Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 11-10-2018 16:20
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Les tueries à Beni : Le général Marcel Mbangu connaîtra-t-il le même sort que Mamadou Ndala et Lucien Bahuma ?

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Le général Marcel Mbangu lors de la cérémonie de prise de commandement du commandant des opérations Sokola 1, le 5/06/2015, à Beni (Nord-Kivu)

RDC – Les tueries à Beni : Le général Marcel Mbangu connaîtra-t-il le même sort tragique que le colonel Mamadou Ndala et le général Lucien Bahuma ?

Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu

En ce début octobre 2018, le territoire de Beni-Lubero totalise quatre ans, jour pour jour, depuis qu’il est le théâtre d’une série sans fin de massacres ignobles faussement attribués aux rebelles ougandais de l’ADF. Plusieurs analyses produites par le site www.afridesk.org , principalement par son coordonnateur, Boniface Musavuli et moi, ont clairement démontré à quel point l’armée congolaise est détournée de ses fins pour être utilisée à des fins politiques et géopolitiques antithétiques à sa mission de défense du territoire nationale et de la protection des populations congolaises.
Cet article se focalise uniquement à analyser les circonstances des tueries intervenues le 22 septembre et le 4 octobre 2018 pour en démontrer les mobiles latents. En réalité, derrière ces deux attaques, c’est le commandant du secteur de l’Opération Sokola 1 au Grand Nord à Beni, le général-major Marcel Mbangu Mashita, dont l’action a permis une certaine accalmie dans la région pendant presqu’une année, qui est visé. L’analyse est basée sur des informations recoupées, anonymisées, recueillies auprès des sources militaires congolaises et de la société civile locales au Nord-Kivu.

Beni, ville martyr de la confrontation à distance entre Joseph Kabila et Antipas Mbusa Nyamwisi

Comme nous l’avions mentionné dans une analyse antérieure, les tueries de Beni se produisent dans un environnement politique assez exécrable marqué par un vieux conflit de leadership dans le Grand Nord (le Pays des Nandes – territoires de Beni et de Lubero) opposant deux camps : les kabilistes d’un côté, les fidèles de Mbusa Nyamwisi de l’autre[1]. L’analyste et juriste congolais Boniface Musavuli y a consacré plusieurs analyses et deux excellents ouvrages dans lesquels il détaille le caractère systématique de ces massacres visant particulièrement les ressortissants de l’ethnie Nande – de la communauté Yira – du Grand nord du Nord-Kivu. L’auteur pointe une responsabilité des FARDC sous la supervision opérationnelle du général Akili Muhindo, alias « Mundos » : « Les tueurs opèrent librement. Ils portent des uniformes FARDC et tuent à proximité des positions de l’armée. Ils tuent pendant des heures sans être inquiétés. On ne les arrête pas. Les rares qui sont appréhendés, notamment par de courageux habitants, sont systématiquement remis en liberté, comme s’il y avait une volonté d’Etat de les laisser finir le boulot »[2], écrit-il.

Dans ses ouvrages, Musavuli attribue une grande partie de ces massacres aux soldats rwandophones issus des mécanismes de ‘régimentation’ des FARDC qui ont eu lieu en 2011 et aux soldats rwandais. Il évoque la main noire du Rwanda dont les soldats sont au Congo dans le cadre des accords secrets entre les présidents Kabila et Kagame en vue de consolider les intérêts stratégiques du Rwanda dans les provinces frontalières où, justement, sont déployées leurs unités[3].

Les massacreurs bénéficient, de façon flagrante, des complicités dans les rangs des FARDC et de l’appareil de l’Etat congolais, comme cela transparait dans le rapport d’un groupe de parlementaires élus du Nord-Kivu[4]. Musavuli parle de la récupération du nom « ADF » par les soldats précités pour servir de couverture à une campagne d’élimination des populations pour un ensemble de raisons liés aux agendas de la géopolitique régionale. « Tuer cette population, sans motif apparent, fait avancer le projet de balkanisation du Congo par un procédé de dépeuplement »[5].

Revenant sur les mobiles politiques de ces massacres, pour Musavuli, Kinshasa voulait attribuer la responsabilité de ces massacres aux notables de Beni et Butembo, plus ou moins liés à Antipas Mbusa Nyamwisi, sur fond d’accusations fantaisistes de complicité avec les ADF. Ainsi, en s’en prenant aux personnalités locales, le régime de Joseph Kabila essayait de faire croire qu’il luttait réellement contre les massacreurs tout en détournant l’attention sur le Rwanda et l’Ouganda, les deux pays que la population locale accuse de façon récurrente d’envoyer des tueurs à Beni. Pour le régime de Kabila, il fallait que la population se mette à accuser ses propres notables qui, pourtant, n’avaient rien à voir avec les massacres[6].

En 2015, j’ai personnellement recueilli plusieurs témoignages, avec preuves à l’appui, de certains paysans du Parc Virunga, qui ont été convoqués à Beni au poste de commandement du général Mundos. Il leur a été demandé de montrer aux militaires FARDC des endroits peu fréquentés du Parc Virunga où ils pouvaient dissimuler des armes que Mundos voulait attribuer aux notables de Beni.

Véhicule du convoi du général Mbangu attaqué le 18 octobre 2017 à Beni au PK 16 sur la route Mbau-Kamango

L’attaque du 28 septembre 2018 dans un périmètre contrôlé par les FARDC

L’attaque du 28 septembre 2018 avait eu lieu dans le quartier Mupanda de la commune de Ruwenzori en plein centre-ville de Beni. Elle s’est déroulée dans le périmètre où se situe le mess des officiers considéré comme étant le Bureau du commandement des FARDC de la ville de Beni. Selon des sources FARDC à Beni, les assaillants avaient positionné deux équipes d’attaques.  La première vers le quartier Kasinga- Buhili pour lancer une attaque sur une position de l’armée située dans cette contrée avec pour objectif de créer diversion avant de positionner une autre équipe d’hommes lourdement armés qui lancera aussi une autre attaque à Mupanda. Un modus operandi qui a bien fonctionné.  Après l’attaque de la position des FARDC à Buhili, un groupe de FARDC et des casques bleus de la MONUSCO, venus en renfort, vont concentrer leur effort principal sur cette attaque avant de constater que les assaillants viennent de lancer un autre assaut au quartier Mupanda.

Mais pourquoi attaquer Mupanda ? L’objectif était-il d’entrer dans la ville de Beni. Toujours selon nos sources militaires, lorsque les assaillants quadrillent le périmètre du quartier Mupanda où se trouve le mess des officiers, les FARDC vont légèrement battre retraite et placer deux lignes de défense au niveau du rond-point Nyamwisi de Beni, donc à environ 100 mètres du mess des officiers.  Ces sources disent que les assaillants qui avaient des porteurs vont emporter plusieurs sacs de farine de maïs et de riz qui se trouvaient dans un enclos situé dans le périmètre des combats. A analyser ce scénario de près, on comprend qu’ils étaient venus se ravitailler et avaient préalablement reçu des informations précises sur cet entrepôt. Cela devrait leur servir de motivation et de gratification pour mener leurs actions. Or seuls les militaires des FARDC étaient au courant de l’existence de cet entrepôt et de ce qu’il contenait. Il s’agit là d’un premier indice apparent de complicité interne dans l’armée. Mais autre fait curieux est que durant cette même opération, les assaillants ont également libéré quelques présumés ADF, dont certaines personnalités importantes, qui étaient détenus au bureau des FARDC à Mupanda. Cette attaque visait également à soustraire ces détenus, dont l’identité pouvait compromettre la thèse des ADF, à la justice en vue de faire disparaître les preuves.

Un autre élément de suspicion de complicité interne au sein des FARDC est le fait qu’au moment où se déroulait cette attaque, le commandant du Secteur Opérationnel Grand Nord et des Opérations Sokola 1, le général-major Marcel Mbangu, et ses troupes de confiance se trouvaient à Lubero, à plus de 100 kilomètres de Beni. Ils y étaient en mission pour évaluer la situation dans ce territoire en proie à l’activisme croissant des hommes armés. C’est pendant son absence de Beni que les assaillants vont lancer cette attaque, 48 heures après. Son adjoint, nouvellement promu général, le général de brigade Richard Rabi Moyo n’organisera jamais de riposte adéquate pour repousser l’attaque. Pire encore, certains membres de la société civile locale nous diront que l’attaque se déroulait à quelques centaines de mètres du lieu où le commandant de la ville de Beni prenait calment et de manière décontractée une bière dans une terrasse de la place, sans broncher. Les assaillants ont opéré en toute quiétude, étant sûrs qu’ils ne seraient nullement inquiétés autrement.

Le bilan final de cette attaque est évalué à 18 civils et 4 militaires FARDC seront tués sans qu’aucun assaillant ne soit tué ou capturé.  Le général Marcel Mbangu arrivera à Beni le lendemain matin, constatant impuissamment les dégâts.

L’attaque de l’état-major de l’Opération Sokola 1 du 4 octobre 2018 : Les interrogations sur l’identité et la motivation des assaillants

L’Etat-major de l’opération militaire Sokola 1, situé dans le quartier Paida à Beni, a fait l’objet d’une attaque le jeudi 4 octobre vers 17 heures locales par des hommes lourdement armés. L’attaque a eu lieu pendant que le commandant des opérations, le général-major Marcel Mbangu, était en réunion avec son staff. Un officier supérieur, le major Yves Bahiga, a été tué par les assaillants.

Paida est un quartier situé à quelques 5 Kilomètres du centre-ville de Beni. Le général-major Marcel Mbang, en décidant d’installer son bureau commandement à Paida, c’était pour des raisons tactiques[7], opératiques[8] et stratégiques[9]. D’abord à partir de cette position de l’armée installée sur une colline, le commandement a une vue, d’un côté, sur la ville de Beni et, de l’autre, sur l’ancien camp d’entrainement de Nyaleke. Cette position permet aussi d’avoir un dispositif de réaction rapide en cas d’attaque sur l’axe routier Beni-Kasindi qui relie les villes de Beni et Butembo à l’Afrique de l’Est, à partir de la frontière de Kasindi- Lubiriha avec l’Ouganda. C’est aussi à Paida que les FARDC ont installé leur centre de communication (CCom) des opérations Sokola 1 depuis bientôt trois mois. 

Au moment de l’attaque du 4 octobre 2018, quatre généraux FARDC étaient en réunion d’évaluation des opérations menées contre les présumés ADF. Il s’agit des généraux :

1.      Kahumbu Yankole, le nouveau Chef d’état-major force terrestre qui venait d’arriver à Beni deux heures avant l’attaque 
2.      Jonas Padiri Muhizi, Commandant second en charge des opérations et renseignements de la 3ème Zone de défense des FARDC arrivé à Beni la veille 
3.      Edmond Ilunga Mpeko, Commandant de la 34ème région militaire au Nord Kivu 
4.      Marcel Mbangu Mashita, Commandant du secteur opérationnel Grand Nord et des Opérations Sokola 1.

Identité des assaillants du 4 octobre : L’ombre des unités autrefois contrôlées par Mundos ?

Toutes nos sources militaires doutent que ces attaques soient l’oeuvredes ADF.  Ces sources rapportent que parmi les assaillants qui étaient lourdement armés, certains étaient habillés en tenue de la Police nationale congolaise.

Notre questionnement :  Si depuis quelques mois Kinshasa soutient que les ADF se ravitaillent en tenue des FARDC pendant les combats en récupérant les tenues des militaires tués, qu’en est-il des tenues de la Police ? On n’a pas signalé des attaques récentes des ADF contre les postions ou les bureaux de la police. Ces mêmes sources militaires soutiennent que les assaillants ont pénétré facilement à Paida, dans un périmètre militaire stratégique bien protégé, auquel les civils n’ont jamais accès sauf les militaires préalablement identifiés et strictement contrôlés. En effet, pour atteindre le Bureau du commandement des Opérations Sokola 1, il faut au minimum 100 mètres de marche à pied après avoir traversé un poste de contrôle.  C’est ici que la thèse d’une complicité interne au sein des FARDC émerge. On n’atteint ni n’attaque jamais l’état-major opérationnel du commandement des opérations militaires avec autant de facilité.

Par ailleurs, les assaillants ne pouvaient pas aussi décrocher facilement après avoir tué huit militaires, dont un officier supérieur, le major Yves, et sept autres militaires sans subir des pertes ou des blessés dans leurs rangs. Les affrontements en armes lourdes ont duré environ pendant une trentaine des minutes. 

Notons qu’en avril 2015, la radio Okapi, qui relaie généralement les informations des services de renseignement de la MONUSCO, avait déclaré que des officiers des FARDC pourvoiraient les présumés ADF en armes, munitions et rations de combat vient renforcer le soupçon de complicité de la hiérarchie militaire avec les réseaux des ADF. De même, plusieurs analyses et rapports de divers experts, voire de la mission parlementaire menée en octobre 2014, et même des témoignages que nous avons recueillis directement des sources militaires opérationnelles déployées à Beni, parlent des complicités internes au sein des FARDC, de leur passivité et de l’existence des unités ex-CNDP qui n’acceptent jamais d’être commandées par un officier qui n’est pas ethniquement des leurs. C’est le cas du bataillon détaché de la 31ème Brigade de la Force de défense principale (FDP) autrefois commandée par le général-major Charles Akili Muhindo, dit « Mundos », qui est dirigé par le colonel Tipi Ziri Zoro. Les éléments de la 31ème Brigade de la FDP disposent de leur propre commandement et de leur logistique distincts du commandement opérationnel Sokola 1. Ils obéissent rarement aux ordres du chef d’état-major du Secteur opérationnel Sokola 1.

A chaque attaque, l’intervention des services de défense et de sécurité étaient informés préalablement mais venaient tardivement. Paradoxalement, lorsque les populations capturent les assaillants supposés être ADF, on voit arriver d’urgence les services de sécurité. C’est le cas de l’information que j’ai reçue de Beni dans la nuit du 31 décembre 2015 au cours de laquelle un assaillant rwandophone a été capturé par la population et que l’armée et la police sont arrivés le prendre alors que la population attendait qu’il soit démontré au public par les autorités[10].

Le Gen-maj %Marcel Mbangu, Commandant de l’Opération Sukola1, en entretien avec la population à Eringeti_Photo FARDC

Les objectifs des assaillants : éliminer des officiers congolais gênants contre les tentatives échouées jusqu’à présent du contrôle (et non de l’occupation) du Kivu (et non du Congo)

Sur base des analyses et assessments réalisés par DESC, les attaques récentes visent à éliminer physiquement des officiers supérieurs et généraux de la RDC, connus pour leurs actes de bravoure et de résistance aux tentatives non abouties de ce que d’aucuns qualifient d’occupation de la RDC qui n’est pas encore effective, ni militairement, ni politiquement, encore moins juridiquement[11]. Le fait que les forces ennemies du Congo cherchent à éliminer plusieurs vaillants officiers congolais FARDC, montre que les FARDC, qui recensent plus de 80% des militaires congolais en leur sein, ne sont guère une arme d’occupation, malgré les infiltrations massives qu’elles subissent et dont nous avions donné des détails chiffrés et documentés dans nos publications, exploitées d’ailleurs par d’autres auteurs congolais qui ont écrit sur ce sujet.

C’est d’ailleurs grâce à la résistance de ces milliers de militaires FARDC que la RDC résiste jusqu’à présent, bon an mal an, aux tentatives d’occupation et aux subtils jeux de diversion que jouent Joseph Kabila et ses alliés de la région. D’où notre appel renouvelé de soutien aux patriotes militaires congolais qui sont au front pour défendre l’intégrité territoriale du Congo, malgré les trahisons de sa plus haute hiérarchie militaire. Sans les actions de ces militaires patriotes congolais, qui déjouent au quotidien les stratagèmes des ennemis du Congo, ce pays serait en réalité dans un état effectif d’occupation comme en France en 1940 ou dans les Territoires occupés en Palestine. D’ailleurs, le fait que ces soi-disant « occupants » créent des rébellions dans un pays qu’ils sont censés occuper, montre que la RDC n’est en rien sous occupation. Un occupant ne crée pas une rébellion pour combattre sa propre armée d’occupation. C’est absurde et illogique !

Ainsi, après avoir éliminé au front plusieurs militaires et officiers de valeur congolais, les récentes attaques ciblaient principalement :

  • Le général-major Jonas Padiri Muhizi est parmi plusieurs officiers « Banyamulenge », comme le général Masunzu, qui ont d’abord combattu farouchement le CNDP de Laurent Nkunda Batware[12], il a ensuite était à la première ligne pour combattre le M23. Ici aussi je tiens à ôter certaines idées-reçues développées par des analyses simplistes et manichéennes qui font des amalgames sur la question des Tutsi en les mettant tous dans le même sac, sans discernement des conflits intraethniques qui les oppose.
  • Le général-major Marcel Mbangu qui s’est fait beaucoup de jaloux dans la hiérarchie des FARDC depuis qu’il a conquis quelques campements importants supposés être des fiefs des présumés ADF. Le général Mbangu est également parvenu à conquérir le cœur des habitants de Beni, en étant un officier toujours disponible à la population, contrairement à son prédécesseur le général Muhindo Akili Mundos, muté à la tête de la 33ème Région militaire au Sud-Kivu.
  • Les officiers de l’état-major Sukola 1, triés sur le volet par le général Mbangu, réputés pour leur implication à éradiquer l’insécurité qui règne à Beni et environs.

Il y a lieu de noter que lorsque le général Marcel Mbangu a été nommé commandant des opérations Sokola 1 en juin 2015, en remplacement du général Mundos, il n’a trouvé aucun matériel de transmissions à sa prise de commandement. Ses unités se sont trouvées en insuffisances de munitions, de carburants et de matériels radio (transmissions), tous emportés par le général Mundos, mécontent de son éviction de son poste de Commandant des opérations Sokola 1[13]. De plus, à sa prise de fonction, le général Mbangu a trouvé des unités (régiments, brigades, bataillons) déployées sur le terrain qui n’étaient que de nom. Leurs effectifs étaient fantaisistes douteux. Certains régiments, issus de la rébellion du CNDP évoluaient sous commandement parallèle.

Pour rappel, le 18 octobre 2017, le convoi du général Mbangu a subi une embuscade sur la route Mbau-Kamango au point kilomètre 16 (PK 16). Le général Marcel Mbangu en était sorti indemne après des échanges des tirs d’environ 30 minutes avec les assaillants. Un militaire de l’Unité de réaction rapide a été tué et « quelques blessés »[14]. S’il survit actuellement, c’est parce que ce général, ancien gendarme katangais, est entouré d’un dispositif sécuritaire composé essentiellement de ses anciens subalternes gendarmes katangais qui lui restent loyaux et parviennent à déjouer ou à repousser certaines attaques planifiées contre Mbangu dont la bravoure militaire devient de plus en plus gênante. Nos sources sont quasi unanimes et pointent l’ombre du général Mundos, qui a maintenu ses troupes intactes dans la région de Beni, derrière ces actes de sabotage, malgré sa mutation au Sud-Kivu. Mais pour combien de temps ?

Les assaillants voulaient décapiter l’état-major des Opérations Sokola 1, pilier stratégique du dispositif stratégique de ces opérations. Ils voulaient également emporter les armes, les munitions et les matériels de communication pour créer une situation qui pouvant inciter une mutinerie entre certaines unités de l’armée à Beni et ainsi créer un chaos dans la région.

Ces attaques se sont déroulées alors que le Chef d’état-major général des FARDC, le lieutenant-général Célestin Mbala et son adjoint en charge des opérations et renseignements, le Général Gabriel Amisi Tango Four, étaient en mission à Beni depuis 10 jours et n’ont quitté la région que vendredi 5 octobre 2018 dans la matinée pour Goma.

La fausse piste islamiste pour attirer la sympathie géostratégique des américains

On constate curieusement que la dernière attaque du 4 octobre s’est déroulée pendant qu’une délégation du Conseil de sécurité des Nations Unies séjourne en RDC. Depuis un certain temps, Kabila veut faire croire que les massacres de Beni sont perpétrés par des combattants combattants islamistes érythréens, somaliens ou soudanais pour faire créditer sa fausse thèse de la menace islamiste en vue séduire diplomatiquement l’administration Trump.

Depuis décembre 2016, Kabila a engagé la firme paraétatique israélienne Mer Security and Communications Systems pour faire un lobbying politico-diplomatique aux Etats-Unis. Actuellement, Mer Security and Communications Systems sous-traite avec le puissant groupe de lobby américain Sonoran Policy Group (SPG) pour mener ce plaidoyer à Washington. SPG se décrit comme une entreprise de « diplomatie globale privée », plaidant pour la RDC à Washington en tant que sous-traitant de Mer Security and Communications Systems. Selon Robert Stryk, fondateur du SPG, il entend aider le gouvernement congolais à coordonner les efforts de lutte contre le terrorisme avec Washington et demander à l’administration du président Donald Trump d’ouvrir une base opérationnelle antiterroriste avancée à l’Est de la RDC[15]. Derrière cette stratégie, il cherche à obtenir le soutien diplomatique, avec incidence politique, des Américains pour le soutenir à mener une guerre contre cette menace universelle. De la sorte, il pourra s’imposer auprès des Américains comme étant le seul interlocuteur politique valable pour traiter de cette question, vu la méconnaissance de ses opposants de ce sujet. Ce qui aurait pour impact d’assouplir la position américaine contre le maintien au pouvoir de Kabila au-delà du 23 décembre 2018[16].

Conclusion

La série de massacres qui endeuille le territoire de Beni fait partie d’une stratégie mise en place par le régime de Kabila pour répondre à certains objectifs politiques et géopolitiques qui ont milité à son accession au pouvoir et qui visent à plaider pour son maintien au pouvoir. Dans cette « stratégie du désordre planifié et ordonné », la neutralisation des militaires engagés dans la défense du Congo et la protection des Congolais, reste un mode opératoire récurrent pour mettre un jour la RDC définitivement à genoux. Et le général Marcel Mbangu devient la cible de ces faux « ADF ». Il risque de subir le triste sort qui a été réservé au colonel Mamadou Ndala et au général Luicien Bahuma, si rien n’est fait pour arrêter ce plan macabre.

Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC

Références

[1] Jean-Jacques Wondo, Dossier Spécial DESC – RD Congo : Beni, ville martyre de l’affrontement Kabila – Mbusa Nyamwisi, DESC, 13 novembre 2014. http://afridesk.org/dossier-special-desc-rd-congo-beni-ville-martyre-de-laffrontement-kabila-mbusa-nyamwisi/.

[2] Boniface Musavuli, Les Massacres de Beni, Kabila le Rwanda et les faux islamistes, Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, 2015, p.99.

[3] Boniface Musavuli, ibid., p.99.

[4] Boniface Musavuli, Les génocides des Congolais. De Léopold II à Paul Kagame, Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, 2016, p.159.

[5] Boniface Musavuli, op. cit., p.111.

[6] Boniface Musavuli, op. cit., p.165.

[7] Dans notre ouvrage Les Armées au Congo-Kinshasa, 2è Ed, 2013, p.375, je définis la tactique militaire, en tant que dérivée de la stratégie militaire comme étant l’art de mettre en œuvre, de combiner et d’articuler, dans le cadre de l’action directe, tous les moyens au combat, dans un terrain d’opération bien délimité, en vue de la victoire dans la bataille ; c’est-à-dire atteindre les objectifs assignés par la stratégie opérationnelle. C’est au niveau tactique que les batailles sont planifiées (Les ‘Ordres d’Opérations’ sont données), les forces engagées au combat sur le terrain et que s’exécutent les manœuvres sur le terrain en fonction des ordres donnés par la hiérarchie, au niveau opératique.

[8] L’Opératique (Définition in JJ Wondo, Les Armées au Congo-Kinshasa, 2è Ed, 2013, p.375.) : concept utilisé dans le vocabulaire militaire français et des ex-colonies françaises en Afrique. Peut-être défini comme « l’art de coordonner à l’échelon d’un théâtre les actions de forces de nature différente. Il correspond au niveau opératif » (= dérivé de l’anglais : ‘operational’, ce qui provoque souvent des amalgames et des erreurs de traduction). Si le niveau stratégique relève généralement de la politique et fait intervenir, comme nous l’avons vu, différents domaines d’activité d’un Etat (politique, économique, environnemental, psychologiques, culturels, …), le niveau opératif reste, quant à lui, du domaine ‘exclusivement militaire’ car directement lié au théâtre d’opération (militaire). Ce niveau est indispensable pour la conception, la planification, l’organisation du commandement, l’organisation du théâtre des opérations, la définition des mesures de coordination et des règles d’engagement, la conduite générale des opérations, l’articulation des forces et leur coordination sur le terrain, au regard du principe de l’unité de commandement. L‘art opératif se trouve à la jonction entre la sphère stratégique et celle des opérations, et constitue l’interface indispensable entre la stratégie militaire et la réalisation de celle-ci au travers de l’ensemble des actions tactiques. Il permet le passage d’une conception abstraite et conceptuelle de la guerre, la stratégie, à la réalisation concrète et matérielle de celle-ci par le moyen de l’emploi de la force, et donc de la tactique. L’art opératif doit donner sens à la tactique, et faire prendre corps à la stratégie. (http://www.laplumelesabre.com/2009/05/12/de-la-grande-strategie-a-la-tactique-l-articulation-des-niveaux-de-l-art-de-la-guerre/).

[9] Le niveau stratégique militaire est le niveau de direction des opérations militaires, de déploiement et d’emploi des forces dans un cadre politique fixé.

[10] http://afridesk.org/fr/les-operations-militaires-sokola-1-et-2-aux-kivu-et-les-enjeux-geopolitiques-latents-jj-wondo/.

[11] En effet, c’est dans ces seuls cadres conceptuels juridiques et géostratégiques très stricts que l’on peut déterminer la situation d’occupation d’un état, au-delà de l’emploi émotionnel qu’on attribue erratiquement à la RDC par ignorance.

[12] En effet, c’est dans ces seuls cadres conceptuels juridiques et géostratégiques très stricts que l’on peut déterminer la situation d’occupation d’un état, au-delà de l’emploi émotionnel qu’on attribue erratiquement à la RDC par ignorance.

[13] JJ Wondo, Les opérations militaires Sokola 1 et 2 aux Kivu et les enjeux géopolitiques sous-jacents. DESC, 16 juin 2016. http://afridesk.org/fr/les-operations-militaires-sokola-1-et-2-aux-kivu-et-les-enjeux-geopolitiques-latents-jj-wondo/.

[14]  https://www.radiookapi.net/2017/10/18/actualite/securite/beni-le-convoi-du-general-marcel-mbangu-commandant-des-operations.

[15] https://i0.wp.com/afridesk.org/wp-content/uploads/2018/05/SONORAN-Group-SPG.png.

[16] http://afridesk.org/en/joseph-kabila-continues-to-over-equip-his-regime-militarily-for-the-upcoming-political-deadlines-jj-wondo/.

4

4 Comments on “Les tueries à Beni : Le général Marcel Mbangu connaîtra-t-il le même sort que Mamadou Ndala et Lucien Bahuma ?”

  • Paul Mwilambwe

    says:

    Ce connu que le chef des ADF est bel et bien Joseph Kabila, et celui qui est à la base de mort,assassinats des généraux, Bahuma,Mbuja Mabe, Agolowa, Mamadou,Colonel Chuma, pcq ses généraux ont découvert les jeux que joue Kabila

  • Makutu Lidjo

    says:

    Malheureusement Kabila et sa clique ont encore la capacité de nuire gravement à la quiétude de la population de ce coin de la république.

    • Tite

      says:

      Hier c’était KABILA aujourd’hui Félix Tshisekedi Tshilombo égalité oblige✌️

  • Kalere

    says:

    Kabila will die one day

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