent depuis le début de cette affaire.
13. Quels sont vos rapports avec la diaspora congolaise en Europe qui vous observe avec une certaine méfiance perceptible ? Comment pensez-vous dissiper ce climat de méfiance ?
Cette méfiance a bel et bien existé mais nous constatons qu’elle s’est fortement dissipée, grâce notamment aux multiples échanges et partages ouverts et sans tabou que nous avons eu avec les différents groupes. Il est normal que les gens veuillent comprendre ce qu’est Filimbi, qui sont ses animateurs, de quel bois ils sont faits.
En définitive, une chose est certaine, tous ceux que nous avons rencontrés à ce jour sont préoccupés par les mêmes questions : que pouvons-nous faire pour que la situation du Congo change, qu’elle s’améliore ? Que faire pour qu’il y ait une alternance démocratique apaisée en 2016 dans le strict respect de la Constitution ? Il faut que le Congo passe au mieux l’étape de décembre 2016 et se reconstruise en tant qu’Etat et commence enfin à apporter des fruits à ses citoyens. Tous sont conscients que seul il n’est pas possible d’y arriver car la propriété est commune. Tous appellent donc de leurs vœux une action unitaire. Dans cet ordre d’idée nous ne pouvons que trouver les moyens de s’entendre et d’agir ensemble, nous y travaillons assidûment, et les résultats ne sauraient tarder.
14. Quels sont vos rapports avec les partis politiques de l’opposition ? Avez-vous leur soutien ou vous considèrent-ils comme des adversaires politiques ?
A ce jour, nous n’entretenons aucun rapport particulier avec les partis d’opposition. En ce qui concerne la répression du 15 mars, ces derniers ont tout d’abord semblé ne pas nous comprendre et sont restés quelque peu silencieux au cours des premiers jours qui ont suivi. C’est suite à la motion initié par l’honorable Kiakwama que ces derniers ont semble-t-il eu une meilleures compréhension du dossier et ce sont alors impliqués en faveur de la libération de nos camarades illégalement et injustement détenus, nous les en remercions. Depuis lors, nous avons reçu plusieurs messages d’encouragement et de soutien de certains leaders d’opposition, mais chose surprenante, nous avons également reçu plusieurs messages de certains cadres de la majorité présidentielle qui se sentent impuissants face à la radicalisation dangereuse du régime, preuve encore une fois que notre cause est juste.
15. Comment projetez-vous la suite de vos activités ?
Nous comptons bien évidemment poursuivre notre lutte démocratique et non violente. Pour se faire, nous nous sommes donné quatre principaux objectifs, à savoir :
Faire du plaidoyer auprès de toute personne physique ou morale qui pourrait influencer la libération de nos deux Héros ;
Elargir le réseau du mouvement aussi bien au pays qu’à travers la diaspora ;
Travailler, en étroite collaboration avec nos amis des mouvements citoyens africains tels sénégalais « Y’en a marre » et burkinabés « Balai Citoyen, à la mise en place d’une plateforme panafricaine des mouvements citoyens ;
Mobiliser les ressources nécessaires à l’atteinte de nos objectifs.
En outre, en tant que citoyens et copropriétaires, nous ne pouvons rester inactifs face aux différentes tentatives de déstabilisation du pays par certains leaders dont le principal objectif semble être le maintien par tous les moyens du Président Kabila au-delà du délai constitutionnel. Nous nous engageons à jouer pleinement notre rôle de sentinelle en nous assurant que la Constitution qui est sacrée soit scrupuleusement respectée, notamment en ce qui concerne l’élection du prochain Président de la République. Car, c’est un premier pas essentiel pour instaurer au Congo un attachement indéfectible à la légalité, à la culture démocratique et, donc, pour assurer l’avenir de toute une génération, copropriétaire du Congo.
16. Quels conseils prodigueriez-vous à la jeunesse congolaise, même la jeunesse en armes au sein des FARDC et des services de sécurité, qui est nombreuse à apprécier le travail de DESC.
Nous leur disons que le Congo nous appartient à tous, Congo « ya biso nioso ». Dans tous les domaines de la vie, notre patrie, notre mère nourricière a besoin de nous. Il faut que nous répondions à son appel.
Mais le Congo a besoin que nous lui donnions le meilleur de nous, que nous préparions l’avenir, que nous proposions.
Ne nous laissons plus manipuler par une minorité dont les intérêts égoïstes vont à l’encontre de ceux de la majorité que nous représentons. Unissons nos forces pour la reconstruction de notre propriété.
17. Quels sont vos mots de la fin ?
Faisons-nous confiance et levons-nous. Nous sommes tellement nombreux. Notre nombre est notre force, le Congo appartient à chacun d’entre nous et nous ne pouvons plus accepter d’être pris en otage par une minorité qui agit pour ses intérêts au détriment de la majorité des copropriétaires. Nous demandons également à la jeunesse congolaise de rester vigilante et en alerte car notre avenir est en danger du fait de la volonté « suicidaire » de cette minorité de changer les règles communément acceptées afin de se maintenir illégalement au pouvoir, principalement en ce qui concerne l’élection du futur président de la République dans le strict respect du délai constitutionnel.
Nous mettons donc en garde les représentants de ce système de prédation par rapport à toute tentative de ce genre et leur indiquons que la jeunesse congolaise majoritaire, associée au reste des citoyens, n’acceptera plus que notre copropriété soit prise en otage par une minorité, par conséquent elle usera de tous les moyens légaux pour faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui tentera d’exercer le pouvoir en violation des dispositions constitutionnelles, une infraction imprescriptible contre la nation et l’Etat. Et au final, nous vaincrons. Justice sera rendue.
Comme l’a si bien dit Lumumba, « le Congo est un grand pays, il exige de nous de la grandeur ». Et Franz Fanon de rajouter, « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir ».
Je vous remercie.
Merci à vous M. Wondo
Entretien réalisé par Jean-Jacques Wondo
[1] : http://afridesk.org/dossier-special-obama-apres-le-sommet-etats-unis-afrique-quid-now-jj-wondo/#sthash.UaWVRDZD.dpuf
5 Comments on “Sous les tirs de DESC – FILIMBI : « Ekoki, ça suffit, ça ne peut plus durer! »”
lumpungu
says:la lutte ,rien que la lutte pour la liberte de son peuple
Modeste MBONIGABA
says:Je dois avouer mon admiration des leaders du mouvement FILIMBI pour la hauteur et la clarté de leurs propos. Je suis particulièrement fier de compter parmi eux deux fils de mes deux aînés que sont Célestin ANZULUNI et Gilbert KIAKWAMA. Ils ont totalement raison de dénoncer tout ce qui ne marche pas correctement dans notre pays et de s’investir à fond pour un changement qualitatif. Je suis par ailleurs séduit par leur langage qui consiste à faire comprendre aux Citoyens congolais qu’ils sont « copropriétaires » de ce patrimoine commun qu’est ce Congo qu’ils ont du reste le devoir de protéger comme la prunelle de leurs yeux. D’où mon souhait de les inviter à découvrir nos réflexions, quasiment identiques aux leurs, publiées il y a quelques années(en 2008) chez l’Harmattan sous le titre : « POUR UN CHANGEMENT DE LEADERSHIP EN RDCONGO. Stratégie et mode opératoire de la nouvelle gouvernance » Je suis à peu près certain qu’ils se retrouveront dans les analyses faites par leurs « pères » réunis dans l’Association des Anciens Etudiants de l’Université Lovanium, de l’Université Nationale du Zaïre Campus de Kinshasa, de l’Université de Kinshasa et des Amis du Mont Amba en sigle ALMA.D’autres publications de la même trempe sont également disponibles dont la plus récente porte ce titre : « CHANGER LE CONGOLAIS POUR CHANGER LE CONGO ? » . Pour tout complément d’informations concernant l’ALMA, je suis joignable soit sur facebook, soit par email.
Msoshi Mmbungelwa amstrong
says:je donne toutes mes felicitations mes freres anzulun f. yangu k.et fr.otete pour cette unitiative de vouloir sauver la nation.nul congolais ne peut jamais ignorer que le congo est occupé par les anti developpement.je lance un appel à tout jeune congolais de se sentire partisant du mvt filimbi et prendre en mains ses engagement civique.qu’on ait au minimum un filimbi dans chaque parcelle dans des villes que dans des villages du pays
basole
says:je soutien ses idées de filimbi ,je suis aussi partisant de la liberté d’expression ,la démocratie, l’alternance … et toutes les tentative visant a remettre la population ds ses droits. mieux-vaut mourire débout que de vivre en etant agenoux.
Jay Bahizire
says:Nous remercions vivement tout ce monde que la RDCongo soit un pays digne de son nom