Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 28-11-2016 16:39
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28 novembre 2011 – 28 novembre 2016 : des élections chaotiques aux élections improbables? – AJ Lomandja

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

28 novembre 2011 – 28 novembre 2016 : des élections chaotiques aux élections improbables ?

5 propositions pour des élections apaisées en RD Congo

Par Alain-Joseph Lomandja

Il y a cinq ans jour pour jour étaient organisées l’élection présidentielle et les législatives nationales en RD Congo. Au sortir de ces élections, un consensus national s’est imposé. Des cendres de la violence et des irrégularités montait cette clameur généralisée : « Plus jamais cela » ! Cinq ans après, on ne parle même pas d’élections plus crédibles et apaisées. Le pays en est réduit à se poser de sérieuses questions sur la probabilité de l’organisation effective des élections dans les conditions actuelles. Et ce n’est pas l’accord politique de la cité de l’UA qui répond avec clarté à ce questionnement.

Pour sortir de ce manque de visibilité et de l’incertitude qu’il engendre, un dialogue facilité par la CENCO est en cours, sans perspective d’aboutissement pour l’instant. Des discours des uns et des autres, on note une volonté de dialogue qui tarde encore à se concrétiser. alors que le pays court une menace de violence à partir du 19 décembre 2016. Nous partons de cette volonté réelle ou stratégique de dialogue pour offrir cinq propositions susceptibles de conduire à l’organisation d’élections apaisées en RD Congo. Le fil conducteur de ces propositions est la République Démocratique du Congo et son Peuple. Il n’existe pas de République du Rassemblement ni celle de la (nouvelle) Majorité Présidentielle (MP).

En d’autres termes, il s’agit ici d’une inversion des logiques : au lieu de partir du compromis politique (effectif ou recherché) pour induire un compromis électoral, nous proposons de partir d’un compromis électoral qui aboutira éventuellement à un compromis politique. Si les deux logiques se valent et ne s’excluent pas, la seconde remet le processus électoral au cœur des débats.

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1.       Trois leçons de la débâcle électorale de 2011

Il est encore difficile de tirer toutes les leçons de la débâcle électorale du 2011. L’histoire s’en chargera. Pour l’instant, relevons trois de ces leçons qui impactent encore l’actuel processus électoral.

  1. La question de l’indépendance de la CENI : en 2011, dans les entrefaites de la révision constitutionnelle et contrairement à l’esprit du législateur, les acteurs politiques décident d’une CENI composée des seuls acteurs politiques. Sans assemblée plénière ni membres de la société civile, cette CENI s’est discréditée aussi bien dans sa composition que dans son action. Mais au-delà de la composition, c’est ce « consensus de surreprésentation de la classe politique dans l’administration électorale »[1] qui compromet l’indépendance de la CENI jusqu’aujourd’hui. La logique est simple : qui contrôle la (présidence de la) CENI, contrôle les résultats des élections et tout le processus électorale[2].
  2. Le désordre organisé des Centres Locaux de Compilation des Résultats (CLCR) : une élection est toujours un instantané de l’état d’une société. En 2011, les CLCR n’ont pas seulement fait preuve d’une terrible désorganisation, mais ils ont en plus été les lieux d’une vaste corruption et d’une manipulation à grande échelle des résultats. Contrairement à une idée répandue, c’est dans ces CLCR qu’il faut situer la débâcle électorale de 2011 et non dans l’organisation précipitée des élections ni majoritairement dans les bureaux de vote. Le courage de la vérité oblige à reconnaitre que la RD Congo est encore un pays où règne la corruption et le processus électoral n’échappe pas à cette réalité.
  3. L’absence de consensus minimal entre parties prenantes : en 2011 comme aujourd’hui, le processus électoral souffre de l’absence d’un consensus minimal entre tous les acteurs politiques. En tant qu’accord d’un camp politique désormais uni dans une nouvelle majorité parlementaire et un nouveau Gouvernement, l’accord politique de la cité de l’UA reste non inclusif, partisan et non opposable à tous, comme l’ont si bien montré les juristes et analystes politiques de DESC[3].

2.       Cinq propositions de compromis pour des élections apaisées

Si l’on part du constat que le dialogue de la cité de l’UA et l’Accord politique qui en sorti n’ont pas résolu la crise politico-électorale actuelle[4], il convient de chercher des points d’encrage qui peuvent servir de balises pour un consensus électoral minimal. Nous proposons ici cinq de ces points d’encrage qui éviteront au pays un autre 28 novembre 2011 en pire.

2.1.  Publication d’un calendrier électoral avec une date précise de la présidentielle 

L’une des causes de l’illisibilité du processus électoral et des soupçons à l’égard du Président Kabila est l’absence du calendrier électoral. Les participants au dialogue l’ont promis dans les 15 jours après la signature de l’Accord, avant de retirer cette disposition du texte final dudit Accord. Un mois et demi après, ni le calendrier électoral ni le budget global des élections pourtant acté dans l’accord n’ont été publiés. Pire encore, répétitif sur la date de la fin de l’enregistrement des électeurs, l’Accord politique reste totalement muet sur la date de la présidentielle. Dans ce contexte, la publication d’un calendrier électoral avant le 19 décembre constitue à la fois un geste d’apaisement et un gage de bonne volonté de la part du pouvoir. Les éléments du langage du genre « prérogative exclusive de la CENI » (MP) ou « anciens calendriers publiés non respectés » (CENI) ne tiennent plus debout et ne contribuent qu’au pourrissement de la situation. On n’a pas vu le chronogramme des « 16 mois et 1 jour » devenus 18 mois d’enrôlement des électeurs, il faut qu’on voit au moins un calendrier électoral pour sortir des ‘élections peut-être’ de Mamane, le célèbre humoriste de Rfi.

2.2.  Découplage de la présidentielle et les législatives nationales des provinciales et organisation des sénatoriales avec les actuels députés provinciaux 

Alors que la crise politique porte sur la non organisation de la présidentielle dans les délais constitutionnels, l’Accord a opté pour un couplage complexe et absurde de 3 à 5 élections indirectes le même jour. Aucune raison officielle n’explique cette option. En découplant la présidentielle et les législatives nationales des provinciales, on gagne du temps. Ainsi, celles-là seront organisées entre octobre et décembre 2017. D’un autre côté, pour calmer les députés nationaux qui s’offusquent de la longévité indue des sénateurs, nous proposons que les députés provinciaux actuels qui ont déjà élu de nouveaux Gouverneurs de provinces, puissent élire les sénateurs avant la présidentielle.

2.3.  Une nouvelle répartition des tâches d’ici la présidentielle 

Puisque, selon le Professeur constitutionnaliste André Mbata, les délais constitutionnels tiennent encore jusqu’au mois d’avril 2017[5], il restera juste 5 à 7 mois avant les élections à partir du mois d’avril 2017. Pendant cette période, point n’est besoin que le Rassemblement, le MLC et leurs alliés respectifs s’engouffrent dans un Gouvernement de transition. De l’extérieur, ils pourraient mieux contrôler la mise en œuvre du nouvel accord politique à conclure et surtout la mise en œuvre du calendrier électoral. Cela empêche que la nouvelle majorité majoritaire issue du dialogue soit à la fois juge (Comité de suivi de l’accord) et partie (exécutif de transition), comme c’est le cas actuellement dans l’Accord de la cité de l’UA. Pour les opposants, la participation au Gouvernement est une compromission que l’opinion acceptera assez difficilement.

2.4.  Lancement combiné des opérations d’enrôlement des électeurs

En annonçant le lancement simultané de l’enrôlement des électeurs dans deux aires, le vice-président PPRD de la CENI a dit que celle-ci voulait par là gagner du temps. Ce qui est vrai sur les aires opérationnelles l’est aussi et plus sur l’ensemble du territoire national, comme nous l’avons montré par le passé[6]. La CENI peut terminer l’enrôlement des électeurs au plus tard au mois d’avril, si elle est libérée de son inféodation à un agenda politique.

2.5.  Libération des prisonniers politiques et maintien du Président Kabila au pouvoir jusqu’à la présidentielle du dernier trimestre 2017 

Le cahier de charges du Rassemblement a déjà précisé les différents prisonniers politiques et activistes des droits humains qui doivent libérés. Ceci est une exigence de droit non négociable. C’est aussi une condition sine qua non de la décrispation et un gage que la RD Congo n’est pas une République de la MP. Des élections crédibles et apaisées, c’est aussi et avant tout le respect des droits électoraux de toutes les parties prenantes. Le maintien du Président Kabila au pouvoir doit être compris comme une concession subséquente aux quatre premières propositions. Elle relève aussi d’un certain pragmatisme politique, qui n’est pas synonyme des arguties juridiques

Conclusion

Plusieurs facteurs rendent l’Accord politique de la cité de l’UA très injuste aux yeux de l’opinion nationale : la révision constitutionnelle taillée sur mesure de 2011, la débâcle électorale du 28 novembre 2011 dont le président Kabila a été le grand bénéficiaire, le sabordage assumé du processus électoral, la patrimonialisation à outrance de l’Etat, etc. Tous ces facteurs font que l’imposition de cet Accord comme base de toute négociation politique est vécue comme une injustice fondamentale relevant davantage de la loi du plus fort dans la jungle congolaise. Il est donc temps de passer aux concessions douloureuses de part et d’autre, pour l’amour du Congo et de son Peuple. Lumumba n’a pas été assassiné parce qu’il voulait s’accrocher au pouvoir, mais à cause de son combat pour les intérêts du Peuple congolais.

Alain-Joseph LOMANDJA

Analyste électoral et ancien Senior Training Manager du Centre Carter

@ Exclusivité DESC

Références

[1] Cf. Notre article « La CENI : indépendante mais sous contrôle ? Réflexions praxéologiques sur l’indépendance de la CENI », http://afridesk.org/fr/rdc-la-ceni-independante-mais-sous-controle-alain-joseph-lomandja/ .

[2] Cf. http://afridesk.org/fr/rdc-la-ceni-independante-mais-sous-controle-alain-joseph-lomandja/.

[3] Cf. Articles du mois d’octobre sur DESC.

[4] Pour une analyse électorale détaillée de l’Accord politique du 18 octobre 2016, cf. notre article « L’Accord politique de la Cité de l’OUA et l’improbable élection présidentielle en avril 2018 » : http://afridesk.org/fr/laccord-politique-de-la-cite-de-loua-et-limprobable-election-presidentielle-en-avril-2018-aj-lomadja/ .

[5] Cf. http://www.radiookapi.net/2016/09/28/emissions/linvite-du-jour/andre-mbata-un-accord-adopte-par-300-personnes-ne-peut-pas .

[6] Cf. http://afridesk.org/fr/rdc-comment-le-dialogue-national-a-t-il-ecarte-la-constitution-de-la-discussion-des-questions-relatives-au-processus-electoral-aj-lomandja/ .

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One Comment “28 novembre 2011 – 28 novembre 2016 : des élections chaotiques aux élections improbables? – AJ Lomandja”

  • Jackson

    says:

    Est-ce qu’ils liront ceci? tous ces gens du rassemblement sont semblable comme deux gouttes d’eau à ceux de l’opposition vu comment ils gèrent l’opposition dans une arrogance et sans vision claire. Tant que notre nation n’aura pas une idéologie nationale claire et un système de gouvernance bien assis et stable, les politiciens continueront à abuser du pouvoir comme ils le font maintenant. Tungali na shida.

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