Faut-il craindre une ultime bataille de Goma en gestation ?
Une analyse stratégique de Jean-Jacques Wondo – mise à jour le 19 juillet 2013
Telle est la question que se posent les stratégistes et experts. Depuis la reprise des hostilités le 20 mai 2013, mettant fin à la trêve fragile observée depuis décembre, les analystes pensent que l’actuelle escalade guerrière initiée par le M23 risque à nouveau de secouer la ville de Goma.
Plusieurs signes attestent de la polarisation de la tension, pendant que la communauté internationale reste inactive et laisse faire. Comme si elle attendait que la présente confrontation livre un vainqueur plutôt que s’interposer vainement entre les deux forces en présences. A ce jour, les promesses des drones promis par les américains pour surveiller les déplacements des troupes étrangères aux frontières sont restés lettre morte. Ces drones ont également suscité de l’enthousiasme effréné auprès de la population et leurs autorités, mais voilà la communauté internationale devenir maître aux promesses effet d’annonce. Déjà peu avant le 20 mai 2013, certaines sources anonymes de la Monusco nous ont fait état de la sur-militarisation de la région autour de Goma avec un renfort opéré par le commandement des FARDC de 5 à 8 bataillons venus d’autres régions militaires. En même temps le M23 renforçait ses postions et son effectif, diminué à la suite de la fuite de plus de 600 personnes fidèles à Ntaganda et Runiga au Rwanda en mars dernier, par des recrutements au Rwanda et en Ouganda.
Aux dernières informations nous parvenues, environ deux bataillons des forces de réaction rapide et de la garde républicaine sont actuellement déployés dans et aux alentours de Goma, devenue une forteresse militaire en vue de défendre la ville contre les assauts du M23 et de préparer des actions offensives contre le M23 qui accuse une certaine faiblesse militaire apparente. C’est peut-être le moment de battre le fer pendant qu’il est chaud.
De l’autre côté, on signale qu’à la suite des revers subis à Mutaho et Rusayo, deux localités situées à 10 Km au nord-ouest de Goma, Sultani Makenga aurait présidé un briefing opérationnel, avec l’aide des techniciens du nouvel état-major rwandais en vue revoir leur tactique militaire et de définir de nouvelles stratégies d’attaque de la ville de Goma ou de conquête par des manœuvres de diversion de nouvelles positions faiblement défendues par les FARDC dans le Nord-Kivu et probablement d’autres attaques surprises ailleurs.
Cette nouvelle reconversion tactique du M23 fait suite au fait que la situation militaire et les conjonctures politique et diplomatique sur le terrain lui deviennent de plus en plus défavorable par rapport aux batailles de l’année passée où les troupes du M23 ont bénéficié de l’effet surprise ainsi des trahisons et complicités au sein des FARDC. Depuis que les populations et la société civiles font pression sur les autorités politiques et militaires congolaises (comme on peut le constater dans les propos du porte-parole de la société civile du Nord Kivu, maître Omar Kavota, avec qui nous étions en débat sur la Radio Okapi dans l’émission ‘Dialogue entre Congolais’, le lundi 15 juillet : http://afridesk.org/situation-securitaire-tres-tendue-au-nord-kivu-suite-a-lactivisme-des-groupes-armes/) scrutant dans les moindres détails leurs faits et gestes, placés dos au mur, les FARDC et leurs chefs n’ont pas d’autre choix que défendre cette fois-ci correctement la population. Et nous saluons cette combativité que nous encouragions déjà au début de la guerre en 2012 lorsque les militaires au front nous avait contacté pour transmettre le message selon lequel ils voulaient une fois laver leur honneur marquer l’histoire du Congo avant d’être trahis par leur hiérarchie. Une ultime défaite de leur part serait sans doute la goutte de trop qui ferait exploser la marmite surchauffée de la tension sociopolitique qui ne cesse de monter ces derniers temps. Ainsi, avec des troupes d’élite déployées à et aux environs de Goma, le M23 vient de perdre une de ses armes : la surprise. Sans compter son affaiblissement à la suite des rivalités internesfin février début mars dernier qui se sont transformées en bataille rangée entre deux factions opposées du M23 où une partie de troupes, environ 600 hommes, ont traversé la frontière rwandaise, précipitant la reddition de Bosco Ntaganda dans la foulée.
En effet, selon le rapport intermédiaire du Groupe d’Experts de l’ONU sur la RDC, transmis au Conseil de sécurité le 20 juin, la reddition de Bosco Ntanganda aurait fait perdre au M23, non seulement les quelques 800 hommes qui lui étaient encore fidèles mais aussi des réseaux de recrutements qu’il aurait mis en place, notamment au Rwanda, avec l’aide de certains membres de l’armée rwandaise. « Pour mettre fin aux activités de Ntaganda, les autorités rwandaises ont arrêté certains des individus qui faisaient partie du réseau », écrivent les experts, citant notamment le cas du colonel rwandais Jomba Gakumba. Pendant la bataille entre les deux factions du M23, le Rwanda aurait soutenu celle dirigée par Sultani Makenga. Quant à Ntaganda, celui-ci aurait craint pour sa vie. S’il s’est rendu à l’ambassade des États-Unis à Kigali avec l’aide de sa famille, c’est, semble-t-il, à l’insu des autorités rwandaises. Ndlr: Ceci confirme les informations reçues de nos contacts que j’ai relayées à l’époque à propos de la reddition de Ntaganda. Ce qui a vait mis Kagame en colère et l’avait poussé à remanier l’état-major de son armée. Depuis, « le recrutement du M23 au Rwanda a diminué » affirment les experts de l’ONU, qui assurent néanmoins que l’armée rwandaise aide toujours le mouvement, notamment en lui livrant les déserteurs qui tentent de se réfugier sur son territoire
On apprend d’ailleurs que le Rwanda vient d’accorder l’asile à Runiga. Ainsi, le M23 n’aura pas d’autre choix que soit de mener une confrontation frontale ou passer par les flancs. D’un côté ou de l’autre, le dispositif mis en place par les FARDC et la Monsuco pourrait mettre en échec leurs plans.
Sur le plan moral, la prise en charge des FARDC par les populations locales et leur réarmement moral par des primes leur payées sont tout autant des facteurs qui accroissent leur motivation au combat. Il semble que le général Olenga aurait fait parler des billets verts. De plus, la dernière démonstration de soutien des habitants de Goma à l’armée loyaliste a pour conséquence d’inciter le militaire congolais à afficher haut cette appartenance nationale en forgeant un esprit de corps, aussi bien à l’intérieur de l’Institution militaire qu’à l’égard du groupe social externe, la nation, pour lequel il est mandaté de défendre une identité collective et les valeurs nationales communes. Cet esprit de corps va nous (Congolais) permettre de nous réconcilier par rapport à nos valeurs identitaires collectives que l’on essaie de démolir insidieusement ces derniers temps, à notre passé commun dont on veut aujourd’hui nous rendre amnésiques, au présent et à l’engagement commun vis-à-vis du futur. Ce qui va permettre enfin aux congolais de développer un sentiment de ‘nous’. Des valeurs identitaires collectives et référentielles qui constituent le socle d’une Nation.
Ainsi s’imposent tout naturellement une parfaite symbiose animique avec la nation, une connaissance et une estime mutuelles, une compréhension et une perception communes des finalités. Cette nation est le Congo, un ‘vouloir vivre ensemble’ d’une communauté d’hommes et de femmes historiquement, socialement et culturellement unis autour de valeurs et de l’identité nationale communes. Ainsi, la force aussi de cette armée dépendra de sa capacité et de sa volonté commune (avec la nation) à protéger le patrimoine national congolais commun, aujourd’hui détruit, ridiculisé et spolié de toutes parts. De la sorte, en cas de menace armée, c’est cette adhésion nationale et la farouche détermination de sauvegarder les valeurs communes qui vont guider les militaires à l’action de soumettre l’ennemi à notre volonté dans ce que l’on peut qualifier, pour le cas du Congo, de ‘guerre totale’. Une forme de conflit qui, selon le Général allemand LUDENDORFF se référant à la Grande Guerre (1914-18) dans son ouvrage « La Guerre totale », doit entraîner la subordination et l’adhésion de toute la société au service de la guerre. Il s’agit de créer ce qu’il nomme la « cohésion animique » de la nation, où l’armée et le peuple seraient confondus.
Toutefois la bataille semble loin d’être gagnée car même si Goma semble fortifiée, il y a lieu de rappeler qu’en juin dernier, des sources de la société civile avaient signalé l’infiltration de la ville par des éléments du M23. D’où la chasse à l’homme qui s’en est suivie.Et l’occasion de demander aux populations locales de doubler de vigilance et de maintenir la pression sur les autorités tout en continuant à prendre en charge les troupes loyalistes pour les accompagner dans l’écrasement du M23, la marionnette rwandaise.
Si jamais l’escalade se poursuit, il y a de fortes craintes que la guerre passe à une phase décisive et inquiétante pour les populations civiles locales. D’autant que de l’autre côté des frontières congolaises, l’UPDF, l’armée ougandaise, est placée sous « préavis zéro », c’est-à-dire qu’elle se tient immédiatement prête à intervenir au Congo contre les ADF/Nalu selon la version officielle mais rien ne dit que c’est aussi pour donner un coup de pouce au M23 car en ouvrant un front au Congo, ce sera pour occuper des zones de combats tenus par les FARDC et l’ADF. Ce qui obligerait les FARDC a revoir leur stratégie de défense de la province. De même, le Rwanda, toujours dans sa stratégie héritée de la première guerre d’agression du Congo de 1996, déclare sans preuve que des obus en provenance des FARDC appuyées par les FDLR sont tombés sur son territoire. Un alibi de casus belli qu’il veut brandir pour justifier ses actions ultériures aux côtés du M23, surtout que ce dernier a repris le même refrain dans ses communiqués. Lorsque l’on connait le cynisme de Kagame, capable de monter pareil scénario pour justifier comme toujours une offensive au Congo, il y a à craindre, si la communauté internationale ne s’active pas pour stopper net ce nouveau cycle des violences et ne se montre pas ferme avec le Rwanda, que l’on assiste à ce que d’aucuns appelle la phase aiguë de la troisième guerre du Congo.
D’autre part, le M23 se dit prêt à combattre la Brigade d’intervention de l’ONU si jamais elle se mettait sur son chemin en mettant en avant l’avantage de sa maîtrise du terrain montagneux par rapport aux forces de l’ONU. Il est à noter que des sources ont signalé que les rebelles se sont lourdement armés en s’approvisionnant au Rwanda. Mais une chose est certaine est que « la dynamique de la guerre est en train de changer et de jouer diplomatiquement, politiquement (avec l’enlisement des négociations à Kampala) et militairement en sa défaveur ».
Avec Goma devenue une zone de guerre et des milliers des réfugiés qui fuient la région, d’autres traversant la frontière, les démons de la guerre qui hantent la région des Grands Lacs plongent et sombrent à nouveau les populations locales dans leur pire cauchemar.
200 militaires rwandophones CNDP à Kinshasa en attente d’être incorporés dans l’état-major des FARDC et les différents départements du ministère de la Défense
Des sources concordantes de l’état-major général des FARDC nous signalent la présence d’environ 200 officiers du CNDP, mis à disposition de l’état-major général dans l’attente de la régularisation de leur situation administrative conformément aux accords du 23 mars 2009. Lesquels accords prévoyaient d’intégrer des officiers issus du CNDP dans les différents état-majors et directions du ministère de la Défense. Une manière pour le gouvernement de répondre positivement aux revendications du M23 formulées dans leur cahier des charges à Kampala. Plusieurs sources contactées ce matin affirment que 20 officiers supérieurs du CNDP sont actuellement logés à l’hôtel Venus, situé dans le quartier résidentiel des ambassades et sécurisé de la Gombe.
Jean-Jacques Wondo – Desc-Wondo.org