Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 19-01-2018 06:30
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La guerre pour et/ou contre le glissement de Kabila vient de commencer à l’Est de la RDC – JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

La guerre pour et/ou contre le glissement de Kabila vient de commencer à l’Est de la RDC

Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Depuis le 31 décembre 2017, la RDC est rentrée dans une situation de non droit par le fait de l’illégitimité et de l’illégalité des institutions républicaines électives. Dès cette date, Joseph Kabila se maintient désormais au pouvoir par la force en violant la Constitution  congolaise qui lui interdit de se maintenir au pouvoir au-delà de son deuxième mandat. Depuis, le « président hors-mandat » et sa famille politique multiplient des subterfuges et des intrigues pour retarder ou éviter d’organiser les élections telles que prévues initialement par la Constitution, puis par l’accord de la Saint-Sylvestre de décembre 2016 qui prolongeait son mandat jusqu’au 31 décembre 2017.  Pour ce faire, il a monté autour de la centrale électorale, la CENI, toute sa stratégie du glissement au pouvoir. Une autre ressource utile pour Kabila qui lui réussit très bien depuis son accession au pouvoir est de maintenir la partie orientale de la RDC dans une situation permanente de non paix. Cette région de la RDC vit depuis plus de 20 ans une situation cyclique de guerre entrecoupée par de petites périodes de paix. Depuis 2016, Kabila a étendu l’insécurité du pays dans les autres provinces, notamment dans les anciennes provinces du Kasaï.
Selon notre collègue chercheur du GRIP, Georges Berghezan avec qui on a discuté pendant la préparation de son dernier article, « Ce phénomène [Ndlr ; de prolifération des groupes armés] a été favorisé par la déliquescence de l’État congolais (…). En outre, l’obstination de Joseph Kabila à rester coûte que coûte au pouvoir fait dire à certains que seule la pression des armes parviendra à le faire partir. Cela n’empêche pas de nombreux observateurs de considérer que l’instabilité dans l’Est est délibérément entretenue par Kinshasa afin de justifier la non-tenue d’élection (…). Quoi qu’il en soit, il semble certain que tant que la même équipe restera aux commandes de la RDC, les groupes armés congolais et étrangers continueront à proliférer et à jeter sur les routes des milliers de familles dont ils prétendent être les porte-parole et les protecteurs »[1].

La guerre en RDC reste effectivement une ressource à la disposition de Joseph Kabila et des leaders régionaux pour maintenir des dividendes politiques dans leurs pays respectifs. La présente analyse tente de démontrer par des informations confidentielles et des documents originaux parvenus à DESC, la stratégie du régime de Kabila qui consiste à créer l’insécurité planifiée ou à faire face à une nouvelle guerre à l’Est en vue de consolider son maintien au pouvoir.

Le Général Marcel Mbangu Mashita, Commandant de l’Opération SUKOLA 1 au Nord-Kivu, son Etat-Major, quelques officiers du Sous-secteur de BENI et du 3204è régiment visitent le tronçon Opira-Mont ATOKAKA quelques heures après une embuscade ennemie. Photos FARDC_12 avril 2016

Une nouvelle opération de grande envergure alors qu’il n’y a aucun bilan concret des opérations Sokola 1 et 2 aux Kivu

Selon la Radio Okapi, « Nord-Kivu : les FARDC ont lancé une opération de grande envergure pour restaurer la paix et la sécurité dans la région de Beni, au Nord-Kivu ». L’information a été donnée par le commandant du secteur opérationnel Sokola 1 Grand nord, le général Marcel Mbangu[2].

« Nous sommes tous conscients de la situation que traverse le territoire de Beni ainsi que le territoire de Lubero. Depuis ce matin [samedi 13 janvier], le secteur opérationnel Sokola 1 Grand nord a décidé de lancer une opération offensive générale et généralisée notamment contre le phénomène ADF ainsi que tous les autres groupes armés qui écument le Grand nord. Cette fois-ci c’est pour nous la dernière, nous allons nous battre jusqu’au dernier sacrifice, donc le sacrifice suprême, de manière à restaurer la paix et la sécurité dans ces territoires », promet le général Marcel Mbangu.

Il fait remarquer que ces opérations se feront dans le respect des droits de l’homme : « Tous les militaires sont instruits sur le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Désormais, le travail commence à la date de ce 13 janvier 2018 et j’en appelle donc à la population d’être vigilante, de signaler et dénoncer tout mouvement suspect », peut-on lire sur le site de la Radio Okapi.

L’annonce de la nouvelle opération militaire de grande envergure au Nord-Kivu survient quatre ans après le lancement de l’opération Sukola 1 contre les ADF à Beni, en janvier 2014, et trois ans après le lancement de l’opération Sukola 2 contre les FDLR au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, en janvier 2015[3]. Bien avant, en janvier 2009, une opération militaire conjointe rwando-congolaise, dénommée « Umoja wetu », avait été lancée dans le Kivu. Quatre mois plus tard, en mai 2009, une coalition FARDC-ex-CNDP lançait l’opération « Kimia II ». En janvier 2010 suivait une autre opération baptisée Amani leo (la paix aujourd’hui, en kiswahili). « La paix aujourd’hui »… c’était en 2010 ! Huit ans plus tard, la situation sécuritaire de la région reste chaotique. Elle a même empiré, si l’on en croit la prolifération des groupes armés dont le nombre est passé d’une vingtaine, en 2013, à 132 en 2018[4], soit une augmentation de plus de 400%.

Vers une nouvelle guerre transnationale en RDC et le rôle ambigu de l’Ouganda ?

On ne peut analyser efficacement la situation actuelle à l’Est de la RDC que lorsqu’on ouvre l’angle d’analyse sur l’impact sous régional de la crise congolaise ou les enjeux sous-jacents des intérêts du Rwanda et de l’Ouganda en RDC, particulièrement. Il se fait que depuis ces trois derniers mois, le Rwanda et l’Ouganda entretiennent des relations très tendues. Les deux pays n’auraient pas les mêmes vues sur la crise congolaise. Le Rwanda, dont le maintien de Kabila au pouvoir reste crucial et stratégique, soutient encore Kabila, via notamment ses militaires intégrés dans l’armée ou par les ex-M23 interposés. Quant à l’Ouganda, plusieurs informations convergentes soutiennent qu’il militerait pour le départ de Kabila. Kampala est courtisée à la fois par Kabila et par une certaine opposition.

La position ambiguë de Kampala s’expliquerait au fait que Museveni voudrait entretenir de bonnes relations avec tous les acteurs politiques congolais, sans exclusive, afin de cogérer dans un deal win win les retombées économiques de l’exploitation des ressources pétrolières et naturelles de la Zone de Virunga et de Ruwenzori. Ainsi, depuis 2016, des membres de l’opposition congolaise semblent s’être rapprochés de l’Ouganda. Kinshasa a vu dans ce rapprochement un le début de soutien militaire possible de l’Ouganda aux groupes armés locaux qui commençaient à se coaliser contre son pouvoir. Cela a refroidi les relations entre l’Ouganda et la RDC. C’est ce qui a amené Joseph Kabila à faire le déplacement une première fois à Kasese, en août 2016, pour amorcer une tentative d’apaisement et de réconciliation avec Museveni[5]. Il s’est à nouveau rendu au Nord-Kivu en décembre 2017 pour discuter avec les autorités militaires ougandaises sur les questions sécuritaires entre les deux pays. Plus récemment, il aurait tenté, en vain, de convaincre Museveni de le soutenir dans le cadre d’une opération conjointe FARDC – UPDF (l’armée ougandaise), dans le Kasaï. En réalité, il s’agissait de mener des actions aux portes de l’Angola au motif d’y poursuivre les miliciens Kamuina Nsapu. Mais pour le moment, Museveni entretient toujours le flou sur le rôle qu’il croit pouvoir jouer au Congo. Pourtant, Kabila lui tend la main avec insistance, notamment à la lumière du redéploiement des forces sur le territoire national.

Pour l’analyste Boniface Musavuli : « la concentration des moyens militaires en cours dans les régions de l’Est, par Kabila, dont la survie politique à Kinshasa est incertaine, se lit comme une main tendue à ses parrains Museveni et Kagame pour les convier à former une coalition militaire avec certaines unités FARDC qui lui sont fidèles et prendre solidement position sur le sol congolais. Cette triple alliance devrait à la fois servir de zone de repli pour Kabila, de chantage sécuritaire sur le prochain président congolais, et surtout de manne économique pour les deux pays voisins, dont il faut rappeler qu’ils sont alimentés depuis deux décennies par le pillage de cette riche partie du Congo. En contrôlant militairement ces provinces, ils pourront imposer leurs agendas au prochain président  de la RDC, quelle que soit la manière dont le règne de Kabila se terminera ». Reste que les deux pays ont beaucoup de comptes à régler entre eux, et davantage.

En effet, Museveni est confronté à plusieurs défis qui devraient gêner son engagement au Congo. Échaudé par la condamnation de son pays par la Cour internationale de justice, en 2005, pour agression et occupation du Congo, il veille à trouver un argument acceptable dans l’opinion internationale pour légitimer son nouveau déploiement militaire sur le sol congolais. D’où la rhétorique sur les « terroristes islamistes ADF ». L’autre défi pour l’Ouganda tient au comportement de son turbulent voisin rwandais. Il doit le tenir à l’œil, depuis que les deux pays sont engagés dans un conflit latent qui a failli être fatal à Kampala en raison notamment des infiltrations d’agents rwandais dans ses services de sécurité sur l’exemple des infiltrations qui paralysent l’appareil étatique de la RDC. L’arrestation d’Antipas Mbusa Nyamwisi en octobre 2017, à Entebbe, et sa libération sur ordre direct de la présidence ougandaise, a révélé le degré d’infiltration des services de sécurité ougandais par le Rwanda[6] et la tension entre les deux pays, les infiltrés rwandais en Ouganda opérant de concert avec la Démiap (les services des renseignements militaires) de Joseph Kabila. Depuis, environ 47 responsables sécuritaires ougandais, à la solde du Rwanda de par leurs origines biologiques tutsies et leurs complices sont aux arrêts[7].

Selon une source sécuritaire ougandaise, la tension est montée d’un cran entre le Rwanda et l’Ouganda ces derniers jours. Les services de sécurité ougandais viennent de déjouer un vaste complot d’assassinat du président Yoweri Museveni par des éléments infiltrés rwandais aux ordres de James Kabarebe, le ministre rwandais de la Défense, le bras armé de Paul Kagame dans la région. Ils s’étaient appuyés sur des éléments rwandophones proches de l’entourage sécuritaire de Museveni[8]. Selon une source militaire congolaise en contact avec James Kabarebe, le Rwanda se prépare sérieusement à agir à la fois en RDC et en Ouganda. Les manœuvres militaires « FTX[9] » qui ont eu lieu les 10 et 11 novembre 2017 au Centre d’Instruction du Camp militaire de Gabiro en District Gatsibo, Province de l’Est du Rwanda, auxquelles ont assisté Kagame[10] et la haute hiérarchie des RDF, l’armée rwandaise, sont un indice d’une nouvelle guerre qui guette les Grands-Lacs. Cela doit être pris très aux sérieux.

Quant aux relations entre Kampala et Kinshasa, il faut rappeler qu’elles ne sont pas au beau fixe. Elles se sont même détériorées depuis 2016, lorsque les autorités ougandaises, en contact avec les responsables de la communauté Yira de Beni-Lubero, ont commencé à comprendre la supercherie autour des massacres de Beni. Les massacres que la communauté Nande attribue aux éléments rwandophones en collusion avec le Rwanda et Kabila dans une stratégie de dépeuplement de leurs terroirs pour y installer des populations rwandaises[11]. La démarche ne semble vraiment pas aboutie d’autant qu’en août 2017, des opposants congolais dont Mbusa Nyamwisi se sont retrouvés à Kampala.

Ainsi, pour forcer Kampala à agir aux côtés des FARDC, les autorités congolaises en intelligence avec les éléments rwandophones des FARDC et des militaires à la solde du général Akili Muhindo Mundos ont planifié l’attaque des casques bleus tanzaniens. Les Tanzaniens étaient déterminants dans la débâcle de la rébellion M23, créée par le Rwanda en collusion avec Kabila[12]. Depuis, Kinshasa essaie de convaincre Kampala de mener des actions conjointes contre les présumés « ADF » alors que derrière cette stratégie, Kinshasa veut obtenir le concours ougandais pour l’aider à se débarrasser des groupes armés locaux devenus de plus en plus hostiles à son pouvoir et au Rwanda. D’ailleurs, le général Etumba a encore séjourné à Kampala le weekend du 13 janvier 2018 pour tenter de convaincre à nouveau les autorités ougandaises. La thèse de l’éradication des islamistes ou des « ADF » reste le seul  alibi consensuel, mais fallacieux, derrière lequel tous ces acteurs régionaux entendent à nouveau opérer sur le sol congolais, chacun y poursuivant ses propres objectifs économiques et stratégiques différents des autres.

Une guerre dont les prémisses ont commencé à se manifester au lendemain de la fin du mandat constitutionnel de Kabila en décembre 2016

Un des bilans le plus négatif de Joseph Kabila est d’avoir été incapable, faute de volonté politique, de mettre fin à la situation sécuritaire instable à l’Est de la RDC, son bastion électoral, depuis son arrivée au pouvoir en 2001. Par conséquent, plusieurs groupes armés locaux se sont coalisés dès 2017 au Nord-Kivu comme au Sud-Kivu pour tenter de le chasser militairement en invoquant l’article 64 de la Constitution.

C’est le cas par exemple des groupes armés du Mouvement National Révolutionnaire (MNR) et Les Corps du Christ qui ont fait éruption au Nord-Kivu. Le MNR avait revendiqué l’attaque de la localité de Kabasha, dans la nuit du 18 au 19 juin 2017, après de violents affrontements avec les FARDC appuyés par les hélicoptères de la MONUSCO[13]. Il a également attaqué la ville de Beni le 22 juin 2017. Le MNR, une coalition de quelques groupes armés du Nord-Kivu, aurait bénéficié de complicités dans les rangs des officiers FARDC sur place à Beni. Tandis que la direction de milice Maï-Maï Corps du Christ était revendiquée par le chef de guerre Bwambale Kakolele appelé « Aigle Blanc »[14] qui promettait d’éradiquer les massacreurs de Beni. Il déclarait disposer de trois bataillons dans la vallée de la Semliki.

Parmi les leaders du MNR, le nom de l’un des ex-présidents de l’AFDL, le Tutsi Déogracias Bugera, qui a quitté l’Afrique du Sud pour s’installer à Kampala a été cité. Il avait tenté en vain d’obtenir le soutien de l’Angola. Il y avait aussi le colonel Richard Bisamaza, ancien commandant du 1er secteur des FARDC basé à Beni. Il avait fait défection des FARDC en avril 2012 pour tenter de rejoindre le M23. Il est souvent aperçu à Kampala. Pour donner au mouvement une connotation « congolaise », l’ancien chef maï-maï Lafontaine Sikuli, en exil en Ouganda après avoir perdu les territoires sous son contrôle dans le Sud-Lubero, aurait également fait  partie de cette coalition.

Nous rappelons également du double crash de deux hélicoptères de combat des FARDC) qui se sont écrasés le 27 janvier dans le territoire de Rutshuru au Nord-Kivu. Ces incidents étaient survenus après la création d’un autre groupe armé dénommé CMC (Coalition des Mouvements pour le Changement) qui déclarait fédérer des groupes rebelles de l’Est de la RDC (Sud-Kivu, Nord-Kivu et Ituri) en décembre  2016. Le CMC déclarait vouloir mener une guerre pour contraindre Kabila à quitter le pouvoir dans le cadre de l’application de l’article 64 de la Constitution, selon son porte-parole, Juvénal Jules Mulumba[15].

Le Sud-Kivu quant à lui a vu la résurgence  des Maï-Maï Yakutumba et du groupe armé AA64 qui ont mené quelques offensives repoussées à chaque fois par les FARDC appuyées par la MONUSCO[16]. Ces mêmes groupes, sous des nouvelles appellations, pourraient mener des attaques prochainement au Sud-Kivu.

Des renforts militaires considérables, dont russes, depuis décembre 2017

C’est depuis fin décembre 2017 que plusieurs observateurs civils et militaires ont fait état de mouvements intenses de troupes et de matériels militaires ont lieux vers Kisangani, Kindu, Bunia et Kalemie dans le but d’y amener du renfort militaire conséquent en vue de nettoyer complètement la partie orientale de la RDC des groupes armés nationaux qui commençaient à se fédérer pour mener une rébellion contre le régime de Kabila. C’est l’information parvenue à DESC via les renseignements militaires congolais et confirmée par la Directive Opérationnelle (DIR OPS) rédigée manuellement par le général d’armée Didier Etumba, le chef d’état-major général des FARDC, qu’un vent favorable a fait parvenir à DESC. Kinshasa a annoncé un renfort supplémentaire de 7.000 hommes alors que la zone est déjà sursaturée en effectifs militaires opérationnels déployés sur le terrain, estimés à plus de 35.000 au Sud-Kivu et au Nord-Kivu[17].

Selon les éléments déchiffrés de cette directive opérationnelle, il s’agit d’un document écrit par le chef d’état-major général des FARDC destiné aux commandants des différentes unités de l’Est du pays (depuis l’Ituri, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu jusqu’à Tanganyika et dans le Maniema) pour alerter de la résurgence des groupes armés étrangers et locaux dont principalement les ADF au Nord-Kivu et les Yakutumba au Sud-Kivu. Cette note vise à leur transmettre une validation d’envoi de soutiens opérationnels en vue de les neutraliser, d’assurer la protection de la population et de rétablir l’autorité de l’Etat. Le soutien concerne la mise à disposition des moyens aériens (Antonov 26 à Goma et Bukavu au profit de BLIAT & FNL (probablement les éléments rebelles hutus burundais en renfort aux FARDC au Sud-Kivu) et autres opérations en coordination avec les unités de la MONUSCO.

Ces renforts se sont accompagnés du déplacement du général Etumba qui séjourne à Beni et à Kisangani depuis début janvier 2018, où il a installé un grand quartier général opérationnel pour coordonner les futures opérations militaires qui viennent d’être lancées.

Directive Opérationnelle du Chef d’état-major des FARDC aux unités déployées à l’Est de la RDC

Alors que Kabila avait plutôt amassé le gros du matériel militaire à Kinshasa, par crainte d’y être renversé via un coup d’Etat militaire, le Haut commandement de la défense a décidé de prélever des chars de combats et autres armements lourds de la base de Mbakana, aux portes de l’ex-Bandundu, qui est considérée par le régime comme la réserve opérationnelle et personnelle stratégique de Joseph Kabila pour les expédier urgemment à l’Est de la RDC, nous confie une source militaire. « D’habitude, c’est la base de Kibomango ou la base logistique centrale au camp Kokolo à Kinshasa qui servent d’approvisionnement à l’arrière-pays. C’est une première que le président décide que Mbakana approvisionne l’Est du pays. Cela veut dire que la menace est très grave et est pris très au sérieux par le pré-carré sécuritaire du Président », nous informe notre source.

Selon d’autres informations supplémentaires parvenues à DESC, le chef de la Maison militaire du président et chef d’état-major particulier de Kabila, le général François Olenga, a séjourné à Moscou en fin décembre 2017. Sa mission consistait à demander un soutien militaire direct de la Russie en moyens logistiques et des renseignements militaires appelés SIMINT & SIGINT (images satellites, interception et brouillages de communications) avec un état des besoins détaillé et chiffré. Cette requête a été  immédiatement acceptée par les autorités russes. Elles ont mis à la disposition du général Olenga des avions militaires de transport Iliouchine 76 Candid et Antonov 124 Condor. Par mesure de précaution et pour ne pas éveiller les soupçons, ces avions  sont repeints avec les insignes et cocardes des FARDC, au départ de MOSCOU afin de transporter et d’acheminer les troupes et les matériels de divers points du pays vers l’Est.

Par ailleurs, un pont aérien entre Sébastopol (en Crimée russe) et Kisangani (QG central/OPS et bases logistique principale) a été mis en place pour acheminer directement les matériels militaires. Les armes et la logistique sont ensuite acheminées de Kisangani vers les différents points de renfort à Goma, Bukavu, Beni, Bunia, Kindu et Kalemie. D’autres cargaisons militaires en provenance de Russie sont en cours d’acheminement par bateaux vers les ports de Matadi, de Boma et Dar-es-Salam (Tanzanie). Afin d’appuyer le dispositif en appui-feux des FARDC, la task force de la GR a été considérablement renforcée par des effectifs supplémentaires et placée sous le commandement du colonel TEM[18] Mike Mikombe et supervisée directement par le commandant de la GR, le général de brigade Gaston-Hughes Ilunga Kampete qui a également installé son QG à Kisangani.

Au Sud-Kivu, où la menace devient de plus en plus pressante, Kabila a nommé le général de brigade Philémon Yav, ancien commandant de la 22ème région militaire de l’ex-Katanga, au poste de commandant de l’opération Sokola 2, en remplacement du général de brigade Gustave Bwange Safari nommé commandant ad intérim de la 22ème région militaire à Lubumbashi. Il lui est reproché des insuffisances dans le commandement et aussi soupçonné à tort ou à raison d’être en intelligence avec ses anciens compagnons d’armes maï-maï. C’est suite à l’incendie de la résidence de Kabile à Musienene, dans le Nord-Kivu, que cette opération militaire d’envergure, planifiée depuis plusieurs mois, a été rapidement mise en œuvre.

Selon notre source, « le président Kabila était dans un état de colère noire après cet incendie. Il a dès lors sommé les généraux Etumba et Olenga de régler définitivement cette histoire d’insécurité à l’Est. Et s’ils se montrent incapables de le faire, il va nommer d’autres personnes à leur place pour le faire. La réhabilitation du général John Numbi pèse déjà comme une épée de Damoclès sur ces deux hauts gradés des FARDC.   Et vu que le général Etumba se plaint toujours du manque de moyens matériels militaires sophistiqués, lourds et en grand nombre mis à sa disposition, Kabila a finalement accédé à sa requête en prélevant les armes lourdes, des chars et des véhicules blindés de la base de Mbakana pour les opérations à l’Est du pays, mais sous la supervision de son autre homme de confiance, le général de brigade Jean Claude Yav, l’adjoint du général Olenga à la Maison militaire et responsable des renseignements militaires, qui se trouve aussi à Kisangani.

Ces opérations ont été lancées précipitamment alors que des renforts en chars de combats et pièces d’artillerie lourdes ainsi qu’en moyens de soutien aériens (avions de combat et hélicoptères de combat et de transport sont encore en cours d’acheminement) ainsi que les supports en munitions et en carburants.

2018 sera la guerre de survie pour Kabila au détriment des élections

C’est la conclusion prospective des faits marquants qui risquent d’émailler cette année qui semble de trop pour Kabila. Alors qu’il feint de se lancer en vain dans un processus électoral censé lui succéder à la tête du pays, c’est effectivement sur le terrain militaire que Joseph Kabila affûte ses armes politiques pour contrer toute tentative visant à le chasser pacifiquement ou militairement du pouvoir qu’il occupe illégalement depuis le 1er janvier 2018. Ce stratagème est brillamment mis à nu par l’analyste Boniface Musavuli qui a démontré que le maintien de Joseph Kabila à la tête du pays reposera sur « sa capacité à produire de la violence répressive »[19]. La répression sanglante du 31 décembre en est une première illustration. Les opérations lancées ce 13 janvier 2018 en constituent une seconde phase. Seule la riposte armée ou impliquant les militaires mettra fin à l’aventure de Joseph Kabila à la tête du pays. Les conciliabules politiques et les marches pacifiques ne sont désormais plus que des commérages. De ces éléments, on peut conclure que l’élection de décembre 2018 ne se tiendra probablement pas. Sauf si Joseph Kabila obtient ce à quoi il s’attend : un plomb dans sa tête.

Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC

Références

[1] Georges Berghezan, Est du Congo : à qui profite la prolifération des groupes armés ? GRIP, 03 Janvier 2018, http://www.grip.org/fr/node/2500.

[2] Radio Okapi, 13 janvier 2018, Nord-Kivu : les FARDC lancent une opération de grande envergure pour restaurer la paix et la sécurité dans la région de Beni.

[3] http://afridesk.org/fr/loperation-sokola-2-contre-les-fdlr-quand-le-bluff-tactique-tourne-au-ridicule-jj-wondo/.

[4] http://www.congoforum.be/upldocs/Landscape%20of%20Armed%20Groups%20Essay%20KST%20FR.pdf.

[5] JJ Wondo, DESC confidentiel : Le séjour de Kabila à Kasese et à Beni : des signaux inquiétants. DESC, 23 août 2016, http://afridesk.org/fr/desc-confidentiel-le-sejour-de-kabila-a-kasese-et-a-beni-des-signaux-inquietants/.

[6] http://www.monitor.co.ug/News/National/Story-behind-CMI-arrest-police-officers/688334-4187226-h29t7oz/index.html.

[7] http://afridesk.org/fr/enjeux-de-fin-de-laccord-de-saint-sylvestre-revue-strategique-de-crise-congolaise-prospective-jj-wondo/.

[8] Le complot a été révélé dans une lettre publiée sur : http://www.therwandan.com/blog/sergeant-issa-furaha-arinaitwes-letter-to-president-museveni/.

[9] FTX  (field training exercise) est un jargon OTAN militaire uniformisé qui signifie un exercice mené sur le terrain dans des conditions de guerre simulées au cours desquelles des unités participent avec des troupes et de l’équipement.

[10] http://fr.igihe.com/securite/le-president-paul-kagame-assiste-aux-exercices.html.

[11] Boniface Musavuli, Livre : LES MASSACRES DE BENI – Kabila, le Rwanda et les faux islamistes, Amazon, Juillet 2017.

[12] http://afridesk.org/fr/lattaque-des-casques-bleus-a-beni-la-revanche-rwandaise-sur-les-troupes-tanzaniennes/.

[13] http://afridesk.org/fr/le-mnr-coalition-des-groupes-armes-du-nord-kivu-attaque-beni-analyse-de-jj-wondo/.

[14] Kakolele est un vieux maquisard connu pour avoir servi dans plusieurs mouvements armés de l’Est du Congo et même sous l’uniforme des FARDC après la réunification du pays en 2003. Il a sévi dans les provinces d’Ituri et du Nord-Kivu en qualité de bras droit de Thomas Lubanga dans l’UPC (Union des patriotes congolais). Selon nos différentes sources, Kakolele avait entrepris, depuis la deuxième moitié de 2016, des contacts auprès de plusieurs membres du M23 à Kampala et à Kigali. Il leur avait fait savoir qu’il était le chef de tous les mouvements Maï-Maï qui naissent dans les territoires de Beni et de Lubero contre les présumés ADF.

[15] http://afridesk.org/fr/rdc-les-crases-des-helicopteres-larmee-congolaise-cache-la-verite-analyse-de-desc/.

[16] http://afridesk.org/fr/jusquou-macron-veut-aller-soutien-militaire-regime-de-kabila-jj-wondo/.

[17] Effectifs estimés par DESC en 2016 des militaires déployés dans les 33ème et 34ème régions militaires correspondant respectivement au Sud-Kivu et au Nord-Kivu.

[18] Technicien d’état-major.

[19] Boniface Musavuli, Kabila-2018 : Le pouvoir ou le pouvoir, il va tenter le diable, DESC, 10 janvier 2018, http://afridesk.org/fr/kabila-2018-pouvoir-pouvoir-tenter-diable-b-musavuli/.

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2 Comments on “La guerre pour et/ou contre le glissement de Kabila vient de commencer à l’Est de la RDC – JJ Wondo”

  • GHOST

    says:

    TOUT SE JOUE DANS LA RUE Á KINSHASA

    Les milices armées peuvent toujours continuer á être une menace pour Kabila, mais la menace la plus crédible se trouve dans la rue á Kin.

    12 millions des congolais résident dans la capiitale, une armée des femmes et des hommes immense! Si seulement un leader religieux ou politique peut gagner la confiance de 3 millions des kinoises et kinois..et decide de se placer en tête des manifestations en prenant le risque de se faire tuer dans la rue, il n´existe aucune armée sur cette planète capable de massacrer 1 million des femmes et des hommes sans armes.

    Kabila peut toujours utiliser le système d´artillerie de saturation BM-21, envoyer les hélicoptères de combat ou les avions Sukhoi bombarder les zones populaires de la planète, mais massacrer 1 million des kinois est une option suicidaire et impossible.

    La guerre qui menace le plus Kabila se trouve dans la rue

  • GHOST

    says:

    DANS LA RUE, TOUS DANS LA RUE !

    L´église catholique fait mieux.. des manifestations de « proximité » avec comme point de départ des paroisses où les églises assistent á la messe avant de se lancer dans la rue affronter « pacifiquement » les tirs de gaz lacrimogene et souvent des tirs á balles réelles.
    Pire, un auto-blindé a aussi tiré sur une église et une fille est morte, assassinée devant tous le monde !

    Les congolais ne sont pas des « kamikazes » et n´ont jamais possedés la culture du suicide ! Mais, la victoire… se trouve dans la rue.

    Ce dimanche 21 janvier, ils ont été dans la rue dans toutes les grandes villes du Congo. Ils ont fait face pacifiquement, sans violence á la répression. Ils partagent enfin cette unité mentale où ils savent qu´ils ont le nombre dans leur camp et n´ont plus peur.

    https://afrique.lalibre.be/13848/rdc-la-police-tire-a-balles-reelles-sur-des-marcheurs-pacifiques/

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Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 14:09:35| 781 0
HONORABLE PATRIOTE SERGE WELO OMANYUNDU DANS NOS COEURS
Ce 5 novembre 2024, cela fera un an que le Député Honoraire Serge Welo OMANYUNDU nous a quittés.Nous, sa famille… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK