Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 06-04-2015 09:25
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Coups d’État et militarocratie en Afrique post-indépendance – JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Coups d’État et militarocratie en Afrique post-indépendance

Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Cette analyse, publiée pour la première fois le 14 juin 2014, décrit les types de régimes majoritaires qui ont eu cours en Afrique, au lendemain des indépendances jusqu’à ce jour. Elle montre comment la plupart des régimes africains étaient et restent allergiques au concept de démocratie, même si sur papier, les constitutions de ces pays se réfèrent à cette notion. Enfin, de manière prémonitoire, comme souvent c’est le cas dans les analyses prospectives de DESC, la conclusion de l’article montrait noir sur blanc ce qui allait se passer dans certains pays, notamment le Burkina Faso, si leurs présidents s’entêtaient à se maintenir au pouvoir en voulant modifier la constitution. Ce qui est vrai pour le Burkina Faso le sera sans doute pour le Burundi et les deux Congo, car les fondements de la crise sont les mêmes. Nous reprenons ci-dessous cette conclusion:

Pour DESC, c’est vraisemblablement vers le recours à ce type d’alternance violente et non démocratique au pouvoir qu’il faille sans doute s’attendre dans les prochaines années dans des pays comme les deux Congo, l’Angola, le Rwanda, le Burkina Faso, le Tchad, le Zimbabwe, le Cameroun et l’Ouganda si à l’échéance de leurs mandats actuels respectifs, les présidents de ces pays se maintiennent au pouvoir en violation de leurs Constitutions respectives et contre la volonté de leurs peuples. Les coups d’Etat surviennent souvent lorsque la démocratie montre ses limites.

40 % des régimes à base militaire en Afrique entre 1960 et fin des années 1980

mobutu AfriqueEntre 1960 et la fin des années 1980, 40 % des régimes africains avaient une origine militaire (Crawford Young, The postcolonial State, Wisconsin, 2012, p.197).

L’Afrique s’est particulièrement distinguée en étant le continent qui, depuis la période de l’accession à l’indépendance entre les années 1950 et 1960, est quasi permanent secoué par des guerres sanglantes de tout type.

Déjà dans le milieu des années 1960, trois États géants de l’Afrique subsaharienne s’étaient engouffrés dans des guerres civiles :

  • Congo-Kinshasa, après un retour apparent au calme  entre 1961-1963, était plongé dans une vague de rébellions affectant le tiers de son territoire entre 1964-1965.
  • Le Nigeria était confronté à une amère guerre civile de 1967 à 1970, lorsque les Igbo tentèrent de dominer la parie orientale du territoire en menant une sécession infructueuse.
  • Les provinces sud du Soudan étaient également durant la même période en proie aux velléités séparatistes insurrectionnelles suite à leur marginalisation par le pouvoir de Khartoum.

Dans ces trois pays susmentionnés à titre d’exemple et dans plusieurs pays africains, ce furent des régimes militaires monopartites qui se mettent en place (Egypte, Libye, Mali, Togo, Centrafrique, Ouganda, Congo-Brazza, Ethiopie, Cameroun, Zambie, Angola…). De leur part, les régimes africains à parti unique qui échappèrent aux interventions militaires, connurent des régimes autocratiques, voire totalitaires (Algérie, Tunisie, Benin, Côte d’Ivoire, Ghana, Gabon).

Le déficit d’alternance politique pacifique en Afrique est un fléau qui attise la déception des populations africaines à l’égard de l’importation de la démocratie à l’occidentale. Hormis quelques rares cas, comme nous le verrons ci-dessous, l’alternance au pouvoir en Afrique reste marginale au point que dans certains pays, seul un coup de force reste le recours ultime pour y parvenir. Les évènements récents en Guinée, au Mali, en RDC (1997, 2001), en RCA… nous rappellent cette triste réalité. Les Africains, notamment leurs élites intellectuelles, avaient vainement nourri l’espoir que le discours de François Mitterrand à La Baule, appelant les dirigeants africains à une libéralisation politique par la démocratisation de leurs institutions et le multipartisme ; et que la chute du mur de Berlin allait permettre à leur continent de connaître un glissement institutionnel des dictatures vers des régimes démocratiques. Hélas, ils sont allés un peu vite en besogne, malgré quelques ilôts d’espoir et d’optimiste ça et là.

Liste de coups d’État

Cette liste ne recense que les coups d’État et non les révolutions ou insurrections.

Les coups d’État ayant échoué sont représentés en vert.

Afrique

Années 1950  PaysAuteurCibleNotes
1952ÉgypteGamal Abdel NasserFarouk IerLe 23 juillet, le Mouvement des officiers libres mené par Nasser destitue le roi Farouk Ier et nomme le général Mohammed Naguib à la Présidence du Conseil de la Révolution. Le nouveau régime contrôle les moyens d’information et les principaux services publics, épure l’administration et abolit la constitution de 1923
1958SoudanIbrahim AbboudAbdallah KhalilLe 17 novembre, les militaires dissolvent le Parlement et suppriment l’alternance des partis à la présidence du Conseil. Le régime se maintient jusqu’en 1964. Abdallah Khalil, alors Premier ministre, fait partie du coup d’État contre son propre gouvernement.

Après l’euphorie des indépendances, l’Afrique des années 1960 est rapidement confrontée par un désenchantement résultant des enjeux géostratégiques du moment marqués par la guerre froide et le néocolonialisme des puissances coloniales qui tenaient absolument à imposer à la tête de leurs anciennes colonies des dirigeants dociles.

Deux pays illustrent cette période. D’abord le Congo-Zaïre en septembre 1960 avec le premier coup de force de Mobutu qui a neutralisé le président Joseph Kasa-Vubu et son rival Patrice Lumumba au profir d’un Collège des commissaires généraux. Il va récidiver en novembre 1965 en déposant Kasa-Vubu pour installer un régime dictatorial qui se maintint au pouvoir pendant 32 ans.

Un autre pays qui a suivi le modèle congolais est le Togo, ce protectorat français qui obtient en avril 1960, le droit de disposer de son destin. C’est naturellement Sylvanus Olympio, un métis polyglotte  (parlant six langues) de sang à la fois brésilien, nigérian et togolais, déjà Premier ministre, qui devient le premier président de la République du Togo.  La souveraineté acquise, il multiplie les vexations à l’égard de l’ancienne puissance tutélaire (La France), diversifiant ses partenaires économiques et financiers, poussant la volonté d’autonomie jusqu’à envisager la sortie de la zone franc… Courant 1962, il commet l’acte qui servira de prétexte à sa déchéance. Il refuse de réintégrer dans la petite armée togolaise, un groupe d’officiers togolais ayant combattu pour la France en Algérie. Parmi ces démobilisés rentrés au pays et livrés à un désœuvrement soudain, un certain Etienne Eyadema Gnassingbé. Il sera le bourreau d’Olympio.  Dans la nuit du 12 au 13 janvier 63, ces demi-soldes furieux et bien armés prennent d’assaut la maison du président paisiblement occupé à rédiger la charte de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA). Alerté, Olympio  se réfugie dans la cour de l’ambassade américaine qui jouxte sa résidence. Il en est délogé par les putschistes qui lui enjoignent de quitter les lieux, Il refuse, on le tue.

«Je l’ai abattu parce qu’il ne voulait pas avancer. Le jour se levait et les gens commençaient d’arriver. Ça pouvait faire un incident. Alors j’ai tiré», se bornera à dire le sergent-chef Eyadema qui se vantera longtemps du forfait.

A la place de Sylvanus Olympio, les militaires placent à la tête de de l’Etat son… beau-frère, et adversaire politique, le très francophile Nicolas Grunitzky, démis 4 ans plus tard par le même Eyadema qui s’installera au pouvoir pour quatre décennies. Ce 13 janvier 1963, à l’aube, le soleil des indépendances a comme une teinte rouge sang. L’Afrique vient de vivre son premier coup d’Etat meurtrier. Le premier d’une longue liste, hélas. (Slate Afrique, 14/08/2008)

Années 1960 

Pays

Auteur

Cible

Notes

1960

Congo-Kinshasa

Mobutu

Kasavubu et Lumumba

Une querelle constitutionnelle oppose le président Kasa-Vubu au premier ministre Lumumba. Mobutu opère un coup de force, neutralise les deux leaders et instaure un Collège des Commissaires généraux composé de jeunes universitaires.

1963

Togo

Gnassingbé Eyadema

Sylvanus Olympio

Le 13 janvier, un coup d’État mené par les vétérans Togolais de l’armée française, dont Gnassingbé Eyadema, conduit à l’assassinat de Sylvanus Olympio par ce dernier. Sylvanus Olympio sera remplacé par un civil, Nicolas Grunitzky

1963

Congo-Brazza

David Moussaka et Félix Mouzabakani

Abbé Fulbert Youlou



1965

Algérie

Houari Boumédiène

Ahmed Ben Bella

Coup d’Etat militaire animé par le colonel Houari Boumédiène ministre de la Défense, à l’issue duquel le président de la République Ahmed Ben Bella est renversé et Boumédiène devient le nouveau président de l’Algérie. (Coup d’État du 19 juin 1965)

1965

Zaïre

Mobutu Sese Seko

Joseph Kasa-Vubu

1966

Haute Volta (Burkina Faso)

Sangoulé Lazamina

Maurice Yaméogo



1966

Burundi

Michel Micombero

Ntare V

1966

Centrafrique

Jean Bédel Bokassa

David Dacko

1966

Nigeria

Johnson Aguiyi-Ironsi

Nnamdi Azikiwe

1966

Nigeria

Yakubu Gowon

Johnson Aguiyi-Ironsi

1966

Ouganda

Milton Obote

Edward Mutesa

1966

Ghana

Joseph Arthur Ankrah

Kwame Nkrumah

1967

Congo

Marien Ngouabi

Debat Massamba

1968

Mali

Moussa Traoré

Modibo Keïta

1969

Libye

Mouammar Kadhafi

Idris Ier

1969

Soudan

Gaafar Nimeiry

Ismail al-Azhari

 

Les années 1970 ont eu pour caractéristique la radicalisation des dictatures militaires au moment où la guerre froide battait son plein. Cette décennie a connu pas moins de 25 coups d’état.

Années 1970  PaysAuteurCibleNotes
1970GhanaIgnatius Kutu AcheamphongEdward Akufo-Addo 
1971OugandaIdi Amin DadaMilton Obote 
1973RwandaJuvénal HabyarimanaGrégoire Kayibanda 
1974ÉthiopieAman Mikael Andom du DergHailé Sélassié Ier 
1974ÉthiopieMengistu Haile MariamAman Andom 
1974NigerSeyni KountchéHamani Diori 
1975ComoresSaïd Mohamed JaffarAhmed Abdallah 
1975NigeriaYakubu GowonJohnson Aguiyi-Ironsi 
1975NigeriaMurtala MohammedYakubu Gowon 
1975TchadNoël Milarew OdingarFrançois Tombalbaye 
1976BurundiJean-Baptiste BagazaMichel Micombero 
1976ComoresAli SoilihSaïd Mohamed Jaffar 
1976NigeriaOlusegun ObasanjoMurtala Mohammed 
1976BurundiJean-Baptiste BagazaMichel Micombero 
1977CongoJoachim Yhombi-OpangoMarien Ngouabi 
1977ÉthiopieMengistu Haile MariamTafari Benti 
1978ComoresSaid AtthoumaniAli Soilih 
1978MauritanieMoustapha Ould SaleckMoktar Ould Daddah 
1978GhanaFrederick Fred William Kwasi AkuffoIgnatius Kutu Acheamphong 
1979MauritanieMohamed Khouna Ould HaidallaMoustapha Ould Saleck 
1979CongoDenis Sassou-NguessoJoachim Yhombi-Opango 
1979CentrafriqueDavid DackoBokassa Ier 
1979Guinée équatorialeTeodoro Obiang Nguema MbasogoFrancisco Macías Nguema 
1979TchadGoukouni OueddeiFélix Malloum 
1979OugandaYusufu LuleIdi Amin Dada 
1979GhanaJerry John RawlingsFrederick Fred William Kwasi Akuffo 

Le début des années 1980 s’est poursuivi dans la même lancée que celle des années 1970 avec 14 coups d’état sur 19 commis entre 1980 et 1985. Vers la deuxième moitié des années 1980, le besoin de l’alternance politique démocratique se faisant de plus en plus pressant, les coups d’état commençaient à être sévèrement condamnés par les soutiens occidentaux.

Années 1980  PaysAuteurCibleNotes
1980Burkina FasoSaye ZerboSangoulé Lamizana 
1980Guinée-BissauJoão Bernardo VieiraLuis de Almeida Cabral 
1980LibériaSamuel DoeWilliam Richard Tolbert 
1981CentrafriqueAndré KolingbaDavid Dacko 
1981GhanaJerry John RawlingsHilla Limann 
1982Burkina FasoJean-Baptiste OuédraogoSaye Zerbo 
1982TchadHissène HabréGoukouni Oueddei 
1983Burkina FasoThomas SankaraJean-Baptiste Ouédraogo 
1983NigeriaMuhammadu BuhariAlhaji Shehu Shagari 
1984GuinéeLansana ContéLouis Lansana Beavogui 
1984MauritanieMaaouiya Ould TayaMohamed Khouna Ould Haidalla 
1985OugandaBazilio Olara OkelloMilton Obote 
1985SoudanSwar al-DahabGaafar Nimeiry 
1985NigeriaIbrahim BabangidaMuhammadu Buhari 
1986SoudanAhmed al-MirghaniSwar al-Dahab 
1987Burkina FasoBlaise CompaoréThomas Sankara 
1987BurundiPierre BuyoyaJean-Baptiste Bagaza 
1987TunisieZine El-Abidine Ben AliHabib BourguibaHabib Bourguiba est destitué pour « raisons de santé »
1989SoudanOmar el-BéchirAhmed al-Mirghani

L’espoir de l’alternance démocratique par la voie des élections a envahi la plupart des États africains dans la première moitié des années 1990, entrainant de ce fait une baisse du nombre des coups d’état. Ce, à la suite des conférences et consultations nationales qui se sont déroulées un peu partout en Afrique dans la foulée de la dynamique démocratique qui a secoué les états totalitaires de l’Europe de l’est au moment de la chute du mur de Berlin. Malheureusement, l’espoir suscité par le mirage démocratique électoral a rapidement laissé la place aux bonnes habitudes de changement des régimes en Afrique dès 1994 avec le génocide rwandais comme point marquant de ce retour au galop du naturel africain repoussé momentanément par la vague des conférences nationales.

Années 1990  PaysAuteurCibleNotes
1990LibériaPrince JohnsonSamuel Doe 
1990TchadIdriss Déby ItnoHissène Habré 
1991MaliAmadou Toumani TouréMoussa Traoré 
1992AlgérieHaut conseil de sécuritéChadli Bendjedid 
1993NigeriaSani AbachaErnest Shonekan 
1994RwandaKagame – FPR L’avion du president Hutu rwandais Habyarimana est abattu le 6 avril par les combatants du FPR selon l’ancien lieutenant Abdul Ruzibiza (décédé depuis), RWANDA: Histoire secrète (Paris:Editions du Panama, 2005). Il s’ensuit une guerre civile au cours de laquelle plusieurs Tutsi et Hutu dits modérés seront massacrés par le Interhamwe. En juillet 1994, le FPR dirigé par Paul Kagame prend le pouvoir
1994GambieYahya JammehDawda Jawara 
1995ComoresAyouba ComboSaid Mohamed Djohar 
1996BurundiPierre BuyoyaSylvestre Ntibantunganya 
1996NigerIbrahim Baré MaïnassaraMahamane Ousmane 
1997Zaïre- République démocratique du CongoLaurent-Désiré KabilaMobutu Sese Seko17 mai 1997, Laurent-Désiré Kabila s’empare du pouvoir à Kinshasa. Le chef des rebelles Laurent-Désiré Kabila s’empare de Kinshasa (capitale du Zaïre), chasse le dictateur Mobutu Sese Seko et s’autoproclame chef de l’État. Il rebaptisera le Zaïre « République démocratique du Congo » et mettra en place un régime autoritaire. L’année suivante, la guerre civile ravagera le pays. En 2001, Kabila sera assassiné et son fils, Joseph Kabila, deviendra président.
1999ComoresAzali AssoumaniTadjidine Ben Said Massounde 
1999Côte d’IvoireRobert GuéïHenri Konan Bédié 
1999Guinée-BissauAnsumane ManéJoão Bernardo Vieira 
1999NigerDaouda Malam WankéIbrahim Baré Maïnassara 

Depuis le début des années 2000, la Guinée Conakry, le Niger et la Centrafrique illustrent les pays où les dirigeants allergiques aux pratiques démocratiques se sont faits renverser par leurs armées.

coup-etat-dadis_camaraAinsi, dans un article du « Monde Diplomatique » de janvier 2004 intitulé Pourquoi tous ces coups d’état en Afrique ?, l’auteur, Pierre Franklin Tavares, recense pas moins de 5 coups d’État ou tentatives de coups  d’État en Afrique de l’ouest entre 2002 et 2003. Les Coups d’Etat en Guinée-Bissau (septembre 2003) et à Sao-Tomé- et-Principe (juillet 2003), tentatives de putsch au Burkina Faso et en Mauritanie (octobre 2003), renversement de M. Charles Taylor par une rébellion au Liberia (août 2003), remous politiques au Sénégal (année 2003), déstabilisation de la Côte d’Ivoire (depuis septembre 2002)… l’Afrique de l’Ouest semble s’être durablement installée dans la crise politique. Et si certains pays y échappent, parmi lesquels le Cap-Vert, le Ghana et le Mali, pour combien de temps seront-ils à l’abri des secousses ? Au total, l’Afrique de l’Ouest se trouve au bord de l’effondrement général.

Pour l’auteur, les crises des années 2000 apparaissent d’une tout autre nature que celles qui affectaient les États africains dans les années qui ont suivi les indépendances. Aux luttes idéologiques de la guerre froide ont succédé une double déstabilisation en raison de l’insertion à marche forcée dans la mondialisation économique, d’une part, et, d’autre part, de la démocratisation improvisée d’États sans moyens. Ces deux phénomènes ont abouti à délégitimer les constructions nationales naissantes et à rendre purement fictive la souveraineté de ces pays.

Par une « ironie tragique », plusieurs phénomènes de nature très différente ont conjugué leurs effets déstabilisateurs : la fin de l’affrontement Est-Ouest, qui structurait la géopolitique africaine ; l’improvisation par les bailleurs de fonds d’une injonction démocratique mal maîtrisée (relayée par le discours de François Mitterrand à La Baule en 1990) ; le nouveau cadre macroéconomique ultralibéral – privatisations sauvages, programmes d’ajustement structurel incohérents et drastiques, plans sociaux déguisés, exploitation éhontée de la main-d’œuvre, prix dérisoires des matières premières et fraudes, mesures commerciales désavantageuses, etc. ; les interventions sauvages des multinationales occidentales et de puissantes banques orientales ; l’explosion de la dette ; les visées de certains États africains (interventions au Tchad et activisme « panafricaniste » de la Libye, (…)

Depuis les années 2000  PaysAuteurCibleNotes
2003CentrafriqueFrançois BozizéAnge-Félix Patassé 
2003Guinée-BissauVerissimo Correia SeabraKumba Yala 
2005MauritanieEly Ould Mohamed VallMaaouiya Ould Taya 
2005TogoFaure GnassingbéFambaré Ouattara NatchabaFaure Gnassingbé empêche Fambaré Ouattara Natchaba président selon la constitution
2008MauritanieMohamed Ould Abdel AzizSidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi 
2008GuinéeMoussa Dadis CamaraGouvernementAprès la mort du Président Lansana Conté le 22 décembre 2008, Moussa Dadis Camara annonce la suspension de la Constitution et de toutes les institutions républicaines ainsi que la dissolution du gouvernement. Le 24 décembre, il s’auto-proclame président de la République de Guinée.
2009MadagascarAndry RajoelinaMarc RavalomananaÀ la suite de mouvements populaires et d’affrontements armés, le 17 mars 2009, le président Ravalomanana remet les pleins pouvoirs à un conseil militaire qui les transfèrent directement à Andry Rajoelina.
2010NigerSalou DjiboMamadou Tandja 
2012MaliAmadou Haya SanogoAmadou Toumani Touré 
2012Guinée-BissauMamadu Ture KurumaCarlos Gomes Júnior 
2013CentrafriqueMichel DjotodiaFrançois Bozizé 
2013ÉgypteArmée égyptienneMohamed MorsiCe coup d’état est en cours.

Sources principales  des tableaux : Wikipedia + recoupements personnels

Faut-il légitimer les coups d’Etat en Afrique ?

Une réflexion sociopolitique s’impose sur la légitimation des Coups d’État compte tenu de leur fréquence en Afrique subsaharienne en particulier. Ce, d’autant qu’ils tendent de plus en plus à s’ériger au modèle effectif d’alternance au pouvoir au sommet de l’Etat. Ce, du fait de la para-démocratie qui s’installe et du déficit d’alternance politique pacifique en Afrique

En effet, il y a une réalité politique africaine qui veut qu’il est quasiment impossible d’aboutir à une alternance au pouvoir de manière démocratique.

Les auteurs de coups d’Etat justifient le plus souvent leur passage à l’acte par des arguments en apparence légitimes mais souvent insuffisants en déclarant vouloir restaurer la démocratie, l’ordre constitutionnel et remettre le pouvoir au peuple (Mobutu, le général Robert Gueï en Côte d’Ivoire en 1999 pendant que ce pays s’enfoçait dans une dérive ethnique et nationaliste autour du concept de l’ivoirité qui était devenu le centre de toute l’activité politique depuis 1994., Museveni en Ouganda LD Kabila, Kagame, ou Dadis Camara en Guinée Conakry) pour le conserver par la suite durablement. La confiscation et la concentration des pouvoirs (Exécutif, parlementaire, judiciaire) et des organes d’appui à la démocratie et à l’Etat de droit (CENI, presse, armée…) entre les mains d’une seule personne ou d’une poignée de personnes, généralement à base ethnique, verrouillent toute possibilité d’accession au pouvoir par la voie des élections libres, transparentes et démocratiques (Mobutu, Kabila père et fils, Kagame, Museveni, Dos Santos, Sassou Nguesso, Biya, Bozizé, Mugabe, Niger…) Cela avec pour corollaire de cristalliser la polarisation de la tension et des mécontentements populaires contre ces régimes en multipliant les possibilités d’une prise de pouvoir par la force par le renversement ou l’élimination du président qui personnifie à lui seul, tout le régime qui se repose quasi entièrement sur sa  seule tête (Mobutu, Habyarimana, Bozizé…) Une alternance à la tête du pays qui est souvent facilitée par la faiblesse de Etat et des institutions sécurtaires (ne reposant que sur la garde prétorienne qui fuie généralement chaque fois que le président est renversé), le déficit de légitimité des animateurs politiques, la quasi absence de cohésion nationale du fait d’une gouvernance ethnorégionaliste, klepocratique, discriminatoire, patrimonialiste et clientéliste à outrance. 

Pourtant, les effets positifs de la démocratie et de l’alternance démocratique non violente au pouvoir ne sont plus à démontrer

En effet, dans des pays où s’installe l’expérience démocratique positive (Bénin, Zambie, Tanzanie, Ghana, Sénégal), les analystes sont d’avis que la consolidation de l’apprentissage de la culture démocratique et de l’alternance au pouvoir constitue un facteur structurel indéniable qui favorise la stabilité politique durable et encourage l’émergence économique par l’instauration d’un Etat de droit, la lutte contre la corruption et une justice sociale plus équitable. C’est également un facteur de confiance pour les citoyens (envers leurs gouvernants). Le souverain primaire qui, par ce jeu de la démocratie participative, se sent valorisé, du fait que son vote compte et qu’il peut travailler ensemble – sans aucune barrière sociale entre le peuple et le « boss », son « excellence », « l’honorable » politicien – pour l’intérêt général, avec les gouvernants qu’ils se sont librement choisis et non imposés par des élections téléguidées depuis l’extérieur. De ce fait, l’alternance démocratique apaisée et crédible en Afrique reste un impératif aux effets structurels stabilisants des institutions. Le Bénin, le Ghana et le Sénégal sont les seuls pays ouest-africains que Freedom House, une ONG américaine œuvrant pour la défense des droits politiques et des libertés civiles, considère comme des Etats « libres » et politiquement stables. Depuis l’instauration de la démocratie au Bénin, au Ghana et en Tanzanie, par exemple, l’image de ces pays-modèles, s’est appréciée à travers le monde.

Un autre facteur est l’aspect sécuritaire qui fait que plus l’alternance se fait de manière démocratique et transparente possible, moins il y a des contestations pouvant déboucher à des  violences postélectorales (Kenya, Côte d’Ivoire, RD Congo, Zimbabwe…). D’autant que les élections africaines sont parfois ethniquement instrumentalisées par les élites africaines.

A contrario, on constate en même temps que dans les pays où l’alternance politique devient une denrée rare, cela s’accompagne avec une détérioration du niveau de vie et des conditions de sécurité.

De ce fait, pour certains analystes, le recours aux coups d’État s’avèrent nécessaire, impératif et surtout d’une certaine utilité dans la mesure où les dirigeants qui se maintiennent indéfiniment au pouvoir en se (re-)confectionnant des Constitutions sur mesure et en invoquant la démocratie de façade, sont très souvent habités par des comportements aux antipodes de la culture démocratique qu’ils défendent dans leurs discours théoriques. Les défenseurs de ce paradigme citent en exemples Jerry Rawlings au Ghana en 1981 ou Amani Toumani Touré au Mali en 1991 qui ont permis à leurs pays de retrouver  une « normalité » constitutionnelle.

Mais leurs contradicteurs des adeptes du coup d’Etat rappellent l’impact négatif des gouvernances militocratiques à vie assurées par les présidents Biya, Sassou Nguesso, Blaise Compaoré, Mugabe, Museveni, Kagame… peut-être Kabila en 2016 ? Selon ces derniers, très souvent, la joie des populations qui applaudissent les coups d’Etat dans l’espoir de voir se rétablir la normalité démocratique et constitutionnelle est éphémère. Elles finissent par découvrir que derrière ces belles intentions se cachent souvent des addictions obsessionnelles au pouvoir et à ses honneurs, à l’enrichissement personnel illicite et au mimétisme du pouvoir chassé par les armes. (http://www.jeuneafrique.com/Articles/Dossier/ARTJAJA2612p020-027.xml0/zimbabwe-angola-president-rwandardc-joseph-kabila-mobutu-light.html).C’est le cas notamment de cette affaire du détournement d’or saisi au Kenya en provenance de la RDC mettant en cause le président Joseph Kabila ou tout au moins son entourage direct. L’or devait abutir à South Arabia (Dubai) en échappant aux circuits officiels d’exportation des matières premières. L’affaire impliquerait quatre pays ainsi que l’ex chef de guerre nommé général des FARDC par Kabila, Bosco Ntaganda, actuellement en procès à la CPI et suspecté d’avoir facilité le détournement : http://www.youtube.com/watch?v=xXBxWYBR0oY

Pour DESC, c’est vraisemblablement vers le recours à ce type d’alternance violente et non démocratique au pouvoir qu’il faille sans doute s’attendre dans les prochaines années dans des pays comme les deux Congo, l’Angola, le Rwanda, le Burkina Faso, le Tchad, le Zimbabwe, le Cameroun et l’Ouganda si à l’échéance de leurs mandats actuels respectifs, les présidents de ces pays se maintiennent au pouvoir en violation de leurs Constitutions respectives et contre la volonté de leurs peuples. Les coups d’Etat surviennent souvent lorsque la démocratie montre ses limites.

Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC
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One Comment “Coups d’État et militarocratie en Afrique post-indépendance – JJ Wondo”

  • Troll

    says:

    ¤¤ MILITAIRES AFRICAINS, ENTRE LE POUVOIR ET LA GUERRE

    Sur cette planète où l´instabilité sécuritaire devient de plus en plus la règle, les militaires africains qui jusque là n´avaient pas assez de travail sont entrain de decouvrir leur rôle: défendre les États et non diriger les États.
    L´illustration la plus proche est la guerre contre Boko Haram où les armées du Nigeria, Niger, Tchad et Cameroun se retrouvent subitement en action.
    Ce que ceux des généraux africains qui n´avaient presque rien á faire, mis á part preparer les parades militaires le jour des fêtes de l´independance se retrouvent en face d´une exigeance de performance.
    Les populations en Afrique ne peuvent plus admettre des « généraux » qui défilent seulement le jour des fêtes, mais surtout des généraux qui sont engagés dans des guerres.
    Au Nigeria quand un ex « général » retrouve la présidence démocratiquement, l´une des premières decisions que ses électeurs attendent de lui est de sanctioner ceux des responsables militaires qui ont été pratiquement incapables d´imaginer une stratégie efficace face aux terroristes de Boko Haram. Enfin, l´exigeance d´un travail visible est de plus en plus la réference des généraux africains.
    Ceux qui comme au Congo n´ont commencés leurs carrières militaires que comme « général » risquent de se retrouver au chomage dans un avenir proche, car ne possedant pas la competance qu´on attend d´eux.
    Être militaire en Afrique ne signifie plus qu´on est visible que le jour de la fête de l´independance, mais surtout on est capable non seulement de se retrouver dans une guerre contre les milices á l´interieur de son propre pays, mais aussi de se retrouver un jour dans un autre pays africains entrain d´assurer la sécurité l´existence d´un État comme c´est le cas en Somalie, Mali ou Nigeria*

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L’expert belgo-congolais en questions sécuritaires, Jean-Jacques Wondo, a dénoncé les conditions de sa détention en RDC, qu’il qualifie d’inhumaines, devant… Lire la suite
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 10:20:32| 442 1
RDC-conflits : Pourquoi les accords de paix échouent
Depuis trois décennies, la RDC est le théâtre de l’un des conflits armés les plus meurtriers et les plus longs… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 10:20:32| 1193 0
L’ombre structurante de Heritage Foundation sur la RDC : Une paix minée par des intérêts stratégiques et personnels
Résumé: Cet article examine l’accord tripartite signé le 27 juin 2025 entre les États-Unis, la République démocratique du Congo (RDC)… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK