John Numbi et Joseph Kabila : le désamour après la lune de miel ?
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Lubakat de Malemba-Nkulu dans le Haut-Lomami au nord du Katanga, où sévit actuellement la milice Maï-Maï Bakata Katanga, l’ex- « bras armé », l’homme de confiance et des missions délicates[1] du président Joseph Kabila, le général Numbi, malgré sa suspension à la suite de l’Affaire Chebeya-Bazana, reste l’un des militaires les plus puissants du pays. Et l’homme est décrit très ambitieux par les chancelleries occidentales[2]. Mais depuis sa suspension en 2010, les relations de Numbi avec Kabila ne semblent plus être au beau fixe.
Numbi est le parrain de la première génération des éléments de la Garde républicaine
Le général Numbi a joué un très grand rôle dans la création de la Garde républicaine (GR), chargée de la protection présidentielle, alors GSSP sous Laurent-Désiré Kabila. L’actuel noyau des (jeunes) officiers qui composent le fer de lance de la GR sont tous pour la plupart des anciens du défunt Service National, dirigé à l’époque par le général Denis Kalume Numbi (Kusu du Maniema, ERM). A la demande de LD Kabila, le Général John Numbi est allé en 1999 réquisitionner et recruter 3000 jeunes désœuvrés envoyés au centre de Service National de Kanyama Kasese (Katanga) où ils suivaient notamment « une formation paramilitaire et d’autodéfense » pour suivre une formation commando dispensée par les instructeurs Nord-Coréens à Mura (Katanga) avait exigé que les officiers et sous-officiers devraient être au-moins détenteur d’un diplôme d’état. C’est ainsi que LD Kabila va instruire John Numbi de se rendre au camps du service national de Kanyama Kasese pour y recruter tous les jeunes diplômés et instruits valides[3].
La plupart de ces jeunes étaient des Balubakat. C’était aussi un moyen de contrer l’influence des Lunda (du sud Katanga) qui formaient les éléments d’élite de la PIR (Police d’intervention rapide)[4], devenue Légion nationale d’intervention (LENI) après une formation de l’EUSEC. La LENI est actuellement commandée par un autre mulubakat Seguin Ngoi Sengelwa, très loyal à Kabila. C’est ainsi que la plupart des officiers de la GR sont redevables à et reconnaissants à Numbi. Ils n’ont d’égard et de loyauté qu’à Numbi à qui ils doivent leur ascension socioprofessionnelle.
John Numbi, en plus d’être fils du terroir Katangais, a aussi un autre atout militaire, outre la confiance dont il bénéficie de la part de la GR, c’est celui d’avoir été le commandant de la 6ème région militaire correspondant au Katanga en 1999 et 2000 (sous LD Kabila) lors de la chute surprise de Pweto par le RCD. Il connait très bien les militaires de la province. A cela, il faut ajouter sa proximité politique avec le sulfureux Gabriel Kyungu qu’il a côtoyé au début des années 90 lorsqu’il devient le chef de la « Juferi » (Jeunesse du parti Union des fédéralistes républicains indépendants que dirigeait le duo Nguz karl i Bond – Kyungu wa Kumwanza), une milice de jeunes katangais aux méthodes violentes, entretenue à l’époque par le gouverneur de la province de l’époque, Gabriel Kyungu wa Kumwanza.
Un dernier atout de Numbi est qu’il est un des rares militaires à avoir assumé des fonctions importantes dans l’armée[5] et dans la police où il a occupé la plus haute fonction de commandant de la police, avant d’être écarté à la suite de l’affaire Chebeya. Numbi a mis sur pied une unité d’élite paramilitaire dénommée « Batallion Simba » qu’il a intégrée dans la police nationale congolaise. Ce bataillon, dissout entre-temps, s’est tristement distingué dans la répression sanglante des adeptes de Bundu dia Kongo entre 2007 et 2010 dans le Bas-Congo, ainsi que dans l’assassinat de Chebeya et Bazana en juin 2010. En ce sens, l’influence de Numbi resterait encore active aussi bien dans l’armée que dans la police, mais aussi au sein des milices katangaises dont il a été à la base de leur création dans les années 1990.
La GR, fidèle à Numbi, a menacé de démettre Kabila après la réhabilitation d’Amisi Tango Four
En début août 2014, des centaines d’officiers et sous-officiers de la Garde républicaine, chargée de la protection présidentielle, ont menacé de démettre Kabila. Ces militaires n’ont pas apprécié le fait que Kabila soit plus tendre et complaisant envers Amisi qu’avec Numbi qui continue à être suspendu de ses fonctions à la tête de la police nationale congolaise.
En cause, le blanchiment du général Gabriel Amisi Tango four, ancien chef d’état-major de la force terrestre, de tous les soupçons qui pesaient contre lui lors de la chute de Goma en novembre 2012. Cette information n’a pas été du goût de plusieurs (jeunes) officiers et sous-officiers de la GR. Ces derniers ont tenu des réunions secrètes à Mbanza-Ngungu, Kinshasa et Lubumbashi au terme desquels ils ont adressé un mémorandum contenant plusieurs revendications qu’ils ont fait parvenir au président Kabila par la voie hiérarchique, c’est-à-dire le général Dieudonné Banze Lubunji.
Dans ce mémorandum, ils ont menacé de « faire un coup d’état si le Président de la République, le commandant suprême des forces armées ose réinstaller le général Amisi Kumba (Tango Four) comme chef d’état-major de l’armée de terre »… « Une telle réhabilitation ne passera pas chez nous et parait injuste à nos yeux »… « Si le commandant suprême veut réhabiliter le général Amisi, il doit alors signer et publier deux décrets : un pour le général Amisi et le second pour le général John Numbi mettant fin à suspension et le réhabilitant à la tête de la Police nationale congolaise. »
« Il n’est pas normal que le Général Numbi qui est suspendu depuis le 05/06/2010 à la suite du double assassinat de Floribert Chebeya et Fidel Bazana alors que la haute cour militaire l’a blanchi depuis juin 2012, ne soit pas réhabilité dans ses fonctions. Et pourtant, pouvait-on encore lire, « le général Gabriel Amisi, qui est responsable de la mort de près d’un millier de militaires congolais dont plusieurs de nos braves frères d’armes de la garde républicaine à Mushake, Kibumba, Tongo, Pont Mabenga et Kibati lors des guerres contre le CNDP en 2007 contre le M23 entre 2012 et 2013, soit blanchi sans aucune enquête judiciaire sérieuse ne soit menée sur ces allégations.
Dans la note adressée à Kabila, les protestataires qualifient d’ « injurieux » cette politique de deux poids deux mesures et menacent le chef de l’Etat en ces mots « si le commandant suprême persiste et confirme Amisi en le réhabilitant dans ses anciennes fonctions, nous n’hésiterons pas à prendre notre responsabilité », préviennent-ils. Ils recommandent ce qui suit à Kabila : « si le chef aime beaucoup Amisi Tango Four, il n’a qu’à le garder auprès de lui comme étant son chef état-major particulier, mais pour nous, il n’est question qu’il lui donne à nouveau un poste de commandement au sein des structures des FARDC. »
Il s’agissait de 885 officiers et sous-officiers de la GR qui occupaient les postes de commandants de peloton (= environ 30 hommes) , compagnie (= entre 100 à 150 hommes) , bataillon (= 600 à 900 hommes) et régiments (= environ 1200 hommes) de la GR. Ils ont tous été envoyés dans les institutions militaires égyptiennes au Caire, à Gizeh, à Alexandrie, à El-Arish, et à Assouan pour suivre des stages dans domaines de la sécurité rapprochée et éloignée, renseignement, logistique, transmissions, artillerie, blindés, infanterie, commando ainsi que des cours de commandement et d’état-major. Ils devraient y rester 12 mois. Leurs adjoints assurent leur intérim, et encadrent les troupes. A leur retour, ils seront affectés dans d’autres unités non GR. Cette solution d’envoi de ces militaires au Caire aurait été facilitée par le président Russe, Vladimir Poutine qui a demandé au président égyptien, le Général Al Sissi, d’accueillir les militaires congolais de la GR dans des Ecoles militaires égyptiennes afin de permettre à Kabila de reprendre la situation en main.
Les généraux François Olenga et Ilunga Kampete à la rescousse de Kabila
Ils n’ont pas utilisé la violence mais la menace a été prise très au sérieux par Kabila et son entourage. Selon le Général Olenga : « Les soldats ne sont pas un syndicat ou un parti politique pour formuler des revendications. Ordre a été donné aux autorités militaires égyptiennes de faire de ces stagiaires congolais de vrais soldats, pas de complaisance. Pour Kabila, le danger était trop élevé et il fallait réagir rapidement avec une formules intelligente mais efficace afin d’éviter la contagion aux autres secteurs de l’armée ».
Le général Olenga a été alors chargé de s’entretenir avec les jeunes officiers frondeurs et en colère en vue de les rassurer en leur transmettant le message suivant : « le chef est très sensible à vos préoccupations et requêtes auxquelles il va accorder une suite favorable et vous demande de vous calmer et de continuer à travailler dans la discipline. »
Olenga est très respecté et écouté par les éléments de la GR. Mais pour réussir cette délicate mission d’apaisement des officiers, on lui a adjoint l’ancien coordonnateur des task-force de la GR et commandant de la brigade blindé de la GR, le général de Brigade Gaston Hughes Ilunga Kampete, un Katangais (Mulubakat) et ancien commandant de l’escadron blindé (chars T59) au sein du bataillon blindé de la DSP sous les FAZ. Ce dernier a été élevé par la suite à la haute fonction stratégique de commandant de la Garde républicaine. Il est un des officiers très apprécié et respecté par les soldats de la GR[6].
Pour les calmer, la solution de les envoyer en stage à l’étranger, synonyme de mission à l’étranger, a contenté ces militaires d’autant qu’ils vont bénéficier des formations supplémentaires, des bourses d’études plus élevées que leurs salaires. En plus, ils ont reçu la promesse de Kabila d’être tous promus en grade supérieur et autres avantages sociaux à leur retour en RDC.
Il y avait effectivement risque et menace réelle qu’ils passent à l’acte si Olenga et Ilunga n’étaient pas parvenus à les calmer. La preuve que cette menace a été prise au très sérieux est qu’après avoir assisté au sommet Etats-Unis – Afrique du 5 au 6 août 2014 à Washington, le renseignement militaire (Démiap) avait transmis à Joseph Kabila des réactions de grogne suscitée par cette décision surprise au sein de la GR. C’est ainsi qu’à son retour de Washington, pris de panique, l’avion présidentiel n’est pas rentré directement à Kinshasa et a évité d’atterrir à l’aéroport de Loano à Lubumbashi. L’avion ramenant le président Joseph Kabila est allé se poser sur l’aérodrome construit par la firme Tenke Fungurume Mining près de Kambove, à environ 20 Km de Likasi et Shinkolobwe, dans le sud du Katanga. De là, Kabila s’était directement rendu dans sa ferme de Kambove où il a passé 26 jours des vacances vu qu’il y avait un risque très élevé pour sa sécurité à Kinshasa et à Lubumbashi, deux villes stratégiques protégées par la GR.
En prévision d’une possible mutinerie de la GR, Kabila avait instruit Olenga de relever la GR des sites stratégiques
En août 2014, Joseph Kabila a demandé à Olenga, au retour de ce dernier de Kremlin, de prendre les mesures de sécurité suivantes : La 32ème brigade des forces de réaction rapide, composée d’un effectif d’environ 4.000 hommes et les 41ème et 43ème bataillons commandos, des unités autrefois commandés par le feu colonel Mamadou Ndala, seront désormais basés à Kinshasa alors que ces unités s’y étaient rendues dans le cadre du défilé militaire du 30 juin 2014. Depuis, ce sont ces unités qui s’occupent de la protection des différents sites stratégiques de Kinshasa à la place des unités de la GR : Etat-major général des FARDC au Mont-Ngaliema, la base logistique à Lingwala près de la RTNC, l’aérodrome militaire de Ndolo, le Palais de la nation, (le bureau officiel de Kabila), etc.
Ces unités ont été placées sous le commandement du « colonel Ephraim Ramazani en tant que coordonnateur des forces de réaction rapide (FRR). C’est un ‘petit’ ou proche du general Olenga qui le coache depuis longtemps. Il a reçu une base de formation en Chine et c’est lui que Olenga et Kabila ont désigné pour commander les forces de réaction rapide transférées à Kinshasa actuellement en remplacement des unités de la GR. Il est très respecté et écouté par ses troupes. Etant donné qu’il bénéficie de l’entière confiance de Olenga, il jouit également de l’entière confiance de Kabila. Même si les revendications de la GR semblent avoir été entendues par Kabila et que la situation s’est calmée pour l’instant, mais Kabila reste très méfiant et n’exclut aucune confrontation avec la GR. Ainsi, par mesure de prudence, Kabila a ordonné à ce que les FRR restent à Kinshasa jusqu’à nouvel ordre pour parer à toute éventualité. Elles ont établi leur QG à Maluku et mises à disposition de Olenga. Ces troupes sont lourdement armées et très combatives ».
Numbi est-il réellement le parrain des Bakata-Katanga ?
Depuis sa mise à l’écart, Numbi est fortement soupçonné par les experts de l’ONU d’être derrière les Bakata Katanga, en leur fournissant armes et munitions. Dans son rapport final du 23 janvier 2014, le Groupe d’experts a obtenu « des informations crédibles » sur le soutien logistique et financier de Numbi aux militants Bakata Katanga[7].
Le 29 juin 2011, Lubumbashi a été la cible d’une nouvelle attaque par des hommes décrits comme lourdement armés. Selon les sources, c’est un dépôt d’armes ou l’entrepôt d’une société minière qui aurait été visé. Deux assaillants auraient été capturés et deux autres tués. Leurs motivations et leur éventuelle appartenance à un groupe armé n’ont pas été rendues publiques. Moins de deux semaines plus tard, le camp militaire de Kimbembe, à une dizaine de kilomètres de Lubumbashi, aurait subi une attaque, attribuée à des « indépendantistes katangais », plus précisément à la CORAK, selon certaines sources. L’assaut, qui a eu lieu le 11 juillet – date anniversaire de la proclamation d’indépendance de Tshombe – aurait été précédé d’un « ultimatum » de la CORAK enjoignant aux « occupants congolais » de quitter le Katanga. Cependant, d’après le ministre provincial de l’Intérieur, aucune attaque n’a eu lieu et les victimes, deux morts et un blessé grave, auraient été des civils égarés à proximité du camp militaire[8].
Le 8 septembre 2011, leur chef, Gédéon, avait pu s’échapper de la prison de Kasapa, à Lubumbashi, grâce à un commando armé. Il y purgeait une peine de prison à vie pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans les territoires katangais de Mitwaba, Pweto et Manono entre 2003 et 2006. Des accusations avaient été portées à cette époque contre John Numbi, parrain de Gédéon au début des années 2000. Plusieurs analystes et experts considèrent John Numbi comme le premier sponsor des indépendantistes katangais ; une manière de rappeler au président Joseph Kabila sa force de nuisance au Katanga[9].
Alors que Gédéon réorganisait son groupe armé dans sa région d’origine, de nouveaux troubles survenaient à Lubumbashi. Le 27 novembre 2011, la veille des élections, le camp « Major Vangu » des FARDC était attaqué et un dépôt de munitions était pillé et incendié. Des sources militaires ont attribué cette attaque à la CORAK43. Une semaine plus tard, un incident grave – le premier depuis plus de cinq ans – se produisait dans le territoire de Mitwaba. Attribuée à des Maï-Maï dirigés par Gédéon, l’attaque a visé un camp des FARDC, ainsi que l’administrateur du territoire qui a été enlevé. La veille, une première incursion avait eu pour but de s’enquérir du résultat des élections présidentielles, en particulier si Étienne Tshisekedi, principal opposant de Joseph Kabila, en avait été proclamé vainqueur[10].
Selon plusieurs organisations de la société civile du Katanga, John Numbi serait l’un des responsables de l’insécurité qui prévaut actuellement dans la province. Selon elles, « jeudi 21 mars 2013, un groupe de Maï-Maï Kata Katanga qui s’était évadé de l’Agence nationale de renseignements (ANR) se serait réfugié dans la ferme nommée Beijing appartenant au Général John Numbi. Quelques jours plus tard, le samedi 23 mars, il y a eu assaut de la ville de Lubumbashi ». Ces Maï-Maï, armés de lance-roquettes, d’une trentaine de fusils AK47, de lances et de flèches ont brièvement affronté l’armée congolaise faisant 33 morts dont 26 Maï-Maï.
Selon un rapport d’experts de l’ONU[11], « les Bakata Katanga sont sous le commandement militaire de Kyungu Mutanga, alias Gédéon, et reçoivent diverses formes d’appui du général John Numbi Banza Tambo, ancien Inspecteur général de la Police nationale ainsi que d’autres personnalités politiques. D’après des sources de l’ONU, au 30 septembre 2013, les attaques du Kata Katanga, associées aux opérations des FARDC, avaient entraîné le déplacement de plus de 360 000 personnes dans la province. Kata Katanga, expression swahili signifiant « détachez le Katanga », est un réseau peu structuré de groupes armés et politiques qui revendiquent la sécession de la province du Katanga. Cette lutte pour l’autonomie, qui dure depuis plusieurs décennies, est soutenue par certaines personnalités intellectuelles et des dirigeants politiques de Lubumbashi, qui ont affirmé au Groupe d’experts en mai et octobre 2013 que Kata Katanga était la branche radicale du mouvement indépendantiste. Gédéon était le commandant militaire général de Kata Katanga, mais plusieurs groupes locaux opérant en son nom semblent fonctionner de manière semi-autonome. En 2013, Gédéon était actif dans le territoire de Manono, dont il est originaire. Fin octobre, cependant, de nombreuses sources gouvernementales et locales ont affirmé au Groupe d’experts qu’il opérait désormais aux alentours de Lubumbashi, près de Kinsevere ».
Selon le journaliste Christophe Rigaud, « autour de Numbi, d’autres Katangais exigent de nouveau peser dans le cercle présidentiel. On peut citer le tonitruant Gabriel Kyungu qui s’inquiète de la loi de décentralisation, mais aussi Jean-Claude Masangu, ex gouverneur de la banque centrale du Congo en recherche de poste, ou Daniel Ngoyi Mulunda, l’ex-président de la Commission électorale, remercié après la réélection contestée de Joseph Kabila en 2011 [12] ».
John Numbi reste un élément incontournable dans les enjeux politiques et sécuritaires à venir du Katanga
S’il parvient à se réconcilier[13] avec Kabila et que ce dernier se maintient au pouvoir en 2016, il peut être un élément stabilisateur qui peut calmer les maï-maï Bakata Katanga. Mais selon une autre source militaire du Katanga, Numbi a fait semblant de se réconcilier avec Kabila. Il s’en méfie et leur divorce est quasi consommé. Et la source d’ajouter : « John a très bien appris la leçon selon laquelle un mouton ne fait jamais confiance ni alliance avec un lion. John a une autre lecture, c’est une réconciliation de façade. » Etant proche de Gabriel Kyungu, le président de l’assemblée provinciale du Katanga, qui soutiendrait une éventuelle candidature de Moïse Katumbi, Numbi se serait plutôt rapproché de Katumbi que de Kabila. En ce sens, il pourrait non seulement réactiver les milices du Katanga mais aussi son réseau au sein de l’armée : la Garde républicaine et la force aérienne qui est commandée par le Général de brigade Enoch Numbi, le cousin paternel du Général John Numbi, impliqué dans le trafic d’armes vers le Zimbabwe. En ce sens, s’il rejoint Katumbi et qu’il y a une confrontation directe en 2016 entre Kabila et Katumbi, John Numbi pourrait largement peser pour faire balancer le rapport de forces en faveur de Katumbi.
Une autre guerre de tranchées à distance entre le Général Olenga et le Général Numbi
On constate au sein des FARDC et des services de sécurité congolais que chaque fois que John Numbi occupe des fonctions supérieures, le général Olenga (Kusu du Maniema) occupe des fonctions secondaires. Mais lorsque le général Olenga est élevé aux fonctions supérieures, le général Numbi est écarté du cercle de décisions stratégique. Il se crée alors deux clans opposés ou en compétition dans l’entourage militaire de Joseph Kabila.

En cause, la question rwandaise. Le Général Numbi et le feu Augustin Katumba Mwanke ont été les artisans du « Gentlemen agreement » secret entre Kabila et Kagame en fin 2008. Il a directement négocié avec Laurent Nkunda sous la supervision de l’ancien chef d’état-major général de l’armée rwandaise, RDF (Rwanda Defence Force), l’actuel ministre de la défense James Kabarebe. Cet accord secret était à la base de la planification et du lancement de l’opération militaire conjointe FARDC-RDF : Umoja wetu (Notre union) pour traquer et éradiquer les FDLR au Nord-Kivu en janvier 2009. Il a aussi permis la signature, le 23 Mars 2009, de l’Accord du 23 mars qui a permis l’intégration du CNDP aux FARDC et sa transformation à un parti politique qui est devenu par la suite membre de l’AMP (l’ancienne plateforme électorale de la majorité présidentielle) avant les élections de 2011.
Un autre aspect caché de cet accord et de ces opérations est qu’après, le nombre de soldats Tutsi du CNDP a doublé. En effet, les effectifs du CNDP étaient estimés en 2009 entre 4.500 à 5.000 miliciens. Pour l’opération Umoja wetu, la MONUC estimait le nombre de soldats rwandais se trouvant au Nord Kivu à la date du 24 janvier 2009 à 5.000 (soit 2 brigades). Les statistiques d’EUSEC ont indiqué environ 9.000 nouveaux soldats ex-CNDP intégrés après ces opérations. Plus que probablement, il y a eu des soldats rwandais versés au sein des FARDC.
Ainsi, au sein de l’entourage militaire de Kabila, le clan du Général Olenga, viscéralement opposé au Rwanda, considère John Numbi (et le feu Augustin Katumba Mwanke) comme des agents rwandais. C’est là que réside plus probablement le secret de la mort (assassinat) de Katumba Mwanke dans une simulation du crash d’avion. Nous en publierons probablement les détails un jour. De la sorte, chaque fois qu’un camp est élevé auprès de Kabila, l’autre disparait ou est éloigné de l’entourage de Kabila et vice versa.
Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC
[1] C’est Numbi, alors Inspecteur général de la Police nationale congolaise (PNC), qui fut chargé par le président Kabila d’entreprendre, en janvier 2007 à Kigali, les négociations secrètes avec le chef rebelle Nkunda et les officiels rwandais. Des négociations qui ont abouti en janvier 2009 à l’opération Umoja wetu, menée conjointement entre l’armée rwandaise et les FARDC dans le Nord-Kivu, à la signature de l’accord du 23 mars 2009 entre le Gouvernement et le CNDP.
[2] http://afridesk.org/dossier-special-les-personnalites-congolaises-a-tenir-a-loeil-en-2014-jj-wondo/.
[3] http://afridesk.org/alerte-desc-la-garde-republicaine-a-menace-de-renverser-joseph-kabila/.
[4] La PIR a autrefois était considérée comme un «bastion» de l’ethnie Lunda.
[5] D’abord comme commandant de la 6ème Région militaire (Katanga), ensuite en tant que chef d’état-major de la force aérienne.
[6] http://afridesk.org/portrait-qui-est-ilunga-kampete-le-nouveau-commandant-de-la-garde-republicaine/.
[7] S/2014/42 – Lettre datée du 22 janvier 2014, adressée au Président du Conseil de sécurité par la Coordonnatrice du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo.
[8] Georges Berghezan, GROUPES ARMÉS AU KATANGA : ÉPICENTRE DE MULTIPLES CONFLITS, RAPPORT DU GRIP 2015/3, Juin 2015.
[9] http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/archive/2013/06/21/rdc-john-numbi-portrait-d-un-homme-de-l-ombre.html.
[10] Katanga : les Maï-Maï attaquent les FARDC à Mitwaba, Radio Okapi, 7 décembre 2011. Cité par Georges Berghezan, GROUPES ARMÉS AU KATANGA : ÉPICENTRE DE MULTIPLES CONFLITS, RAPPORT DU GRIP 2015/3, Juin 2015.
[11] Rapport S/2014/42 du 23 janvier 2014.
[12] Afrikarabia, 02/01/2014.
[13] Selon une source de la maison militaire du président Kabila: « Le président Kabila s’est longuement entretenu avec John Numbi quelques jours après sa rencontre avec les notables du Katanga en début janvier 2014. Un long tête-à-tête de quatre heures qui a certes scellé la réconciliation entre les deux hommes car ils sont sortis de cet entretien très détendus et souriants. L’audience s’est déroulée sous une tente improvisée dans l’enceinte de sa ferme de Kundelungu, sans micro, ni caméra de surveillance et sans aucun témoin ni de garde rapprochée. Rien ne semble avoir filtré de cette rencontre. Après cette rencontre, les deux hommes sont repartis pour Kinshasa, pas dans le même avion. – See more at: http://afridesk.org/rdc-apres-le-fiasco-securitaire-des-tetes-vont-elles-tomber-dans-larmee-et-la-police-exclusivite-desc/#sthash.FiR8VyZr.dpuf.
2 Comments on “John Numbi et Joseph Kabila : le désamour après la lune de miel ?”
MUTSY
says:Cher ami.
J’ai du mal à comprendre votre analyse: d’une part une déclaration d’insubordination au sein des forces armées d’une telle portée est manifestement inadmissible et de surcroît ces militaires seraient jugés par une cour martiale et fusillés. D’autre part, si Katumba Mwanke était proche du rwanda, on a du mal à comprendre le silence de ce pays sur cet assassinat. Mais bon, je vous encourage à poursuivre les investigations.
Merci tout de même.
SALUT
Toussaint MUNDELENGOLO
says:Bonjour,
Je trouve vos analyses tres fouillées en dépit de quelques zones d’ombres.
Ce qui est vrai est que votre créneau semble etre difféerent des autres journaux due la RDcongo,
je vous exhorte donc à poursuivre dans cette lancée d’innovation….Creusez encore dans la profondeur
afin de se démarquer des autres marchands d’intox.
Mes sinceres encouragements!