Homme providentiel recherché pour une transition sans Kabila
Par Jean-Bosco Kongolo Malangaluend
Si toutes les parties, principalement Joseph Kabila et son conglomérat politique, avaient été de bonne foi, le 31 décembre 2017 allait être inscrite dans les annales du Congo-Kinshasa comme date de sa première alternance démocratique. Hélas! L’accord signé sous les auspices de la CENCO et qui accordait aux élus de 2006(députés provinciaux, gouverneurs de provinces et sénateurs), de 2011(Président de la République) et de 2012(députés nationaux) a subi le même sort que la Constitution de sorte que ses objectifs ont été carrément détournés au profit de quelques individus partisans d’une transition illimitée.
A quelques jours seulement de cette date buttoir et alors que le calendrier controversé annoncé par la CENI n’augure non plus aucun espoir d’être respecté pour l’organisation des élections libres, transparentes et crédibles, l’on entend encore des voix s’élever de l’intérieur comme de l’extérieur réclamant l’exécution sans faille de l’accord de la St Sylvestre. De quoi se demander de qui les uns et les autres se moquent-ils ou s’ils s’imaginent qu’il n’y a plus un seul Congolais qui puisse encore réfléchir correctement.
Heureusement, le peuple congolais peut encore compter sur certains de ses fils et de ses filles, du pays et de la diaspora, qui veillent au grain et qui sont toujours là pour lui ouvrir les yeux afin qu’il s’approprie son destin longtemps laissé entre les mains des prédateurs nationaux et internationaux. A la lumière du complot contenu dans le projet de la loi électorale, que des parlementaires sans mandat viennent d’adopter en reconnaissance des prébendes reçues, des arguments militent en faveur d’une transition sans Kabila et de l’urgence à identifier l’homme providentiel pour diriger une courte transition ayant pour principal objectif : la tenue d’élections libres, transparentes et crédibles.
1. Une transition de trop
Après une très longue transition (1990-1997) consécutive à l’échec de la mise en œuvre des résolutions de la Conférence Nationale Souveraine(CNS), suivie d’une navigation à vue correspondant au règne des « Libérateurs » du conglomérat des aventuriers de l’AFDL(1997-2001), les Congolais ont dû attendre encore cinq autres années(2001-2005) pour enfin s’accorder sur une loi fondamentale adoptée par referendum et censée mettre définitivement fin aux crises récurrentes de légitimité. A la naissance de la Troisième République(2006), tous les espoirs étaient permis et personne n’aurait pu imaginer que l’on revivrait une énième transition.
On est, hélas, déjà en pleine transition que même parmi ceux qui l’ont provoquée et planifiée en la qualifiant de « glissement », ne sont en mesure d’en prédire l’issue. Et pourtant, cette transition de trop aurait pu être évitée si tous les acteurs en présence (pouvoir, opposition et société civile) lisaient correctement et de bonne foi la loi fondamentale et ne visaient surtout que l’intérêt supérieur de la nation. Les uns et les autres auraient donc pu s’approprier cet extrait de l’exposé des motifs de la Constitution que nous reproduisons : « En vue de mettre fin à cette crise chronique de légitimité et de donner au pays toutes les chances de se reconstruire, les délégués de la classe politique et de la Société civile, forces vives de la Nation, réunis en Dialogue-inter congolais, ont convenu, dans l’Accord Global et Inclusif signé à Pretoria en Afrique du Sud le 17 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une nouvelle Constitution démocratique sur base de laquelle le peuple congolais puisse choisir souverainement ses dirigeants, au terme des élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles. » À cause de la distraction des uns, de la complicité et de la cupidité des autres, le complot ourdi pour empêcher ce pays de vivre paisiblement et de jouir de ses fabuleuses ressources naturelles est malheureusement exécuté, étape par étape, par ses propres fils, de sorte qu’à l’allure où vont les choses, nous risquons tous de ne rien avoir à léguer à la postérité.
2. Des preuves du complot
Inutile de répéter que dans les relations internationales, il n’y a point d’amis. Seuls les intérêts comptent. Pas étonnant qu’avec sa position géostratégique au cœur de l’Afrique et ses immenses ressources naturelles, le Congo-Kinshasa fasse constamment l’objet de convoitise de la part de tous ceux qui auraient souhaité être à la place des Congolais. Souvent par ignorance et par distraction, nous apportons notre soutien à ceux préfèrent pactiser avec l’ennemi pour des intérêts égoïstes, plutôt que de faire front commun pour protéger notre patrimoine commun. Le fait accompli, qui n’est autre que cette transition de trop, n’aurait pu nous être imposé si les Congolais eux-mêmes n’y avaient pas contribué efficacement, par action ou par omission.
Alors que l’immense majorité de la population croupit dans la misère la plus noire, la minorité au pouvoir, à bout d’arguments juridiques et de stratégies politiques pour modifier la Constitution, procède désormais par des actions de distraction massive destinées à retarder, sinon à éloigner le plus possible la tenue d’élections.
Parmi ces actions, il convient de citer la déstabilisation des provinces du Kasaï où, sous prétexte de réprimer l’insurrection des adeptes de Kamuina Nsapu, des convois de la l’armée et de la police ont été dépêchés, qui ont fait carnage y laissant près d’une centaine de fosses communes des victimes tuées par balles et plus d’un million de déplacés. À ce jour et selon les informations qui nous parviennent du terroir, l’enrôlement des électeurs dans certains territoires se fait avec une telle lenteur que rien ne présage des élections crédibles.
À Kinshasa et partout dans les provinces, des évasions massives et spectaculaires de prisonniers ont été organisées tandis qu’au Nord-Katanga, une main jusque-là invisible a opposé, comme jamais dans l’histoire, les populations bantoues aux Pygmées, avec comme conséquences d’autres millions de déplacés sans assistance gouvernementale dans des camps de fortune. Signalons en passant que les populations pygmées vivent déjà une situation toute particulière et injuste dont on ne parle pas souvent, elles sont déplacées d’un coin à un autre par les compagnies forestières qui détruisent irrémédiablement leur environnement.
Pendant ce temps, le massacre des autochtones se poursuit quasi-quotidiennement dans l’extrême-Est du pays (Beni-Butembo-Lubero) où, curieusement l’on trouve une grande concentration des forces armées et de casques bleus de l’ONU. Pour se faire bonne conscience vis-à-vis des partenaires extérieurs, les autorités politiques attribuent sans preuve ces massacres à la nébuleuse rébellion ougandaise qui, de l’avis de plusieurs experts et observateurs, ne seraient depuis 2014 que moins de 300 éléments sans commandement ni moyens pour inquiéter même une milice bien constituée. La dernière attaque contre un camp des casques bleus tanzaniens, maladroitement attribuée même par l’ONU aux rebelles ougandais de l’ADF/Nalu commence à livrer ses secrets. Dans le Carnet de Colette Breackman, Journal Le Soir, cette thèse orientée vers le terrorisme islamiste ne convainc pas: « De New York jusque Kinshasa tous les responsables onusiens ont exprimé leur indignation, leur volonté de réagir énergiquement, en coordination avec les forces congolaises. Mais sur place, au-delà de la colère et de la peur, bien des questions se posent. Alors que l’attaque a été officiellement attribuée à des rebelles musulmans d’origine ougandaise, la violence de l’assaut a surpris tous les observateurs. Alors que le contingent tanzanien est l’un des plus motivés au sein des forces onusiennes, il a été surpris par une attaque menée avec un armement inhabituel : des mitrailleuses lourdes, des grenades d’assaut. Mais surtout, les assaillants ont déployé des capacités opérationnelles qui cadrent mal avec la réputation de rebelles qui, depuis vingt ans, campent dans le parc des Virunga où ils exploitent l’or gisant dans la rivière Semliki, qu’ils commercialisent en Ouganda avec la complicité de commerçants locaux. »[1]
Malgré ce bilan très lourd, aucune autorité congolaise de haut niveau (Président de la République, Premier Ministre, Ministres de la Défense ou de la Justice) n’a exprimé la moindre compassion pour ces vaillants soldats de la paix. D’où, il convient de s’interroger aussi bien sur le silence des autorités congolaises que sur l’empressement des responsables de l’ONU qui, sans attendre les premiers éléments d’enquête, ont trouvé mieux d’imputer cette attaque à ce groupuscule.
Beni Lubero Online, un site d’informations presqu’exclusivement spécialisé dans ce qui se passe dans ce coin de la République, enfonce le clou en apportant un doute supplémentaire sur la version officielle de l’armée congolaise : « L’attaque du camp des casques bleus advenue le 7 décembre dernier sur la route Mbau-Kamango et au cours de laquelle 15 casques bleus ont été tués et plusieurs autres blessés ne cesse de soulever colère et indignation dans l’opinion nationale et internationale. Dans les heures qui ont suivi, le porte-parole de l’armée congolaise affirme que les FARDC poursuivent l’ennemi et que dans cette attaque et dans la contre-offensive qui s’en est suivie, 72 assaillants ont été tués. Pourtant dès la cessation des combats, donc avant-même l’arrivée de la Monusco, aucun combat n’a été signalé dans la zone et cela jusqu’aujourd’hui. Et aucun corps d’un assaillant n’a été exhibé; aucun n’a été présenté. »[2]
A Kinshasa entre temps, un projet de loi controversé vient d’être adopté par les deux chambres du Parlement comportant, comme en 2011 et en 2015, des dispositions des dispositions tendant à fausser la compétition par la modification des règles du jeu au profit d’un seul parti, le PPRD. Cette fois, un seuil de représentativité de 1% vient d’être introduit au niveau national pour chaque parti qui présente des candidats tandis que la caution à verser à tous les niveaux se voit augmenter substantiellement, ce qui a pour conséquence d’éliminer les candidats indépendants tout en ne laisser sur la scène politique que moins de dix partis politiques. Au bout de la course, on obtient des résultats consacrant subtilement le retour au système de parti unique.
Comme si ça ne suffisait pas de tout le temps modifier les règles du jeu, cette tricherie a été aggravée sur le parcours du projet de loi entre le Gouvernement, son auteur, et l’Assemblée nationale qui l’a adopté nuitamment en l’absence des députés de l’opposition. Acculé par les sénateurs, Shadari Ramazani, ci-devant Ministre de l’Intérieur, n’a eu d’autre choix que d’imputer la faute à l’Assemblée nationale mais en faisant du chantage aux sénateurs sur les risques qu’il y avait de retarder le processus électoral si le projet de loi qu’il défendait serait rejeté. « Il ne faudrait pas que la CENI [Commission électorale nationale indépendante] dise qu’il n’y a pas eu élections parce qu’il n’y a pas de lois. Nous ne devons pas continuellement flouer le peuple en reportant les élections prévues en 2018, en bloquant une loi si simple.
C’est votre chambre sœur qui a tranché en ramenant le seuil à 15 au niveau national pour les législatives nationales, 35 aux provinciales et 10% aux locales et municipales. »[3]
Si vous trouvez qu’il y a des dispositions prévues par la chambre sœur[4] et qui énervent les honorables sénateurs, il faut les enlever en commissions. Revoir le taux de caution à la baisse comme vous l’avez proposé ici, faites-le. Comment on peut aller aux élections avec une machine à voter, il faut dire ça aux députés et non pas renvoyer ce texte au mois de mars, c’est dangereux. »[5]
Comme il n’est pas compliqué de le constater, toutes les conditions se trouvent réunies pour tricher, à défaut d’imputer la non tenue des élections à l’opposition , si celle-ci continue d’exiger la restructuration de la CENI, qui a perdu toute crédibilité en affichant clairement son allégeance à la MP.
Mais, aussi suspect et révoltant que cela puisse paraître, c’est chaque fois que le peuple congolais prend conscience et décide de se prendre en charge, que surgit la fameuse communauté internationale pour venir à la rescousse d’un dictateur qui, tout au long de son règne par défi, a foulé aux pieds la force de la loi pour ne compter que sur la loi de la force. Pour prévenir des manifestations légitimes annoncées par l’opposition et la société civile afin de dégager le pyromane, des messages émanant de l’UA, de l’UE et de l’ONU se succèdent, les uns pour soutenir le calendrier irréaliste de la CENI et les autres pour menacer de représailles quiconque « entraverait » le processus électoral. Au sujet de ce calendrier électoral, qui prévoit les élections présidentielles, législatives et provinciales, avec un budget ne permettant même pas de payer les fonctionnaires, le Conseil de sécurité des Nations Unies « a appelé l’ensemble des partis politiques, leurs partisans et les autres acteurs politiques à rester calmes et à s’abstenir de toute forme de violence. Il a prévenu qu’il s’élèvera contre tous les acteurs congolais dont les actes et les déclarations auront pour objet d’entraver l’accord de paix et l’organisation des élections en temps opportun.»[6]
Mais que font cette communauté internationale et ce Conseil de sécurité contre ceux qui usent systématiquement de la violence et qui font recours aux mercenaires pour massacrer la population dont le seul tort est de réclamer pacifiquement, comme tous les peuples du monde, les élections libres et crédibles, la démocratie, l’État de droit et la jouissance paisible des ressources de leur sol et de leur sous-sol? Selon un rapport de 78 pages, publié par l’ONG Human Rights Watch, on peut lire : «Après avoir été transférés en RD Congo, les combattants du M23 ont été déployés dans la capitale, Kinshasa, ainsi qu’à Goma et à Lubumbashi. Les forces de sécurité leur ont donné des uniformes neufs et des armes et les ont intégrés dans la police, l’armée et la Garde républicaine, le détachement de la sécurité présidentielle », selon le groupe défense des droits de l’homme, témoignages à l’appui.
« De nombreux combattants du M23 ont été déployés pour faire la guerre à ceux qui voulaient menacer le maintien au pouvoir de Kabila », a raconté un combattant du M23 à Human Rights Watch. « Nous avons reçu l’ordre de tirer immédiatement à la moindre provocation des civils », a expliqué un autre. « Les officiers congolais ont renvoyé les combattants du M23 recrutés en Ouganda et au Rwanda à la fin du mois de décembre 2016 et au début du mois de janvier 2017 », selon HRW qui affirme que « beaucoup ont été à nouveau conduits en RD Congo entre mai et juillet et ont été envoyés à Kisangani (nord-est). »
C’est pourquoi, dans son écrasante majorité, le peuple congolais a le net sentiment qu’un complot international est ourdi contre lui et que la seule solution consiste à se prendre en charge notamment en écartant toute idée d’une nouvelle négociation avec Joseph Kabila.
3. Les négociations avec Kabila ont montré leurs limites
La bonne foi entre partenaires est la règle d’or universelle pour toute négociation. Encore faut-il que le partenaire en face soit la bonne personne. C’est-à-dire celle ayant qualité de partie. Dans le cas qui nous préoccupe, depuis le 19 décembre 2016, Joseph Kabila a juridiquement perdu sa qualité de garant la nation et, par conséquent, il n’est plus habilité à négocier quoi que ce soit avec qui que ce soit. Politiquement, il s’est disqualifié en sabotant lui-même la seule légitimité consensuelle d’une année, que lui conférait l’Accord du 31 décembre 2016, laborieusement obtenu par les prélats catholiques qui continuent de payer chère leur crédibilité. S’écartant de l’esprit et de la lettre de cet accord, il n’a fait qu’exacerber la crise en dédoublant par débauchage les plates-formes (Aile Limete et aile Kasa-Vubu) et les partis politiques (MSR, ARC, UDPS, UNAFEC, UNADEF, etc.) afin d’obtenir un gouvernement des membres favorables aux prolongations anticonstitutionnelles. Tout au long de cette année qui s’achève sans aucun signe de bonne foi de sa part, c’est par millions que se comptent les victimes d’actes de violence sous toutes ses formes, jusque dans des provinces ou parmi des populations vivant jadis en paix (ex. Cas du Grand Kasaï et du Tanganyika).
Dans un rapport de l’UNICEF, il est écrit : « Au moins 400.000 enfants de moins de cinq ans, dans le Grand Kasaï (centre de la République Démocratique du Congo) souffrent de malnutrition aiguë sévère et pourraient mourir en 2018 s’ils ne sont pas assistés par des interventions sanitaires et nutritionnelles. Selon l’agence onusienne, la violence et le déplacement de 1,4 million de personnes dans le Grand Kasaï ont entraîné des pénuries alimentaires, les deux tiers des ménages étant incapables de travailler leur terre pour cultiver. L’insécurité alimentaire sévère affecte maintenant de grandes parties de la région et les conditions ne devraient pas s’améliorer avant juin 2018, car les saisons de plantation en 2017 ont été perdues. »[7]
Plus que par le passé, la CENI a ostensiblement affiché son allégeance à la MP refusant de prêter oreille attentive aux appels de l’opposition et de la société civile pour obtenir un calendrier électoral consensuel et conforme aux résolutions dudit accord.
Alors que le maigre budget national (juste 5 milliards de dollars) ne garantit pas la tenue d’élections générales annoncées (présidentielle, législatives nationales et provinciales), le Parlement vient d’adopter sans consensus un projet de loi qui renferme des dispositions destinées à anéantir presque tous les partis politiques, y compris ceux qui composent la MP, avec pour objectif de fausser la compétition au profit d’un seul parti politique. « Lors d’une réunion/complot du PPRD dont Jeune Afrique s’est procuré un enregistrement sonore, il est rapporté que « pour Henri Mova Sakanyi, le PPRD n’a d’autre choix que de voter en faveur de ce seuil de représentativité. D’autant que c’est, selon lui, « quelque chose qui nous permet d’être beaucoup plus à l’aise ». Autrement dit, il ne serait plus question de partager les responsabilités au sein du gouvernement et des entreprises publiques avec des alliés politiques, voire avec des opposants, et « d’introduire [ainsi] des gens dans le gâteau, qui n’a pas grossi ».
En conséquence, plus personne au sein du PPRD n’a les moyens de financer le parti pour les élections, avance-t-il sans convaincre ses camarades, qui se mettent alors à hurler…Devant la réticence de ses camarades à soutenir ce fameux « seuil de représentativité », qui profiterait pourtant au parti, Henri Mova Sakanyi lâche que « cela devient suspect » et rappelle que le PPRD est en train de « trahir [sa] cause » en défendant « tous les jours » le programme du gouvernement d’un « Premier ministre venu de je-ne-sais-quel bord politique ». Allusion à Bruno Tshibala, dissident du Rassemblement de l’opposition, qui a été fait chef du gouvernement avec le soutien de la MP »[8]
Pour toutes ces raisons, le peuple congolais considère dans son immense majorité que Joseph Kabila est le pyromane qui ne peut plus en aucun cas être associé aux opérations d’extinction du feu qu’il a lui-même allumé. Afin de garantir une transition paisible et espérer répartir sur de nouvelles bases d’édification de la démocratie et de l’État de droit, il convient de trouver très rapidement un homme capable de diriger cette transition qui nous est imposée.
4. Homme providentiel recherché
Jaloux de leur démocratie, les Américains (démocrates et même républicains) cherchent encore à comprendre quel rôle aurait joué la Russie dans l’élection controversée de Donald Trump. Mais lorsque les Africains, en l’occurrence les Congolais, veulent se choisir librement leurs dirigeants, la stabilité est le mot couramment utilisé par les puissances occidentales pour justifier le maintien des individus imposés à leurs peuples pour des raisons faciles à comprendre. Il en a été ainsi pour Mobutu, pour Laurent-Désiré Kabila et, plus révoltant encore, pour Joseph Kabila, arrivé au pouvoir dans des conditions demeurées obscures. Chaque jour de plus qu’il passe à la tête du pays est synonyme d’insécurité généralisée, d’aggravation de la misère et de la pauvreté, d’évasion fiscale et des criminels les plus dangereux, de massacres à l’Est et au centre du pays, de viols de femmes et de jeunes filles, de détournements des deniers publics, d’impunité des malfaiteurs et de violation massive des droits de l’homme( arrestations arbitraires et détentions illégales des opposants voire même d’exécutions sommaires).
Les Congolais consciencieux et aux têtes bien formées sont nombreux tant au pays que dans la diaspora, qui font la fierté du pays pour leur expérience et leur expertise dans maints domaines. Dans les conditions normales de paix et de sécurité, ils sont également nombreux à vouloir servir avec patriotisme ce pays qui les a vus naître ou qui a donné à la plupart d’entre eux une solide formation de base. C’est parmi ces Congolais qu’il convient d’identifier urgemment pour cette période critique (ex. du Président intérimaire burkinabe, Kafando), celui qui réunit le maximum de critères de compétence, de rassembleur et de maîtrise des enjeux. Un tel homme, qui devra prêter serment de ne pas briguer un mandat éligible dans le prochain régime ne devrait pas être politicien « de carrière », issu de la classe politique antérieure ou actuelle, ni avoir par le passé mis en péril, par ces actes ou comportements, la souveraineté et les intérêts du Congo. Il en est de même des membres de l’équipe qu’il aura à mettre en place après avoir été à l’écoute de plusieurs opinions émises au pays et dans les think tank de la diaspora. C’est ce qui permettra aux politiciens, aux querelles interminables, de se préparer en toute tranquillité à affronter les électeurs.
La récente initiative citoyenne de la diaspora congolaise d’élire un « administrateur de la transition », symbolique et imparfaite soit-elle, est à situer dans ce cadre. Bien que faite dans la précipitation, sans un large consensus notamment sur le mode de désignation des candidats (non contactés pour la plupart), cette initiative a eu le mérite de montrer qu’avec un minimum de volonté et au moyen des réseaux sociaux, les Congolais peuvent s’organiser entre eux, organiser des élections transparentes et obtenir des résultats crédibles en un temps record, à moindre frais. Les centaines de milliers de Congolais (9 millions selon les organisateurs) qui y ont pris part peuvent servir d’échantillon suffisamment représentatif pour dégager une tendance sur les personnes que l’on veut voir diriger la transition. Ce qui reste, c’est de parfaire l’initiative en l’élargissant pour impliquer non seulement un plus grand nombre mais surtout, toutes les couches de la population (étudiants, enseignants, professionnels de la santé, fonctionnaires, police et armée).
Conclusion
Depuis l’indépendance du pays, les Congolais ne se sont jamais approprié leur histoire. C’est toujours hors du territoire national que les régimes se fabriquent, sont soutenus ou sont remplacés avec, malheureusement, la complicité de ses propres fils et de ses propres filles. Même si Joseph Kabila a été catapulté au pouvoir dans les conditions jamais révélées aux Congolais, ce sont les Congolais instruits et sans dignité qui lui ont inspiré le goût à la dictature, le mépris de la Constitution et des lois de la République. Ce sont les juges congolais, avec l’appui des services de sécurité, qui se laissent instrumentaliser pour réprimer les opposants grâce aux parodies de procès. Ce sont les responsables militaires congolais qui se font complices des milices étrangères qui massacrent les populations de l’Est[9]. C’est la CENI qui a longtemps et sciemment tergiversé jusqu’à ce que l’ambassadrice américaine à l’ONU vienne exiger la publication du calendrier électoral et ce sont les députés congolais (applaudisseurs) qui se complaisent à modifier à chaque scrutin les règles du jeu électoral.
Quand bien-même Joseph Kabila est rejeté par toute la population, c’est aussi, paradoxalement, l’opposition opportuniste et hypocrite qui ne parle pas d’une seule voix, au point de perdre dans l’opinion toute crédibilité et qui a fini par laisser les étrangers se convaincre qu’il n’y a pas encore un Congolais prêt à lui succéder. Voilà pourquoi, s’il ne veut pas disparaître en tant que nation, le peuple congolais doit se prendre en charge pour recomposer sa classe politique en identifiant en son sein les meilleurs de ses fils et filles(civils et militaires) capables de le mener à des élections réellement libres et transparentes, voie obligée pour le décollage démocratique et le développement économique et social. De part sa formation et en tant que spécialiste des questions géostratégiques et sécuritaires, Jean-Jacques Wondo estime que « La crise congolaise n’est pas seulement le départ de Kabila, mais la réappropriation du Congo par les Congolais. Pour cela, les Congolais doivent se rapprocher de l’armée et expliquer aux forces armées la nécessité de défendre la nation plutôt qu’un individu. »[10]
Jean-Bosco Kongolo
Juriste & Criminologue – Administrateur adjoint de DESC
Références
[1] LE SOIR.be, 10 décembre 2017, In http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2017/12/10/a-beni-des-morts-qui-posent-question/.
[2] Beni Lubero Online, 12/12/2017, In http://benilubero.com/toute-la-verite-sur-lassassinat-des-casques-bleus-tanzaniens-une-attaque-signeefardc/
[3] 7sur7. cd, 12 décembre 2017, In https://7sur7.cd/new/2017/12.
[4] Entendez : l’Assemblée nationale, qui a examiné le projet de loi en première lecture.
[5] Radio Okapi, 12/12/2017, In https://www.radiookapi.net/2017/12/12/actualite/politique/senat-bloquer-le-vote-de-la-loi-electorale-implique-le-report-des.
[6] Ivoirebusiness.com, In http://www.ivoirebusiness.net/articles/rdc-hrw-accuse-kabila-davoir-recrut%C3%A9-des-ex-rebelles-du-m23-pour-mater-des-manifestations.
[7] La Libre AFRIQUE, 12 décembre 2017, In https://afrique.lalibre.be/12107/rdc-400-000-enfants-kasaiens-en-danger-de-mort/.
[8] Jeune Afrique, 25 novembre 2017, In http://www.jeuneafrique.com/496609/politique/exclusif-reforme-electorale-en-rdc-un-enregistrement-sonore-revele-la-strategie-du-parti-de-kabila/.
[9] Selon le Journal de TV5 Afrique, capté par nous ce vendredi 15 décembre 2017, lorsqu’on interroge les habitants de Beni sur ce qui se passe là-bas, ils répondent : « On sait pourquoi on meurt mais on ne sait pas qui nous tue. Nous enterrons chaque jour les morts mais ne connaissons pas l’identité des assassins »
[10] In http://actualite.cd/2017/12/10jean-jacques-wondo-crise-congolaise-nest-depart-de-kabila-reappropriation-congo-congolais.
2 Comments on “Homme providentiel recherché pour une transition sans Kabila – JB Kongolo”
GHOST
says:» SE RAPPROCHER DE L´ARMÉE » ?
Tout un programme quand on sait que presque toutes les organisations politiques ou même celles de societé civile au Congo ne publient ni propositions, ni des réflexions sur l´armée et ses membres.
Comme les travaux de mr Wongo l´ont suffisament démontrés, il n´existe pas une « armée » mais des « amées » au Congo. Il suffit de relire le travail de mr Wondo sur la defaite du M 23 pour decouvrir comment la planification de l´offensive des FARDC devait tenir compte des implications de la Garde Présidentielle qui possede sa propre chaine de commandement, des unités des forces spéciales autonomes et des forces dite « regulières » des FARDC.
Le point de depart pour commencer á s´adresser aux militaires est la réflexion, la planification… On ne peut pas improviser un rapprochement avec une institution si sensible qui possede une longue tradition où elle a toujours été au service de ceux qui dirigent le pays.
Convaincre les militaires congolais, tout un programme.
GHOST
says:¤ TRANSITION ?
Quelle est la place des militaires dans cette « transition » ? Les militaires congolais ne souhaitent pas revivre « Apres l´indépendance = avant l´indépendance »
Plus de 50 ans après l´indépendance, ces militaires sont logés dans les bases et casernes militaires vetustes héritées de la Force Publique.
Ceux qui souhaitent avoir les militaires avec « eux » devraient sans doute bien réflechir quand ils doivent apporter des reponses precises aux militaires congolais.
La transition va-t-elle construire les bases et les casernes militaires modernes qu´attendent les militaires congolais depuis plus de 50 ans? Pendant la transition, les miltaires congolais voudront savoir s´ils vont aller au combat pour faire face aux milices envoyées par le Rwanda et l´Ouganda qu´avec des simples fusiles Ak-47, même pas assez des munitions pour tenir deux heures de combat, sans rations alimentaires ni une couverture médicale, ni artillerie, ni drones de reconnaissance, ni hélicoptères de transport lourd capables d´inserer ou d´extraire les unités speciales, ni même véhicules blindés pour les proteger pendant la progression?
Ces militaires vont vouloir savoir qui va prendre soin des veuves et des orphelins qu´ils vont laisser s´ils sont tués au combat?
En bref, « AVANT L´INDEPENDANCE = APRES L´INDEPENDANCE » …car sur certains sites congolais on retrouve pratiquement la même solution improvisée en 1960 par le gouvernement Lumumba: On avait fait des ex sous-officiers de la Force Publique des généraux de la nouvelle armée au Congo, sans formation, sans selection, sans « transition ».
Maintenant on nous propose comme solution magique, les ex FAZ qui ont depassés 50 ans depuis très longtemps. Des Braves officiers formés pendant la Guerre Froide depassés la planification avec le « Power Point », les techniques de « contre-insurection » basées sur « l´ISR », l´importance de la superiorité logistique… en bref, des officiers d´un autre temps qui ne possedent plus les facultés physiques ou intellectuelles pour diriger une armée qui doit imperativement accèder aux technologies militaires modernes afin de faire pencher la balance face aux pays voisins predateurs.
Entre nous…même GHOST, il a depassé 50 ans.. courir sous la pluie, dormir dans la boue, escalader les colines du Kivu… c´est lui demander plus qu´il ne peut accomplir !
Entre nous, réflechissez bien quand vous voulez vous adresser aux militaires congolais qui esperent mieux et meritent mieux qu´un « avant l´indépendance = á l´après l´indépendance »