Jean-Jacques Wondo Omanyundu
SOCIÉTÉ | 24-05-2017 10:30
10677 | 2

L’urgence d’une décolonisation mentale des Congolais : relire Mabika Kalanda – JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

L’urgence d’une décolonisation mentale des Congolais : relire Mabika Kalanda

Une libre opinion de Jean-Jacques Wondo Omanyundu

On a assisté à un lever de boucliers suscité par le discours de Nicolas Sarkozy déclarant que l’homme africain n’est pas encore entré dans l’Histoire. Ce qu’on oublie est que 45 ans plus tôt, l’un des grands penseurs congolais du 20ème siècle, Mabika Kalanda, disait la même chose à propos des Bantous : « Le Mountou ne se voit pas encore jouant un rôle personnel d’agent conscient de l’Histoire« .

La présente réflexion est une sorte de sonnette d’alarme que j’actionne pour amener les Congolais, en particulier, et les Africains, en général, à une introspection culturelle critique. Cette autocritique doit nous amener à arpenter l’intérieur de nous-mêmes, sans faux-fuyants, pour nous aider à regarder quelques obstacles et des freins qui font que nous sommes à la trainée de l’évolution du monde. Il est très facile, par reflexe psychologique de projection de tout rejeter, comme on le lit assez souvent dans les réseaux sociaux, vers le mode occidental, l’accusant, à tort ou à raison, comme étant l’unique cause du malheur ou chaos africain.

Certes, je n’élude pas la part de la Communauté internationale dans la situation dramatique que traverse le Congo depuis pratiquement son accession à l’indépendance et même bien avant, depuis la colonisation. Mon propos ici est d’ouvrir un autre angle de réflexion, après la lecture de l’ouvrage collectif intitulé : De La décolonisation mentale. Mabika Kalanda et le XXIème Siècle congolais[1]. Un ouvrage rédigé par des intellectuels congolais, que je recommande à tous ceux qui veulent être acteurs du changement au Congo de demain. Il est ici question d’examiner la question de certains écueils culturels, pas tous, qui constituent des pesanteurs à l’émergence du Congo.

La plupart des interventions des analystes congolais aujourd’hui se limitent essentiellement à des écrits réactionnaires contre l’« impérialisme ». Ils consacrent par contre très peu de leurs analyses dans la critique de notre propre comportement qui favorise cette « domination » ou qui permettrait de développer des stratégies propres devant nous permettre de développer nos propres modèles de développement humain, comme l’ont fait les chinois. A l’instar d’Achille Mbembe dans La critique de la raison nègre, il est temps que les Africains se débarrassent des satrapes !

Foreign Office à Londres, 24 juillet 1963 de g à d : Thomas Kanza (chargé d’Affaires à Londres), Cyrille Adoula (Premier ministre), Lord Home (ministre anglais des A.E), Auguste Mabika-Kalanda (ministre des A.E) et Alexandre Mahamba (ministre des Mines).

Le développement est d’abord un état d’esprit (interne)

Le philosophe Kombe Oleko écrit : « Le véritable moteur du développement est interne. Chaque peuple incarne une certaine volonté de puissance. Si cette fierté est vaincue et si cette volonté de puissance est « gelée », ce peuple est réduit à rien »[2].

Dans son ouvrage « La remise en question. Base de la décolonisation mentale, Mabika Kalanda interpelle d’abord l’élite intellectuelle congolaise qui s’enferme dans un paradigme de rejet total des modèles occidentaux, en stigmatisant certaines obstructions culturelles à l’émergence du Congo nouveau : « Le Congolais ne peut valablement échapper à l’emprise de l’étranger sans avoir au préalable réussi à triompher de ses faiblesses internes fondamentales« .

Le double déficit de la conscience historique et de la conscience nationale à la base de la dégénrescence de la RDC

Pour Mabika Kalanda, « la situation dans laquelle se trouve le Congo tire son origine, au-delà de l’affrontement des intérêts capitalistes aux nôtres, dans le double déficit, celui de la conscience historique, d’une part, et celui de la conscience nationale d’autre part, déficits qui caractérisent les rapports entre les élites et le peuple congolais, et entre eux, avec leur nation et leur Etat. Le déficit de la conscience historique caractérise un faible vouloir-vivre collectif constitutif de la Nation tandis que le déficit de la conscience nationale explique l’évacuation, dans la sphère de l’Etat, des impératifs de l’intérêt général et de la justice comme équité[3].

La conscience historique et la conscience nationale sont des concepts d’éveil culturel sans lesquels le peuple ne peut exister avec dignité et dans la liberté. La conscience historique est le produit de l’Histoire : celle-ci instaure l’homme maître de son destin et acteur de son histoire. L’homme maître de son destin prend collectivement l’emprise sur le réel, sur son espace vital et son environnement, convaincu que sans lui, rien ne peut se faire. Nous sommes dans la culture en tant que l’homme est en train de se réaliser ! Ainsi, le déficit de la conscience historique et nationale est une crise de la culture, donc une crise de l’homme, et sa caractéristique principale est qu’elle est globale et irradie tout l’être de l’homme, toutes ses réalisations, toutes ses structures sociales, politiques et économiques, toutes les structures religieuses et anthropologiques, les subvertissant. Il suffit pour s’en rendre compte d’observer l’école et l’université congolaises, la police et l’armée congolaises, l’administration… Tous ces espaces de grande conscience produisent de faux modèles ! Parce que, dans une telle crise, l’homme perd toute créativité ![4] A cet effet, Frantz Fanon écrit : « Si la culture est la manifestation de la conscience nationale, je n’hésiterai pas à dire, dans le cas qui nous occupe, que la conscience nationale est la forme la plus élaborée de la culture[5] ».

Se ressourçant dans la dégénérescence humaine et en interaction avec les institutions sociales subverties qui le reflètent, le déficit de la conscience historique nationale produit ses propres animateurs que sont des élites déracinées « tournées vers l’extérieur et enchainées par les étrangers, écrit Mabika[6]. Ces élites, à la tête de l’Etat, génèrent des misères anthropologiques et perte de sens de destin individuel et collectif et à l’abrutissement faute d’une direction patriote et responsable. Le déficit de la conscience historique et nationale étant une aliénation culturelle, le peuple ignorant son histoire productrice de sa culture, n’est donc plus maître de son destin et devient un simple ustensile de l’histoire, Mabika Kalanda propose comme thérapie de l’autocritique » : « en tant qu’effort en faveur de la restructuration de notre mentalité et effort sincère en faveur d’une conscience authentiquement africaines[7] ».

Le tribalisme, un frein pour la cohésion nationale et la construction de l’Etat : au cœur du drame congolais

Selon le Révérend Père Placide Tempels, l’auteur de La Philosophie bantoue[8] : « Pour les bantous, l’homme n’apparaît en effet jamais comme un individu isolé, comme une substance indépendante. Tout homme, tout individu constitue un chaînon dans la chaîne des forces vitales, un chaînon vivant, actif et passif rattaché par le haut à l’enchaînement de sa lignée ascendante et soutenant sous lui la lignée de sa descendance. On pourrait dire que chez les Bantous, l’individu est nécessairement clanique. Ceci ne vise pas simplement une relation de dépendance juridique, ni celles de la parenté, ceci doit être entendu dans le sens d’une réelle interdépendance ontologique[9]. »

Les Etats africains sont les résultats du découpage des frontières définies par la Conférence de Berlin, par les puissances européennes à la fin du XIXe siècle. On se trouve donc en présence d’Etats qui n’ont pas d’homogénéité nationale et abritent des populations étrangères, parfois ennemies, les unes aux autres. Le particularisme ethnique peut se transformer en régionalisme qui empêche l’intégration nationale des populations. D’une manière générale, le tribalisme est le plus souvent opposé aux notions de nationalisme et d’unité nationale[10].

En Afrique, d’une manière générale, l’individu s’identifie d’abord par rapport à son ethnie, puis à sa communauté, sa région et enfin sa nation ; sur le livret de famille est même indiqué l’ethnie à laquelle appartient un individu. Ainsi l’individu veut-il avant tout défendre les intérêts de son peuple avant celui de son pays. C’est pourquoi l’application de la démocratie « occidentale » sur des territoires « plurinationaux » débouche souvent en crispations des identités[11].

Certains auteurs attribuent au régime colonial la cause de l’exacerbation des tensions tribales au lendemain des indépendances africaines. C’est le cas notamment de Nic Cheeseman lorsqu’il avance: “Inter-ethnic tensions were also fostered by the varied impact of the colonial era on political economies. The willingness of colonial governments to employ divide-and-rule politics, in which different communities were played off against each other in order to stymie the emergence of a unites nationalist movement, further served to solidify group identities. Taken together, these policies worked to institutionalize identities and connect them to specific pieces of land. Following Ranger, one might say that colonial governments believed in tribes, and Africans gave them tribes to believe in them[12]

Le tribalisme n’a pas été atténué par l’urbanisation/modernisation qui s’est développée en Afrique noire.[13] » La fin de l’ordre social colonial et l’avènement d’une société nouvelle avec les incertitudes que ce changement a engendrées et multiplié les occasions de tensions et ravivé les pluralismes latents. Les ethnies, du fait de l’insécurité générale, retrouvent dans ce cas une de leurs fonctions essentielles : la sécurité du groupe[14] C’est à une explication de cet ordre qu’il faille recourir pour expliquer les événements du Congo en 1960. Les Belges n’avaient pas su créer un sentiment national congolais. La période transitoire de la dépendance à l’indépendance avait été trop courte et il en résulta une absence de leaders et de partis nationaux, une multitude de partis politiques à assise tribale qui favorisèrent et même renforcèrent les conflits de groupes.

Lorsque des partis se sont créés et lorsque des leaders ont cherché à réunir sous leur nom le maximum de partisans, ils ont d’abord fait appel à leur ethnie ou, plus exactement, lorsqu’elles existaient, aux associations tribales. Le rôle des associations tribales dans le développement du nationalisme (tribal) a été essentiel[15]. James S. Coleman en donne les raisons suivantes : « c’est le résultat de la gravitation des éléments évolués, conscients politiquement, autour de leur tribu d’origine, non seulement à cause de la persistance de loyautés et d’obligations tribales ou à la suite de leur réévaluation de la culture africaine, mais aussi parce que la tribu leur procure une base politique relativement sûre, des masses fidèles dont ils connaissent les aspirations, le système de croyances, les griefs et les tensions, donc des groupes auxquelles ils peuvent faire appel plus facilement et plus légitimement et qui demeurent facilement manipulables »[16].

L’individu compte peu en Afrique, du moins en tant que tel. Il est absorbé par la communauté. Il n’existe que pour elle et par elle. Les exigences de la famille, les impératifs de la coutume sont supérieurs aux besoins ou aux intérêts de l’individu. Celui-ci n’a qu’à se laisser porter par la communauté, et l’on sait la force du sentiment familial, comme moteur d’activité. Si bien que la volonté individuelle s’estompe : elle est négligée ou sous-estimée[17]. Or le même individu se retrouvant à un niveau de responsabilité politique nationale, censée transcender les appartenances claniques, tribales, ethniques ou régionales, se voit rapidement rattrapé, parfois absorbé, par l’instinct communautariste qui guide désormais ses faits, gestes et son action politique.

Pour le Dr Fweley Diangitukwa : « Les Africains doivent avoir le courage de regarder le tribalisme et d’interroger ses méfaits. Un homme tribaliste reste cloisonné à l’intérieur de sa tribu. Ce qui se passe en dehors de sa sphère ne l’intéresse peu sinon pas du tout. Dans sa vie publique ou privée, un homme tribaliste se préoccupe exclusivement du développement de sa famille, de sa tribu, de sa région d’origine et de sa province ou de son département. La modernisation des autres régions ou du pays dans son ensemble ne l’intéresse pas sinon très peu. Le tribalisme a défavorisé l’éclosion du sentiment national[18]. Il a ouvert la voie aux cloisonnements ethniques et favorisé le développement de la conscience tribale au détriment de la conscience nationale. Dans ce sens, le tribalisme constitue un frein au développement car « l’Africain reste très attaché à son clan et à son milieu social. Il vit dans une dépendance totale aveugle. Il ne peut rien entreprendre sans l’intervention des siens. Il est très soumis, très dépendant des autres sur qui il compte plus que lui-même[19] ».

Le juriste criminologue Jean-Bosco Kongolo éclaire davantage cette perversion intrusive des associations culturelles à base ethnique dans la vie politique en RDC. Il indexe le clientélisme politique qui induit par ces pratiques tribalo-rétrogrades en RDC[20].

Les élites politiques et intellectuelles congolaises posent réellement problème en RDC

La problématique de la conception et de l’exercice du pouvoir

Après leur accession à l’indépendance, la plupart des régimes africains semblaient pouvoir concilier la lutte contre le sous-développement économique et la stabilité politique. En effet, au moment de leur accession à l’indépendance, les nouveaux Etats africains adoptèrent des modes d’organisation constitutionnelle du pouvoir calqués des modèles politiques des puissances coloniales[21].

Certains auteurs estiment que l’échec de l’instauration de l’ordre politique post-wébérien en Afrique postcoloniale a induit une mauvaise conception de l’exercice du pouvoir et de la gestion du bien commun dans le chef des gouvernants africains. René Dumont, dans son ouvrage L’Afrique noire est mal partie, indexe la césure ou la fracture sociale entre les gouvernants et les gouvernés au lendemain de l’accession des Etats d’Afrique noire à l’indépendance. Gérard Chaliand pointe l’africanisation rapide des fonctions, mais pas celle des structures, qui induit le mimétisme administratif des fonctionnaires, issus du cadre colonial, aidés par les experts et coopérants occidentaux[22]. Crawford Young estime quant à lui que l’indépendance a amené une redistribution extrêmement soudaine des fonctions supérieures. Dans ce contexte africain, un statut politique élevé signifie à la fois l’exercice d’un pouvoir important, un très haut statut social et économique, et un traitement qui élève le dignitaire. « Le terme politicien suggère facilement l’idée d’une exploitation cynique de la fonction publique à des fins personnelles »[23] et non pour l’intérêt collectif.

Selon Jean Mbaya Kankwenda, dans son ouvrage, L’économie politique de la prédation au Congo Kinshasa. Des origines à nos jours (1885-2003), la ruine politique se manifeste par la déliquescence de l’État et de ses institutions, l’absence de cohésion de l’appareil politique et manque de vision politique. Par ailleurs, le chercheur américain Theodore Trefon, dans son livre publié en 2012 : Congo, la mascarade de l’aide au développement, avance que « l’entreprise de création postcoloniale n’a pas abouti à l’instauration d’un ordre politique post-wébérien ». Vincent Hugueux parle du copier-coller du modèle institutionnel et organisationnel occidental, mais son esprit et fonctionnement n’a pas été assimilé par les africains. (…) »[24]

Pour Mabika Kalanda, « la question des élites intellectuelles véritables pour notre pays pose d’énormes problèmes. Elles (élites intellectuelles) demandent aux dirigeants politiques [de sortir à temps d’un certain état d’inconscience et] d’adopter de nouveaux centres d’intérêt, de comprendre que l’avenir congolais doit reposer sur les cadres nationaux et non sur les mercenaires, fussent-ils des mercenaires intellectuels ». Ces derniers sont aujourd’hui dissimulés dans les ONG et autres think-tank étrangers apparemment inoffensifs[25].

La population ne fait pas non plus confiance aux politiciens qui depuis 1960 n’ont jamais réussi à assurer le bien-être à leurs populations. Par contre, elle observe que la carrière politique est celle qui donne droit à tout (le « Tout » ici incluant le droit de vie et de mort sur le souverain primaire). Les politiciens se méfient des élites intellectuelles qui devraient normalement leur fournir des études sur lesquelles fonder les différents programmes de développement du pays. L’Etat congolais préfère confier les études de faisabilité et les études d’évaluation de l’impact socio-environnement de ses projets à des firmes étrangères au lieu de faire appel à l’expertise locale, dépensant parfois des sommes astronomiques pour des résultats insignifiants[26].

La science et la technologie : deux notions inconciliables pour les élites congolaises ?

Du point de vue de la culture, il y a une différence fondamentale entre la science et la technologie : la science crée le savoir ; la technologie fabrique et utilise des outils. Il est possible à une société de maîtriser une technologie sans en maîtriser la science, par le simple fait de l’entrainement, de l’imitation et de la répétition : C’est l’apprentissage inconscient de la bête. Des singes cyclistes, automobilistes ou astronautes, on en a vu[27]. C’est ce que je qualifie : le mimétisme africain ou le conditionnement intellectuel pavlovien de l’africain.

Certains membres de la société congolaise – notamment la jeunesse de la diaspora congolaise se réclamant d’une certaine mouvance afrocentriste ou panafricaniste – utilisent aujourd’hui avec bonheur et dextérité l’ordinateur, l’Internet, la télévision, le téléphone cellulaire et les différentes applications des réseaux sociaux (Facebook, WhatsApp, Viber, Skype, Twitter, etc.). Mais cette jeunesse possède-t-elle dans les archives de sa culture les éléments qui ont favorisé l’apparition de ces instruments ? Ou cette jeunesse a-t-elle suffisamment pris le recul nécessaire pour comprendre les motivations à la base du développement de ces outils de l’infoguerre ou de la puissance en réseaux, qui deviennent des facteurs très puissants du soft power ? Il est même curieux et paradoxal de constater que cette jeunesse qui rejette « l’impérialisme américain » ne jure que par les nouveaux outils de colonisation mentale tels que « Apple, Microsoft, etc. » !

C’est là qu’il faille faire le lien avec Mabika Kalanda lorsqu’il note : « Devant la précision et l’efficacité de la science positive, l’esprit africain serait ébloui et fasciné. Il pourrait même nourrir l’illusion d’embrasser en un tour de main ce savoir devenu complexe, sans répéter ne fût-ce qu’en laboratoire l’essentiel des étapes et des cheminements de la pensée moderne afin de mieux en saisir l’origine, le sens et l’orientation actuelle [28]».

« Parfois, la meilleure façon de comprendre la roue, c’est de la réinventer ». La science est un mécanisme mental de création du savoir. Il est inné à l’Homme, mais exige un contexte pour éclore. Toute culture est fondée sur une vision particulière de l’Univers et de la place de l’Homme dans cet univers. La nature d’une culture détermine celle de la science[29]. Une culture dont l’existence et l’influence des « volontés » invisibles développera une science visant à canaliser l’impact de ces « volontés » sur l’Homme. C’est le cas des sciences fondées sur les croyances religieuses et magiques. Une culture qui objective l’Univers, la conçoit comme une chose, matière ou énergie, convertible l’une en l’autres (comme on le sait maintenant), construira une science visant à domestiquer cette matière/énergie, pour le bonheur ou le plaisir de l’Homme, bonheur et plaisir de pouvoir ou de savoir. Une telle culture est conquérante[30].

La problématique de l’adhésion facile du Congolais au monde mystico-religieux

Un des grands fléaux qui détruit l’Afrique est la croyance aveugle aux religions importées d’ailleurs du fait de leur adhésion facile au monde mystico-religieux. Les deux formes de cultures coexistent à différents dosages dans différentes sociétés. Elles conditionnent les esprits à différents degrés. Les sociétés africaines, nonobstant la présence en leur sein d’individualités émancipées, sont encore profondément imbues de la culture magico-religieuse. Le subjectif ou le fantasme ou encore l’émotionnel, y prédomine encore, cela malgré le contact avec les technologies du monde moderne. Ici, un chef d’Etat se prosterne devant des idoles de sa chapelle de marbre ; là, un général s’arme d’une kalachnikov et de fétiches ; là(,) encore, un directeur de banque ceint sous son pantalon un verset de Coran prescrit par le marabout. Vous ne saurez jamais quelle explication incongrue sortira de la bouche du plus grand intellectuel africain quand le sort l’accable !

A propos de cette propension africaine à la culture magico-religieuse, Aujoulat écrit : « Les aspirations du Noir à une plénitude de vie toujours plus large expliquent pourquoi il s’est vite tourné si aisément vers les religions importées. L’Islam qui s’est étendue de bonne heure jusqu’à la forêt tropicale comme aussi le long de la côte orientale, est loin d’avoir dit son dernier mot. Sans missionnaires spécialisés comme sans missions organisées, il continue à s’infiltrer activement. (Ndlr : Extrait écrit en 1958, un demi-siècle bien avant l’expansionnisme islamiste actuel qui envahit actuellement l’Afrique). Le christianisme, tard venu en Afrique Noire (sous une forme en cas structurée) a rencontré en Afrique centrale un enthousiasme prodigieux. Les missions d’Afrique comptent parmi les plus florissantes du monde[31].

Par ailleurs, l’Afrique est aujourd’hui confrontée à la croissance exponentielle des Eglises évangéliques, qui mettent l’accent sur la conversion individuelle, la relation normative à la Bible ou l’activisme prosélyte, et notamment celle de la mouvance pentecôtiste, centrée sur les manifestations du Saint-Esprit et l’attente de «miracles». Au-delà de cette propension à assimiler et à réinventer une offre religieuse, la visibilité des mouvements évangéliques, et pentecôtistes, interroge aussi sur les transformations sociales et politiques qui affectent le continent. Ces Eglises semblent d’abord rencontrer un certain succès parce qu’elles s’adressent à des populations en situation de précarité sociale et économique, parfois de profonde détresse, confrontées à des problèmes de santé, de fécondité, de pauvreté, de chômage auxquels elles prétendent apporter des solutions[32], « Nzambe akosala » (Dieu agira en ma faveur) et lorsque la solution promise prophétiquement n’arrive pas, on allègue une sorte de fatalité : c’est la volonté de Dieu, maître souverain de notre vie (« Ezali mokano ya Nzambe »)  qui est avancée comme justification.

Il est d’ailleurs effarant de constater qu’alors que l’œuvre coloniale au Congo s’est essentiellement reposée sur la triple trinité des 3 E : Etat (Armée) – Entreprise (Capital) et Eglise, les Congolais  (Africains)n’ont retenu que l’Eglise pendant que l’Etat, dans toutes ses composantes structurelles et fonctionnelles, et l’Entreprise, symbole de la richesse et de l’Economie, sont pratiquement en faillite. Pire encore, si ce ne sont pas des églises de tout genre, venues des quatre coins de la planète, qui trouvent au Congo leur terreau fertile pour prospérer, ce sont les missionnaires et les pasteurs congolais qui écument les rues de l’Occident et d’autres pays du monde. Ce, dans le but de (re)évangéliser notamment l’Europe aux prises avec ce que les colonialistes appelaient « le paganisme », avec leur lot de dégâts occasionnant leurs passages en Europe.

Pire encore, lorsqu’on jette un coup d’œil sur les réseaux sociaux où il y a autant d’analystes politiques (sans base épistémologique ou sans qualification requise en sciences sociales, politique ou juridique) que d’intervenants, le premier constat que l’on dégage est que la majorité de ses analystes[33] recourent à une sorte de binarisme dogmatique manichéen et réducteur du type religieux, inculqué sans doute par l’action civilisatrice du colonialisme où le monde est divisé en bien et en mal, pour étayer leurs analyses de manière très simpliste. Et lorsque ces prédicateurs « analystes politiques » se font applaudir par des jeunes censés assurer la relève de l’Afrique de demain, on se dit que nous sommes encore partis pour un bon moment avant le relèvement de l’Afrique. L’ignorance tue !

L’Africain, le Congolais, aspire aux mêmes technologies révolutionnaires qui ont libéré l’Homme des servitudes de la distance et de la pesanteur, de l’obscurité et du climat, de la faim et de la maladie. Il aspire à posséder ces technologies pour la liberté qu’elles lui accordent et la puissance (de vie et de mort) qu’elles lui confèrent. Il aspire à les posséder, mais aspire-t-il à les créer ? Il devrait. Sans quoi il restera à jamais un consommateur passif et vulnérable de ces technologies, par le rejet inébranlable des fantasmes de tous genres, par l’apprentissage soutenu du doute (de la remise en question) et de la quête scientifiques. Car, comme le dit si bien Mabika Kalanda dans son épilogue : « Tout changement introduit dans la matière constitue bel et bien l’objectivation des idées élaborées par l’esprit humain »[34].

La faculté des Noirs de percevoir le surnaturel à travers toutes les manifestations naturelles et de plaquer le plus normalement du monde une justification mystique sur un phénomène expérimental, les protège contre le dessèchement rationaliste ; mais elle diminue en même temps leur capacité d’étonnement et leur activité créatrice. En fait, les plus instruits d’entre les Africains se plaisaient à vivre au jour le jour : non seulement ils pratiquent sans peine le devoir de l’imprévoyance, quitte à se confondre volontiers avec le lis des champs ou avec l’oiseau insouciant ; mais encore ils ne sont attentifs qu’au présent. Ils se soucient moins de connaître que de vivre. Peu d’entre eux bâtissent des plans ou envisagent des réformes de structures. A chaque jour suffit sa peine[35]. C’est le triste constat fait en 1958 par le Dr Louis-Paul Aujoulat et qui s’illustre avec force lorsque l’on observe la grande majorité de la classe politique et de l’élite intellectuelle congolaise d’aujourd’hui en RDC et au sein de la diaspora. Evariste Boshab, Henri Mova Sakanyi, Tryphon KinKiey Mulumba, Léonard She Okitundu[36], Lambert Mende, Kikaya Bin Karubi, Atundu Liongo, Kengo Wa Dondo, Adolphe Lumanu et bien d’autres diplômés congolais en sont des cas illustratifs. Une sorte d’élite intellectuellement émasculée, selon  les propos du feu Abbé Richard Mugaruka, c’est-à-dire intellectuellement castrée !  Ou encore « des intellectuels serviles de Kinshasa« , tels que décrits par le feu Anicet Mobe[37].

Et Aujoulat d’avancer « Allons-nous reprocher à leurs élites de n’avoir pas le culte du progrès ou de tourner le dos à la culture de l’esprit ? Ils risquent de répondre avec Alioune Diop que ces notions sont étrangères au Génie Africain, car la recherche du progrès suppose la conscience d’un manque ou du moins quelque grief contre la vie présente. Le Noir aime trop la vie, il possède trop la joie de vivre pour se hausser au-dessus du présent et pour essayer d’engager l’avenir. Peut-être faudrait-il déplorer pareillement l’orientation générale qui se perçoit chez les meilleurs d’entre les Africains. Pour amener le développement économique et le progrès social de leur pays, ils auraient presque plus confiance dans la politique que dans la technique[38]. (…). L’Afrique Noire risque fort de mettre trop d’espoirs dans la palabre ou les discours ; pas assez dans des réalisations pratiques. Elle est capable de produire des orateurs sans nombre et des politiciens de talent. Voudra-t-elle se résoudre à se donner les artisans, les techniciens et les penseurs sans lesquels elle n’aura pas sa place dans le concert des nations modernes ?»[39]. Telle est la question existentielle posée par Aujoulat ; crue, à la limite du mépris, mais véridique que chacun de nous devrait se poser au plus profond de soi si nous voulons réellement faire bouger les lignes.

Conclusion

Incapables de se réconcilier faute de l’historicité largement partagée, les Congolais (Africains) sont aussi incapables de construire l’Etat, faute d’une conscience nationale comme capacité de prise en charge collective du destin. Le Congo se meurt entre autres du fait de ses élites intellectuelles inconscientes[40] et perverses. Une lutte politique sans combat intérieur personnel contre certains de nos penchants culturels, ne peut aboutir. A ce propos, Mabika Kalanda accuse : « La question des élites intellectuelles véritables pour notre pays pose d’énormes problèmes… ». Et Mabika d’interpeller l’élite congolaise en rangeant en trois grandes catégories hiérarchisées les causes majeures attribuées à la crise congolaise :

1) l’attitude envers soi-même ;
2) envers la société humaine et 
3) envers le monde invisible.

Seule une analyse systémique globale, intégrale et intégrée, honnête et objective de la situation générale du Congo et de la responsabilité individuelle et collective des Congolais, passées au crible de ces trois facteurs que la RDC pourrait envisager d’entrevoir sérieusement la sortie du trou noir!

Jean-Jacques Wondo OMANYUNDU

Références

[1] De La décolonisation mentale. Mabika Kalanda et le XXIème Siècle congolais, Sous la direction de José Tshishungu Wa Tshisungu, Editions Glopro, Toronto, janvier 2016.

[2] Kombe Oleko, W. « Préface » à Mubabinge Bilolo, Les Cosmo-théologies philosophiques de l’Egypte antique. Problématique, Munich, Editions universitaires africaines, 1986.

[3] Mabika Kalanda, La remise en question. Base de la décolonisation mentale, Bruxelles, Remarque africaines, 1967.

[4] Emmanuel Kabongo Malu, « Culture, conscience et développement. Mabika Kalanda : le paradigme de la déchéance culturelle congolaise », in De La décolonisation mentale. Mabika Kalanda et le XXIème Siècle congolais, Sous la Dir de José Tshishungu Wa Tshisungu, Editions Glopro, Toronto, janvier 2016, p.154.

[5] Frantz Fanon, Communication au Deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs, Rome, 12959.

[6] De La décolonisation mentale. Mabika Kalanda et le XXIème Siècle congolais, Sous la direction de José Tshishungu Wa Tshisungu, Editions Glopro, Toronto, janvier 2016, p.7.

[7] Ibidem.p.198.

[8] Placide Tempels, La Philosophie bantoue, traduit du néerlandais par A. Rubbens, Présence africaine, Paris, 1949, 128p.

[9] Placide Tempels, Ibid., p.74.

[10] Suzanne Bonzon, Modernisation et conflits tribaux en Afrique noire, Revue française de science politique, Année 1967, Volume 17 Numéro 5 p. 865.

[11] Vincent Hugueux, Le problème de la démocratie en Afrique : entre dictatures et refus du modèle occidental. http://blog.ac-rouen.fr/lyc-bloch-notes/2014/04/09/le-probleme-de-la-democratie-en-afrique-entre-dictatures-et-refus-du-modele-occidental/. « Vincent Hugueux : La démocratie est bel et bien possible en Afrique » in http ://ivoireinfo.com/archives/5170, 4 juin 2012.

[12] Nic Cheeseman, Democracy in Africa. Success, Failures, and the Struggle for Political Refore, Cambridge University Press, 2015, p.23.

[13] Dimitri-Georges Lavroff, Régimes militaires et développement politique en Afrique noire, Persée, Revue française de science politique, XXII (5), Octobre 1972, p.976.

[14] Suzanne Bonzon, Modernisation et conflits tribaux en Afrique noire, Revue française de science politique, Année 1967, Volume 17 Numéro 5 p. 866.

[15] Ibid., p.866.

[16] James S. Coleman, « Current Political Movements in Africa ». The Annals 298, mars 1955, p.102.

[17] Louis-Paul Aujoulat, Aujourd’hui l’Afrique, Casterman, Parsi, 1958, p.14.

[18] Fweley Diangitukwa, Quand les Africains se réveilleront, le monde changera, Ed. Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, Saint-Legier, Suisse, 2016, p.50.

[19] Mabika Kalanda, La remise en question. Base de la décolonisation mentale, Bruxelles, Remarque africaines, 1967, p.15.

[20] Jean-Bosco Kongolo M., « L’apolitisme hypocrite des associations culturelles congolaises », 14 octobre 2015 – http://afridesk.org/fr/lapolitisme-hypocrite-des-associations-culturelles-congolaises-jean-bosco-kongolo/.

[21] Dimitri-Georges Lavroff, Régimes militaires et développement politique en Afrique noire, Persée, Revue française de science politique, XXII (5), Octobre 1972, p.973.

[22] Gérard Chaliand, L’enjeu africain L’Enjeu Africain. Géostratégie des puissances, Editions Complexe, Bruxelles, 198, p.26.

[23] Crawford Young, Introduction à la politique congolaise, CRISP, Bruxelles, 1968, p.39.

[24] Vincent Hugueux, Le problème de la démocratie en Afrique : entre dictatures et refus du modèle occidental. http://blog.ac-rouen.fr/lyc-bloch-notes/2014/04/09/le-probleme-de-la-democratie-en-afrique-entre-dictatures-et-refus-du-modele-occidental/. « Vincent Hugueux : La démocratie est bel et bien possible en Afrique » in http : //ivoireinfo.com/archives/5170, 4juin2012.

[25] Sinaseli Tshibwaba, « Les scientifiques congolais et La Remise en question de Mabika Kalanda », in De La décolonisation mentale. Mabika Kalanda et le XXIème Siècle congolais, Sous la Dir de José Tshishungu Wa Tshisungu, Editions Glopro, Toronto, janvier 2016, p.119.

[26] Ibidem, p.119.

[27] Majabu Mbikay, « Mabika Kalanda face aux sciences et technologies. Les ramifications culturelles du choix », in De La décolonisation mentale. Mabika Kalanda et le XXIème Siècle congolais, Sous la Dir de José Tshishungu Wa Tshisungu, Editions Glopro, Toronto, janvier 2016, p.42.

[28] Mabika Kalanda, La remise en question. Base de la décolonisation mentale, Bruxelles, Remarque africaines, 1967, p.162.

[29] Majabu Mbikay, « Mabika Kalanda face aux sciences et technologies. Les ramifications culturelles du choix », in De La décolonisation mentale. Mabika Kalanda et le XXIème Siècle congolais, Sous la Dir de José Tshishungu Wa Tshisungu, Editions Glopro, Toronto, janvier 2016, p.43.

[30] Ibidem, p.44.

[31] Louis-Paul Aujoulat, Aujourd’hui l’Afrique, Casterman, Parsi, 1958, p.27.

[32] L’offre évangélique et pentecôtiste fournit une explication des maux et des blocages auxquels l’individu est confronté (le poids de la sorcellerie demeure crucial dans ces représentations), et propose une rupture par la conversion et l’observance religieuse. Dans le pentecôtisme, miracles et guérisons sont annoncés, dans une pratique expressive, qui mobilise autant le corps que l’esprit. Cédric Mayrargue, « Cet évangélisme qui veut conquérir l’Afrique », Libération, 25 février 2016, http://www.liberation.fr/planete/2016/02/25/cet-evangelisme-qui-veut-conquerir-l-afrique_1435804.

[33] Ces analystes se montrent le plus souvent incapables d’éclater leurs analyses en plusieurs grilles de lecture pour leur permettre une approche globale ou holistique des phénomènes sociaux ou géopolitiques observés.

[34] Ibidem, p.45.

[35] Louis-Paul Aujoulat, Aujourd’hui l’Afrique, Casterman, Parsi, 1958, p.15.

[36] Il suffit de suivre la vidéo de sa piètre prestation au Sénat en janvier 2015, défendant à contre-courant intellectuel le projet de loi-électoral qui consacrait le glissement électoral, pour se rendre compte de l’inculture intellectuelle qui ronge l’élite congolaise.

[37] Anicet Mobe, Intellectuels serviles de Kinshasa,  http://afridesk.org/fr/intellectuels-serviles-de-kinshasa-anicet-mobe/.

[38] Louis-Paul Aujoulat, Aujourd’hui l’Afrique, Casterman, Parsi, 1958, p.15.

[39] Louis-Paul Aujoulat, Aujourd’hui l’Afrique, Casterman, Parsi, 1958, p.16.

[40] http://afridesk.org/fr/jai-laisse-derriere-moi-un-congo-qui-se-consume-du-fait-de-lhomme-congolais-jean-jacques-wondo/.

2

2 Comments on “L’urgence d’une décolonisation mentale des Congolais : relire Mabika Kalanda – JJ Wondo”

  • GHOST

    says:

    ¤ MABIKA KALANDA ET LA DEFENSE DE LA RDC ?

    La RDC dont la survie depend comme État repose sur ses capacités militaires face aux pays voisins qui financent leur développement avec des pillages des ressouces minerales du pays doit-elle intégrer ces théories de Mabika Kalanda ?

    Pour les militaires congolais, ces notions du « panafricanisme » ou de la décolonisation « mentale » devraint sans doute figurer en bonne place quand il faut faire le choix des paternaires pouvant aider á la formation d´une armée destinée á proteger l´existence de la RDC*

    Pouvons-nous ne pas accepter une certaine colonisation mentale ou intellectuelle quand nous devons activement rechercher, les connaissances et les technologies militaires dont notre pays a grandement besoin.

    ¤ LA PHILOSOPHIE DE L´UTILITARISME

    Pour les militaires congolais (á qui nous nous adressons), « maximiser » le bien que la RDC peut tirer d´une certaine colonisation « technologique » dans le domaine de la Défense par rapport aux notions d´une décolonisation mentale inspirées des « philosophes » africains qui souvent ont été si pas complices, mais avant tout les mentors des dictatures africaines, le choix des militaires est assez simple.

    Pour la nouvelle génération des militaires congolais, l´existence de la RDC prime sur les considerations philosophiques. Ainsi, une alliance militaire avec les USA/UE est plus bénéfique fin de « maximer le bien être collectif » des congolais*

    ¤ CONSTRUIRE UN ETAT AU CONGO*

    Même s´il ne faut pas citer la construction des États en Europe, il suffit de relire l´histoire de l´EIC* pour retrouver la place centrale de l´armée dans la construction de cet État par Léopold II.

    Ainsi, en partant de la philosophie de l´utilitarisme, l´armée devrait retrouver sa place centrale qu´elle avait lors de la création de l´EIC dans la construction d´un État démocratique au Congo*
    Notre experience de la lutte contre le tribalisme au sein de la Garde Civile est positive. Ce que même nos frères d´arme orginaires de l´Equateur avaient du mal á appliquer la discrimination imposée par Mobutu envers nous. Nous gardons encore un bon souvenir des officiers ex DSP qui avaient assurés notre formation. Lors de nos stages dans les centres de formation des FAZ (Kota Koli, CETA et Kibomango) le tribalisme n´avait pas été très visible.

    Dans la lutte contre le tribalisme et la determination de poser des bases solides pour l´existence d´un État démocratique au Congo, l´armée va certainement être l´institution forte capable d´intégrer ces notions jugées « néo-coloniales » et pourtant necessaire dont le Congo a grandement besoin*

  • José Bakima

    says:

    Je pense que le problème de notre pays, la RD Congo, a commencé dès l’acquisition de l’Indépendance, et plus précisément concerne une opposition entre les unitaristes centralistes (vision incarnée par Lumumba) et les fédéralistes (vision incarnée par Kasavubu). La vision des premiers s’est imposé et continue à s’imposer encore aujourd’hui. Toute personne qui s’en oppose est qualifiée de tribaliste et d’autres épithètes. Je pense que c’est de là que vient le biais, on veut politiquement créer une société unitaire tout en sachant au départ que la société congolaise est plutôt plurale. Ne chantons nous pas: « unis par le sort, unis dans l’effort pour l’indépendance » ? Qu’est-ce cela veut dire ? Vouloir imposer une société unitaire, c’est méconnaître l’histoire de ce pays. On peut ne peut transposer l’histoire de la France au Congo, car c’est de ça qu’il s’agit, nos gouvernants unitaristes centralistes s’acharnent à transposer le fondement de l’Etat français (depuis sa révolution) au Congo: une république démocratique. Nous voyons depuis des années que cela non seulement ne prend pas (ne suscite pas l’adhésion de la totalité du peuple dont les composantes continuent à s’identifier à leurs nations d’origine), mais ne marche pas non plus, car plusieurs composantes du peuple ne se reconnaissent pas au pouvoir politique ne place. C’est la racine des crises politiques à répétition et de la faiblesse de la république: pouvoir exagéré attribué au gouvernement central et aux divers intérêts, changements continuels des lois, etc. Les résultats économiques de telles incertitudes, ajoutés à la concurrence de tous avec tous, mettent en danger la survie de la république.
    Pourquoi ne pas considérer la société congolaise telle qu’elle est, c’est-à-dire plurale, et adapter le système politique à elle ? Que recherchons nous ? N’est-ce pas une institution politique stable. et démocratique (le pouvoir au peuple), et pour qu’elle fonctionne, elle doit être républicaine (un pouvoir qui garantit l’unité de la société) , pour faire court, une institution fondée sur la démocratie républicaine et qui permet à la société de s’exprimer en se gouvernant. Ainsi est déterminé un espace politique républicain au sein duquel les individus autonomes peuvent s’activer. La société ainsi libérée pourra alors développer sa propre dynamique.
    A travers cette solution on n’évite de créer une nouvelle unité sociale, la société n’étant pas unitaire, et n’est pas obligé de l’être non plus.
    Ce système a été conceptualisé par les Pères de la Constitution de 1787 des Etats-Unis. Le jeu démocratique se déroule à travers les partis politiques. La république est incarnée par la cour suprême qui garantit pas seulement l’existence d’un Etat de droit, mais qui permet la défense et aussi la multiplication de droits individuels et sociaux, et ceux-ci sont la condition de la possibilité d’une participation au politique, donc de la démocratie. Le sénat représente les Etats, dans le cas du Congo, ce serait plutôt les grandes entités politiques traditionnelles qui ont existé à l’époque précoloniale.
    je pense que si l’on parvient à ce les aspirations sociales des uns et les intérêts économiques des autres sont considérés comme légitimes et garantis par la constitution, on aura déjà fait un grand pas dans la stabilité de l’Etat et ses institutions, et on parlera de moins en moins des problèmes de tribalisme.

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

SOCIÉTÉ | 23 Sep 2025 14:18:49| 455 1
Témoignage d’affection de JJ WONDO à son fils Denzel pour son anniversaire ce 09 janvier 2025
"Joyeux anniversaire à toi Denzel, le fils selon le cœur de son père. Tu fais notre fierté et notre honneur.… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 14:18:49| 651 0
Un hommage poignant de JJ WONDO à sa fille MAZARINE WONDO en ce jour d’anniversaire, malgré l’injustice de son incarcération
"Joyeux Anniversaire à la très inspirée et exceptionnelle MAZARINE WONDO. Je t'envoie plein de Bisous,d'Amour et de Bénédictions. Nous sommes… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 14:18:49| 1535 0
RDC : Dossier Jean-Jacques Wondo, la défense contre-attaque et démonte toute l’accusation
Le dossier de la téléphonie sur lequel repose l’accusation apparaît comme un enorme montage pour accuser l’expert belge. Le procès… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK