Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DROIT & JUSTICE | 06-05-2016 00:10
3923 | 3

L’article 70 de la Constitution de la RDC : les défis qui attendent la cour constitutionnelle – JB Kongolo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Article 70 de la constitution : les défis qui attendent la cour constitutionnelle

Par Jean-Bosco Kongolo

Le débat politique qui dure depuis quelques années sur la question de savoir si le Président Joseph Kabila quittera ou ne quittera pas le pouvoir au bout de son deuxième mandat, qui expire le 19 décembre 2016, s’est transposé à la Cour constitutionnelle, saisie par plus de la moitié des députés nationaux pour qu’elle se prononce principalement sur l’interprétation correcte à donner à l’article 70 de la loi fondamentale. Cet article dispose que : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu. »

Apparemment, c’est la deuxième partie de ce texte qui pose problème et pour laquelle la Haute Cour doit fixer l’opinion. Nous ne reviendrons pas sur notre interprétation ou sur celle d’autres compatriotes (juristes ou politiciens) de cette disposition, notre démarche tend plutôt à relever et à expliquer, selon le contexte congolais, les défis qui attendent les membres de la Cour constitutionnelle, pris individuellement et collectivement, dans leur délicate mission de dire le droit sont de deux ordres : ordre judiciaire et ordre psychologique et éthique.

RDC_Cour Constitutionnelle

1. Défis d’ordre judiciaire

S’il ne s’agissait que du défi d’ordre judiciaire, la tâche des membres de la Cour aurait été facilitée par la présence parmi eux des magistrats de carrière, suffisamment outillés pour éclairer leurs collègues sur des questions de procédure. Parmi ces magistrats de carrière se trouve entre autres le Premier Président lui-même, retraité de la Cour suprême de justice au grade de Premier Président. L’expérience de ces magistrats de carrière est un atout considérable pour l’examen, par la Cour, de toutes les questions relatives à sa propre compétence ainsi qu’à sa saisine, c’est-à-dire à la qualité de ceux qui ont constitutionnellement le droit de solliciter son arbitrage. Ces deux questions trouvent leur réponse à l’alinéa premier de l’article 161 qui dispose « La Cour constitutionnelle connaît des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des Chambres parlementaires, des Gouverneurs de province et des Présidents des Assemblées provinciales. »

Il ressort de cette disposition que non seulement la Cour est compétente pour connaître de l’interprétation de la Constitution mais que sa saisine par les députés de la MP est régulière dans la mesure où la requête a été introduite par plus d’un dixième des membres de l’Assemblée nationale. Il ne reste plus donc à la Cour que de se prononcer sur le fond afin de fixer l’opinion. Sur ce sujet, la Cour peut également compter sur l’expertise scientifique de deux de ses membres, constitutionnalistes et professeurs à la faculté de Droit de l’Université de Kinshasa. Il s’agit du Professeur Vundwawe dont nous sommes fier d’avoir été son étudiant (1982-1983) et du Professeur Esambo, notre ancien collègue dans la magistrature. Est-ce par refus de cautionner la bêtise ou par simple concours de circonstances que ces deux membres de la Cour n’avaient pas fait partie de la composition qui a statué sur la requête de la CENI et dont l’arrêt de la honte a servi de prétexte au Gouvernement pour nommer les Commissaires spéciaux des provinces démembrées et à la CENI d’organiser les élections inconstitutionnelles des gouverneurs et vice-gouverneurs, en recourant à un corps électoral dépourvu d’aucun mandat dans ces mêmes provinces? Pour l’examen de la présente requête, la nation tout entière attend voir si nos éminents hommes de science trouveront un autre prétexte pour ne pas participer à la parodie de justice ou carrément ils prendront leur courage en mains pour réaffirmer, lors du délibéré, ce qu’ils enseignent à la jeunesse dont ils ont la charge de bien former pour la relève.

Il est important de signaler qu’en 2001, M. Lwamba Bindu, actuel Premier Président de la Cour constitutionnelle, alors Premier Président de la Cour suprême de Justice, prit la décision d’interdire le Conseiller(juge) Pascal Katomanga de l’exercice de ses fonctions pour avoir refusé de faire partie de la composition qui donna un semblant de légalité à l’ordonnance de révocation des 315 magistrats. Au Parquet général de la République, le même sort fut infligé par M. Luhonge Kabinda, actuel Vice-président de l’Assemblée nationale, alors Procureur général de la République, à l’avocat général de la République, Nawej Katok qui, dans le même dossier, eut le courage d’écrire au Président Laurent-Désiré Kabila pour relever l’inconstitutionnalité et l’illégalité du décret de révocation des mêmes magistrats.[1] Les réalités du Congo étant donc ce qu’elles sont, il nous a paru utile d’exposer les défis les plus redoutables auxquels font généralement face les magistrats congolais et, dans le cas d’espèce, ceux qui attendent les membres de la Cour Constitutionnelle. Ces défis, que l’opinion est loin d’imaginer, sont d’ordre psychologique et éthique.

2. Défis d’ordre psychologique et éthique

Tout congolais bien instruit trouverait, comme nous avons eu à le dire, que l’interprétation de l’article 70 de la Constitution ne prête à aucune confusion[2]. L’opinion devra cependant savoir qu’il n’est pas facile d’être juge en Afrique en général et au Congo-Kinshasa en particulier. Par expérience, il est important pour l’opinion de savoir qu’en ce moment, il n’est pas souhaitable pour les membres de la Cour d’avoir à examiner une requête de nature politique malgré ses apparences faciles.

Nous n’oublierons jamais qu’avec certains collègues encore en fonction, nous avions eu à braver, sous la Deuxième République, des pressions politiques émanant d’un Ministre de la Justice, passant par notre chef de juridiction, pour nous obliger à nous rendre en son cabinet pour aller lui faire un briefing de notre projet de jugement avant son prononcé[3]. Pour avoir légalement refusé d’obtempérer, nous avions eu droit à des mutations lointaines couvertes par un arrêté général d’organisation judiciaire qu’heureusement le Président Mobutu avait annulé par ordonnance.

Quelques mois plus tard, un ami travaillant dans les services de sécurité nous informa que notre jugement, acquittant un journaliste et condamnant un Président du Parlement pour procès téméraire et vexatoire, avait atterri dans leur bureau avec instructions de le lire attentivement et d’en trouver des failles pouvant justifier des mesures de représailles à notre charge. Heureusement pour nous, cela n’arriva pas car non seulement le jugement avait été  correctement et solidement motivé, mais qu’en plus, l’AZADHO, qui en était à ses débuts, avait pris soins de nous protéger en reprenant les faits et en citant nos noms dans son rapport annuel de 1993 adressé à la Commission internationale des Droits de l’Homme à Genève. Sans qu’il soit besoin de les citer, tous les acteurs de cet épisode de notre carrière sont encore vivants et se reconnaissent dans ce que nous affirmons.

Durant la même période, la Cour suprême de justice avait courageusement rendu deux célèbres arrêts annulant deux ordonnances présidentielles, respectivement pour excès de pouvoir et pour défaut de notification des faits. La première ordonnance concernait la dissolution de l’Association sans but lucratif dénommée « Témoins des Jéhovah » tandis que la seconde concernait la révocation des fonctionnaires sans aucune action disciplinaire préalable et sans notification pouvant leur permettre de présenter leurs justifications et leurs moyens de défense.[4] Depuis l’avènement de l’AFDL et de la Troisième République, rencontrer pareille jurisprudence relève du domaine des rêves, le degré de compromission des magistrats, surtout les chefs, ayant atteint des sommets qui inhibent leur conscience et leur dignité. Ne dit-on pas que le poisson commence à pourrir par la tête?

Les défis psychologiques et éthiques qui concernent les membres de la Cour constitutionnelle ne peuvent être mieux compris que parallèlement aux conditions de leur nomination[5] et en lien avec les manœuvres de la Majorité Présidentielle(MP) d’accorder, coûte que coûte, une prolongation (glissement) de mandat à son autorité morale.

La Cour constitutionnelle a-t-elle été piégée dès sa mise sur pied?

L’opinion publique retiendra que sept ans s’étaient écoulés depuis la promulgation de la Constitution de la Troisième République sans qu’un moindre signal en provenance de la Présidence de la République indique que la Cour constitutionnelle allait être mise en place. Le premier signal n’est arrivé que le 15 octobre 2013, lorsque le Chef de l’État avait promulgué la loi organique portant organisation et fonctionnement de cette Cour.

La nomination des neuf membres de la Cour n’est intervenue, quant à elle, que le 7 juillet 2014, déjà en plein débat entre les pros et les anti-révisions de la Constitution, débat ouvert par la publication du livre intitulé «  Entre la révision de la Constitution et l’inanition de la Nation », suivie des tentatives avortées des pétitions ayant le même objectif. Il est dit à l’alinéa 1er de l’article 158 de la Constitution  que « La Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le Président de la République dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature»

La transparence n’étant pas encore intégrée parmi les valeurs démocratiques au Congo-Kinshasa, il est difficile de savoir dans quelles circonstances les six membres devant provenir du Congrès et du Conseil supérieur de la magistrature ont été réellement désignés, le Parlement étant dominé par la famille politique du Chef de l’État tandis que le Pouvoir judiciaire lui est complètement inféodé.

En prenant le risque de saisir la Haute Cour, après avoir maintes fois tenté de modifier la Constitution pour notamment obtenir l’abrogation de l’article 220 qui limite le nombre et la durée du mandat présidentiel, les députés membres de la MP ont certainement et parallèlement obtenu des garanties suffisantes d’avoir gain de cause. En effet, nous avons appris en Criminologie qu’avant de poser son acte, tout criminel met sur la balance ses chances de réussir et ses risques d’échouer. La décision de passer à l’acte n’est prise qu’après s’être rassuré qu’il ne peut pas être pris la main dans le sac. C’est ce que Maurice Cusson,  Professeur de Criminologie à l’Université de Montréal, range dans la théorie du choix rationnel : « La théorie du choix rationnel pose que le délinquant, sa victime et les acteurs du contrôle social, sont raisonnables : capables de peser le pour et le contre, d’estimer les coûts et les gains, de choisir le moyen qui représente les chances raisonnables d’atteindre le but visé. »[6]

C’est dans ces circonstances qu’individuellement et collectivement les membres de la Cour se souviennent des circonstances de leur nomination et se trouvent entre le marteau et l’enclume : d’un côté ils subissent les pressions de leurs parrains politiques qui, à leur tour, n’entendent pas décevoir l’autorité morale (défi moral et psychologique) et, de l’autre, côté ils doivent répondre de leur conscience et défendre leur intégrité personnelle et celle de leur institution (défi éthique). Pris en sandwiche entre les pressions du peuple, dont la réaction est imprévisible en cas de parodie de justice, et celle du pouvoir qui leur garantit la poursuite de leur carrière ainsi que les autres récompenses (financières et matérielles), les membres de la Cour constitutionnelle traversent une période de stress indescriptible mais non insurmontable.

Dans pareils cas et comme d’ailleurs à tous les niveaux de juridiction, chacun s’est déjà fait une idée (conviction) personnelle de la décision mais le degré de méfiance et de suspicion est tel qu’il faut se garder de l’exprimer devant n’importe quel collègue étant donné que certains magistrats sont en même temps des informateurs/collaborateurs du pouvoir. Tous attendent d’abord ce que sera la position du Parquet général près la CC comme point de départ des discussions lors du délibéré, à l’issu duquel la voix du Premier Président sera prépondérante en cas de discordance. Que faire alors face à toutes ces pressions venant de toutes parts?

Dans un pays où la justice fonctionne suivant les règles démocratiques et où la population fait confiance dans son système judiciaire, très peu de citoyens se poseraient pareille question. Au regard des textes de lois ci-après mis à la disposition du pouvoir judiciaire, cette question ne devrait pas non plus se poser au Congo-Kinshasa.

Article 149(al. 1, 2 et 3) de la Constitution :

« Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.

Il est dévolu aux Cours et Tribunaux qui sont: la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d’État, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux civils et militaires ainsi que les parquets rattachés à ces juridictions

La justice est rendue sur l’ensemble du territoire national au nom du peuple. »

Article 150 (al.2) :

« Les juges ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi. Une loi organique fixe le statut des magistrats. »

Loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats

Extrait de l’exposé des motifs :

« Le statut actuel des magistrats fixé par l’Ordonnance-loi n° 88/056 du 29 septembre 1988 ne cadre plus avec l’esprit et l’ordre constitutionnels nouveaux qui proclament l’indépendance du Pouvoir judiciaire vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif.  Conformément à l’article 150 de la Constitution, il s’est avéré indispensable d’élaborer un nouveau texte de loi organique aux fins de rencontrer le vœu du constituant. Cette indépendance édictée dans toutes les Constitutions que notre pays a connues jusqu’à ce jour, mais jamais suivi d’effets, doit, en cette période où la bonne gouvernance constitue le soubassement de toute action étatique, être comprise dans toutes ses implications conséquentes et traduite effectivement dans les actes.  

Telle est la substance de la loi. Dans cet ordre d’idées, il devient impératif que le Pouvoir judiciaire, à la faveur du processus de démocratisation en cours, puisse réellement sortir du carcan dans lequel il a été confiné pour retrouver ses lettres de noblesse. Ainsi, ses animateurs, que sont les magistrats, pourront accomplir en toute indépendance, en toute conscience et en toute dignité, leur noble mission de rendre une bonne justice sans laquelle il n’y a pas de véritable paix civile dans la société, facteur indispensable à la stabilité politique ainsi qu’au développement économique et social. »

Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature

 Extrait de l’exposé des motifs :

« La Constitution du 18 février 2006 dispose que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Cette proclamation constitue une garantie de la séparation des pouvoirs, principe fondamental dans une société démocratique.

Cette indépendance est assortie des mécanismes constitutionnels qui servent de contrepoids à l’exercice de chaque pouvoir et sa mise en œuvre est assurée par le

Conseil supérieur de la magistrature. » 

Article 3 :

« Le pouvoir judiciaire est dévolu aux Cours et Tribunaux civils et militaires ainsi qu’aux Parquets près ces juridictions.

Il est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.

Dans l’exercice de sa mission de dire le droit, le juge n’est soumis qu’à l’autorité de la Loi. »

Avec un arsenal juridique aussi précieux et sécuritaire que le nôtre, il y a lieu de s’étonner que le Pouvoir judiciaire continue de se laisser instrumentaliser par des individus, animateurs ou membres d’autres institutions de la République et même par des agents de l’Agence national de renseignements(ANR). La seule explication qui vaille la peine d’être donnée c’est que les magistrats congolais se sont tellement compromis, aussi bien dans leur nomination que dans leur promotion, qu’au lieu de n’obéir qu’à l’autorité de la loi et de ne rendre la justice qu’au nom du peuple, ils obéissent aux individus qui les parrainent et à l’autorité qui a les nommés. Et pourtant, ils suivent ce qui se passe ailleurs où, malgré leur nomination par l’exécutif, les magistrats d’autres pays servent effectivement de contrepoids à l’exercice de chaque pouvoir.

Tel a été le cas au Sénégal où, en dépit de sa volonté du Président Macky Sall de faire la différence avec des Chefs d’État qui glissent sur la ligne rouge de leur Constitution pour s’éterniser au pouvoir, il a été débouté par le Conseil Constitutionnel, l’équivalent de notre Cour constitutionnelle. « Ce sera finalement 7 ans au lieu de 5 ans promis. Le Conseil constitutionnel a finalement décidé d’aller à contre-courant de l’engagement du président Macky Sall de faire un mandat de 5 ans. Selon nos informations, les 5 sages qui ont été saisis par le Chef de l’État optent pour le respect de la Constitution, donc en faveur du maintien du septennat pour le mandat en cours. Il faut rappeler que le président Macky Sall, récemment, a annoncé le référendum constitutionnel pour cette année 2016, et l’élection présidentielle pour 2017. Le même Macky Sall a déclaré, dans la presse de ce matin, qu’il suivra l’avis donné par le Conseil constitutionnel. Lequel opte pour un mandat de sept ans. »[7]

En Afrique du Sud, le Président Jacob Zuma n’est plus sûr de pouvoir terminer son mandat en cours à cause de ses démêlées avec la justice de son pays qui lui reproche à la fois des faits datant d’avant son accession au pouvoir et ceux qu’il aurait commis dans l’exercice de son mandat présidentiel. « C’est un verdict accablant qu’a lu ce vendredi matin le président de la Cour constitutionnelle, le juge Mogoeng Mogoeng. La justice a ordonné au Chef de l’État de rembourser un pourcentage « raisonnable » des coûts de rénovation de sa propriété de Nkandla. Mais surtout le juge a estimé qu’en refusant d’obtempérer aux ordres de la médiatrice de la République et de rembourser, le Chef de l’État a « failli  à ses devoirs de défendre et de faire respecter la Constitution. En d’autres termes, il enfreint la Constitution ».[8]

« Décidément les temps sont durs pour Jacob Zuma. La Haute Cour de Pretoria a estimé, vendredi 29 avril, que la « décision d’abandonner les charges contre Jacob Zuma est irrationnelle et doit être revue », selon les termes du juge Aubrey Ledwaba. Jacob Zuma devrait être poursuivi pour ces charges, a poursuivi le magistrat.

En décembre 2007, alors qu’il était chef du parti au pouvoir, le Congrès national africain(ANC), Jacob Zuma avait été inculpé de 783 charges de corruption, fraude fiscale et racket pour la signature d’un contrat d’armement de 4,8 milliards de dollars conclu en 1999. Les accusations avaient été finalement retirées, en 2009, pour vice de forme, quelques semaines seulement avant l’élection de Jacob Zuma à la présidence de l’Afrique du Sud. »[9]

Conclusion

L’heure de vérité a sonné pour les juges de la Cour Constitutionnelle de redonner à la justice congolaise ses lettres de noblesse, d’épargner à la nation une crise politique supplémentaire et inutile, d’arracher une fois pour toutes l’indépendance de la magistrature et d’entrer dans l’histoire du pays par la grande porte en démontrant que le Pouvoir judiciaire est une institution à part entière(Art. 68 de la Constitution).

Contrairement à une cour pénale dont les juges ont le plus souvent des difficultés à réunir des preuves de culpabilité ou de non culpabilité d’un présumé criminel, il s’agit pour la Cour constitutionnelle de ne pas s’écarter du contenu de la Constitution et de ne s’en tenir qu’à sa compétence et à ce qui lui est demandé (art. 161) pour dire :

-si oui ou non, le mandat présidentiel de Joseph Kabila expire le 19 décembre 2016(art. 70 al. 1er);

-si oui ou non, il a prêté serment « d’observer et de défendre la Constitution » (article 74) ;

-si oui ou non, cette Constitution organise l’alternance au pouvoir par des élections à délais fixes et impératifs (art. 220) et que, par conséquent, aucune des institutions concernées (Présidence de la République, Parlement, Gouvernement, CENI) ne peut y déroger, pas même la Cour constitutionnelle. Même s’ils statuent en premier et dernier ressort, les juges de la Haute Cour doivent en tout temps avoir à l’esprit que la décision que la nation attend d’eux est rendue au nom du peuple (article 150, al.2 de la Constitution) et que ce peuple a constitutionnellement « le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution. »(Article 64), pas plus qu’il ne peut être accepté de prolonger l’exercice de ce pouvoir par un quelconque dialogue (art. 168).[10]

Comme nous l’avons rappelé ci-dessus, les exemples existent, aussi bien dans la jurisprudence nationale qu’africaine, qui montrent qu’avec un peu de dignité, de patriotisme et d’éthique, les juges sont capables de résilience pour dire la loi et rien que la loi. C’est cela leur mission. Agir autrement, c’est faire de la politique.

 

Jean-Bosco Kongolo M.

Juriste et Criminologue

Exclusivité DESC

 Références

[1]Kilenda Kakengi Basila, J.P., 2004, L’affaire des 315 magistrats de Kinshasa, Une purge néo mobutiste, L’Harmattan, 2004, pp. 95- 102.

[2]Kongolo, J.B., 2015. Passation de pouvoir en RDC : L’article 70 de la Constitution ne prête à aucune confusion, desc-g/fr/passation-de-pouvoir-en-rdc-larticle-70-de-la-constitution-ne-prete-a-aucune-confusion-jb-kongolo/.

[3]Kongolo, J.B., 2015. Apport négatif de la justice congolaise à l’état de droit. In http://afridesk.org/fr/rdc-apport-negatif-de-la-justice-congolaise-a-letat-de-droit-jean-bosco-kongolo/.

[4] Kifwabala Tekilazaya, D. Fataki Wa Luhindi et M. Wetsh’okonda Koso, 2013. République démocratique du Congo : Le secteur de la justice et l’État de droit, Un État pointillé. Essai d’évaluation des efforts en vue de l’instauration de l’État de droit et perspectives d’avenir, Une étude d’AfriMAP et de l’Open Society of Souhthern Africa, Juillet 2013, pp.41-42).

[5] Kongolo, J.B., 2015. Pouvoir judiciaire de la RDC : avec quels hommes et quels femmes : L’une des plus grandes faiblesses des magistrats congolais consiste à troquer leur indépendance contre des nominations et promotions fantaisistes, à tous les niveaux, ne répondant à aucun critère objectif et légal, toutes ou presque étant fondées plus sur le clientélisme que sur les propositions du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM). En effet, le jour où la parole libre sera accordée aux syndicats des magistrats de faire un déballage, l’opinion publique sera scandalisée par la légèreté avec laquelle le Conseil Supérieur de la Magistrature est abusivement utilisé pour violer systématiquement les règles de nomination et de promotion et de mise en place des magistrats. D’anciens collègues siégeant au CSM contactés et qui nous ont fait parvenir des résolutions de leur Assemblée, ont été sincères pour nous avouer qu’en plénière, on ne traite pas de ces dossiers. In http://afridesk.org/fr/pouvoir-judiciaire-de-la-rdc-jb-kongolo/.

[6] Cusson, Maurice : Théorie du choix rationnel, Dictionnaire de criminologie en ligne, In http://www.criminologie.com/categorie/articles-mots-cl%C3%A9s/th%C3%A9theorie-du-choix-rationnel.

[7] Seneweb.com, In http://www.seneweb.com/news/Politique/le-conseil-constitutionnel-laquo-nbsp-de_n_174470.html.

[8] RFI, 31/03/2016, In  http://www.rfi.fr/afrique/20160331-scandale-nkandla-justice-ordonne-jacob-zuma-rembourser.

[9] http://www.dakaractu.com/Afrique-du-Sud-la-justice-estime-que-Jacob-Zuma-devrait-etre-poursuivi-pour-corruption_a109980.html

[10] Article 168 : « Tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de plein droit. » 

3

3 Comments on “L’article 70 de la Constitution de la RDC : les défis qui attendent la cour constitutionnelle – JB Kongolo”

  • Kandolo Joël

    says:

    Encore et toujours nous apprenons toujours un plus avec le magistrat Kongolo. Un privilège de vous avoir chez desc.
    Comme vous le dites c’est le moment ou jamais pour ces éminents juges de montrer à la face du monde leur intégrité et inscrire peut être leur noms dans les livres d’histoires autrement ils seront redevables de tout ce qui découlera de la forfaiture qu’ils auront cautionné

  • Zeph Zabo

    says:

    L’Opposition congolaise, en introdusant (de manière très limitée) et puis retirant sa propre reqûete, a lamentablement manqué d’imagination et de lucidité. Elle aurait pu et dû tenter de faire retourner cette procédure contre ses députés initateurs et contre le Président de la République, pour haute trahison. Je dis bien : tenter. La Cour constitutionnelle aurait davantage été mis devant ses responsabilités, face au peuple, à la Nation, à tous les partenaires internationaux de la RDC. A défaut de cela, eh bien l’Opposition congolaise a donné et laissé libre cours au ministère publci et aux juges de cette Cour instrumentalisée pour faire ce qu’ils vont faire, et ce sans débat contradictoire sur le fond. C,est lmentable! C’est mon humble point de vue. Pour vous en rendre compte, lire notamment mon article (le liien ci-après) sur cette saisine de la Cour constitution, en intrapr.étation des articles concernés de la Constitution. http://afrique.kongotimes.info/rdc/rdc_elections/10488-rdc-requete-interpretation-trois-articles-constitution-relatifs-notamment-fin-mandat-president-republique-couteau-double-tranchant-susceptible-retourner-contre-kabila-pour-haute-trahison.html

  • Makutu Lidjo

    says:

    J’avais réagi sur cet article mais apparemment mon avis n’était pas intéressant. Soit ! Je ne sais si j’ai heurté quelqu’un mais c’était mon point de vue qui n’engage que moi.
    Savez vous que l’interprétation de l’article 70 que certains sites avaient dévoilé l’interprétation qu’en aurait fait la cour constitutionnelle s’avère exacte aujourd’hui 11 mai 2016.
    Bonne soirée.

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

DROIT & JUSTICE | 23 Sep 2025 10:13:40| 191 0
13 septembre : une journée sombre pour la justice congolaise
Il y a exactement un an jour pour jour, le tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Ndolo me condamnait à mort,… Lire la suite
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DROIT & JUSTICE | 23 Sep 2025 10:13:40| 165 0
RDC : Jean-Jacques Wondo dépose plainte en Belgique pour menace de mort
Il y a dix jours, un journaliste congolais critique du régime Tshisekedi a été violemment agressé à Tirlemont. “Les menaces… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DROIT & JUSTICE | 23 Sep 2025 10:13:40| 215 0
RDC: Jean-Jacques Wondo témoigne de ses conditions de détention devant le Parlement européen
L’expert belgo-congolais en questions sécuritaires, Jean-Jacques Wondo, a dénoncé les conditions de sa détention en RDC, qu’il qualifie d’inhumaines, devant… Lire la suite
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu