Réforme de l’armée : Kabila envoie un signal fort
Le président de la république a signé hier soir, une série d’ordonnances portant nomination et mise à la retraite des officiers dans les rangs des Fardc et de la Police nationale congolaise. Par cette série d’ordonnances, comme il faudrait le souligner, Joseph Kabila a décidé d’engager la réforme de ces deux corps dans la voie de rajeunissement de leurs commandements, ainsi que des effectifs de leurs troupes. Aux termes de ces ordonnances dont les copies seront publiées prochainement dans la presse, le président de la république a voulu apporter un souffle nouveau à notre système de défense qui a connu plusieurs dysfonctionnements au moment où il devait faire face aux multiples agressions venues des pays voisins, braver les assauts des rebelles et des milices et repousser les troupes ennemies au-delà de nos frontières.
Les faiblesses enregistrées alors sur le terrain et qui ont favorisé l’avancée des troupes rebelles à l’Est de la RDC, seront relevées lors des négociations ayant abouti à l’Accord d’Addis Abeba, et dans la Résolution 2098 du Conseil de sécurité de Nations Unies. Et lors de son dernier voyage en Tanzanie, le président Obama a recommandé à son homologue congolais, de faire mieux et plus en ce qui concerne les capacités de la RDC en matière de sécurité.
Il était donc temps que Joseph Kabila puisse donner les réponses adéquates à une réforme de l’armée et de la police qui traînait les pas depuis de nombreuses années. C’est aussi un signal fort qu’il vient de lancer à la communauté internationale sur sa volonté de bâtir une armée à la dimension de ce pays-continent et qui va booster le processus de restructuration de notre système défensif, jadis proposé au Dialogue intercongolais de Sun City. Mis en œuvre des années plus tard par le gouvernement congolais, le projet a été appuyé par plusieurs partenaires extérieurs dont on se rappelle le soutien matériel, financier et logistique, ainsi que l’expertise.
Compte tenu des enjeux majeurs que représente l’Est de la RDC, l’on croit savoir que le président de la république pourra privilégier les techniciens congolais possédant des compétences avérées et une longue expérience dans la gestion des dossiers ou des questions de notre système de défense pour bâtir enfin, une armée républicaine et professionnelle. Ce qui a pour finalité de doter la RDC d’un système de défense adapté à sa taille, à sa vocation et ses missions.
J.R.T. Le Phare, 9 juillet 2013
Note de Jean-Jacques Wondo
Malgré ce pas vers la bonne direction dans la restructuration des FARDC, la prudence exige d’attendre voir qui sont réellement les militaires promus ou retraités par ces ordonnances. D’autant que les premières informations me parvenues des sources autorisées parlent de plusieurs cas de mise à la retraite et de promotion à la carte, c’est-à-dire sur base de critères subjectifs, voire clientélistes ou tribaux à l’instar des dernières nominations à la magistrature, jugées fantaisistes. Il semble que certains officiers sont envoyés à la retraite à 65 ans et d’autres promus généraux à plus de 70 ans. Nous y reviendrons sans doute pour plus d’éclairages.
Par ailleurs l’ambition de recrutement de 10.000 jeunes sur l’ensemble du territoire sur base annuelle n’a pas atteint les objectifs escomptés. Les jeunes ne se sont pas montré enthousiastes d’aller servir sous les drapeaux dans une armée laissée-pour-compte et démunie de presque tout.On est très loin des comptes car la campagne de recrutement national initiée en fin 2012 est un fiasco. De plus, les quelques jeunes recrutés reçoivent une préformation sommaire et sont directement envoyés au front comme chair à canon. Ce qui ne résoudra pas le problème à l’avenir.
Il ne faut pas perdre de vue que dans leur ambitieux plan de réforme des FARDC (2009-2025), L’ancien ministre de la Défense, Mwando Nsimba, et le Chef d’état-major général des FARDC (CEMG), Didier Etumba, ont relevé le paradoxe de la morphologie des FARDC.En effet, c’est parmi des militaires âgés que l’on trouve la grande majorité des spécialistes brevetés dont la mise à la retraite précipitée, sans mesures de relève et d’encadrement des jeunes, risque de créer un vide en laissant une armée remplie de vauriens.
Ainsi, dans leur mise en garde, ils ont averti que « toute action de réforme doit prendre en compte cette équation de départ à la retraite des militaires âgés et le rajeunissement des effectifs par le recrutement et la formation des nouvelles unités. » En effet, ce document constate que dans l’effectif recensé, près de 20.000 militaires ont dépassé l’âge limite de la retraite, auquel chiffre il faut ajouter près de 40.000 Militaires dits « Macarons Rouges » qui se trouvent présentement au Ministère des Affaires Sociales attendant la retraite. La mission de conseil et d’assistance de l’Union Européenne en matière de réforme du secteur de la sécurité (EUSEC)a quant à elle enregistré 28.000 militaires ayant atteint l’âge de la retraite au début de l’année 2013.
Le problème actuel de l’armée congolaise est que le budget dérisoire de la défense (250 millions $ US) pour environ 140.000 militaires ne permet pas d’entretenir comme il faut le personnel ni de moderniser son équipement. Par ailleurs, la loi sur le statut de militaire promulguée en janvier de cette année, malgré ces ordonnances présidentielles, ne pourra pas efficacement être mise en exécution car les différents documents nécessaires à son exécution doivent encore être pris: le décret ministériel et des directives d’exécution du CEMG. D’autre part, en l’absence d’une loi de programmation militaire censée permettre notamment de mobiliser des moyens suffisants afin de mettre en marche des projets concrets d’amélioration des conditions de vie et de travail des militaires congolais, il ne faut pas attendre des améliorations substantielles à court et à moyen termes dans les rangs de nos forces armées ou une quelconque montée en puissance si l’on continue d’avancer en trainant les pieds.
La promulgation d ces ordonnances présidentielles présente la crainte de mettre les nouveaux militaires retraités dans une situation d’inconfort voire insécurité sociale, voire juridique. En effet, la pension de la retraite reste insignifiant et s’élève autour de 6.500 FC/mois, soit 7$ US mensuels. Ces retraités ne bénéficient pas par contre d’avantages sociaux liés à leur dernier grade car ces avantages sont alloués uniquement aux militaires en activité.
Toutefois, attendons la publication officielle de ces ordonnances pour en savoir plus. Mais c’est déjà un pas vers la bonne direction en espérant qu’il y aura cette fois-ci une bonne dose de volonté politique pour avancer correctement dans ce secteur canard-boiteux de la reconstruction du Congo.
Jean-Jacques Wondo
ADDENDUM
Au moment où nous bouclions notre note, nous venons de recevoir la liste complète de généraux promus dans une armée qui aligne défaites sur défaites marquées par d’incessantes trahisons à répétitions par sa hiérarchie. Plutôt que faire le point de ces défaites et convoquer les Etats généraux de l’armée, le président Kabila a préféré gratifier tout le monde en récompensant les perdants au lieu de nettoyer en profondeur une équipe qui ne gagne jamais. Ainsi, le général Didier ETUMBA, l’actuel CEMG des FARDC, cité par Colette Braeckman pour avoir trahi l’armée lors des batailles contre le M23, a été élevé au rang le plus élevé de général d’armée. Plusieurs généraux septuagénaires sont donc promus aux grades supérieurs, ainsi la formule de « qui perd est récompensé » est devenue la marque déposée des FARDC où le nombre de généraux passe de 72 à un minimum de 124 (sans compter le nombre de généraux non promus). Espérons que la plupart d’entre eux feront partie des militaires à retraiter.
Par ailleurs, par ces promotions la ‘swahiliphonisation’ de l’armée ne fait que s’accentuer. Plus des 65% des promus proviennent des provinces orientales du Congo parmi lesquels le Katanga (Balubakat) et le Grand Kivu (Maniema, Nord et Sud-Kivu) où les Tutsi (et pourtant mathématiquement et ethniquement minoritaires) sont surreprésentés au regard de leurs poids démographiques ethniques sur l’échiquier national. Un mauvais signal pour la formation d’une armée à vocation nationale qui accentue la fracture Est-Ouest déjà marquée dans les institutions républicaines, quoi remettre sérieusement en cause la volonté de M. Kabila d’œuvrer en faveur d’une cohésion nationale qui favoriserait une équité géopolitique dans la gestion du pays. Voilà un sujet qui ne va pas manquer d’alimenter les débats et d’échauder les esprits. La FAZation des FARDC se renforce.
Le Congo va mal, alors très mal! JJW
One Comment “Réforme de l’armée : Kabila envoie un signal fort ? – Note de Jean-Jacques Wondo + Liste de généraux promus”
Massikini Muana N'zoko
says:Pour avoir été un des débutants de l’EFO 78, je constate qu’un nombre important des promus n’ont pas une formation militaire. Comment veut-on renouveler et moderniser avec une telle catégorie des militaires? Clientélisme quand tu nous tiens!