Comment Joseph Kabila compte asphyxier militairement Félix Tshisekedi ?
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Malgré la passation du pouvoir pacifique du pouvoir le 24 janvier 2019 entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, ce n’est plus un secret pour personne que le retrait de Kabila est purement provisoire. Ce dernier, s’étant retiré du pouvoir suite aux multiples pressions – populaires, politiques et diplomatiques – n’a pas pour autant abandonné son vœu de revenir au pouvoir. C’est dans cette optique que Joseph Kabila a accepté de composer avec CaCh en transposant plusieurs clauses de l’accord de Nairobi[2] vers l’accord secret conclu entre le FCC et CaCh. Pour rappel, l’accord de Nairobi, devenu par extrapolation accord FCC et CaCh prévoit que l’UDPS cède à l’autre partie signataire de l’accord les postes de Premier ministre, des postes clés du gouvernement, autrement dit, des ministères et institutions régaliennes telles que les Finances, la Justice, la Défense et la Banque centrale du Congo, sans compter les Infrastructures. Il est aussi question pour Félix Tshisekedi de laisser la présidence pour la présidentielle de 2023 à l’autre partie signataire de l’accord.
Le présent article montre comment Joseph Kabila a pris le soin de réorganiser les structures de l’armée à son avantage en faisant de sorte que les principaux chefs de l’armée lui restent loyaux et en entourant son successeur, le Président Tshisekedi, de ses anciens proches collaborateurs pour mieux le contrôler militairement.
Des nominations dans la justice et dans l’armée « in tempore suspecto »
Tout commence dans la deuxième moitié de 2018 lorsque Kabila s’est rendu compte qu’il lui sera difficile de briguer un troisième mandat à la tête de la RDC. C’est alors qu’il va prendre une série de mesures devant lui permettre de continuer à avoir un contrôle effectif des institutions régaliennes du pays au terme de ses deux mandats. C’est ainsi que conscient de son bilan largement négatif et de l’impopularité du dauphin imposé, Joseph Kabila a improvisé une mise en place générale des magistrats, non planifiée, non budgétisée et non proposée par le Conseil supérieur de la magistrature[2]. Il a signé des ordonnances d’organisation judiciaire portant notamment promotion/nomination et affectation des hauts magistrats du Siège et du Parquet, à la Cour de Cassation, au Conseil d’État, dans les Cours d’Appel et aux parquets généraux près ces juridictions. En même temps, le Premier ministre Bruno Tshibala a publié un décret d’organisation judiciaire dont le projet a été adopté le 7 juillet 2018 au cours de la 14ème réunion ordinaire du gouvernement. Ce décret, qui viole la Constitution et la Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, qui trace le cadre et pose des conditions que doit remplir un magistrat pour bénéficier d’une promotion, fixe les sièges ordinaires et les ressorts des Cours d’Appel dans les nouvelles provinces[3].
C’est dans sa cohérence stratégique de verrouiller la justice et la sécurité en sa faveur, que Kabila a signé une série d’ordonnances rendues publiques le 14 juillet 2018 concernant de nouvelles mises en place à la tête des FARDC. Curieusement, cette restructuration du commandement de l’armée est intervenue dans la foulée de la mise en place de la Cour constitutionnelle. Et nous avons tous été témoins de la manière dont cette haute juridiction judiciaire s’est compromise lors du contentieux électoral présidentiel de janvier 2019 ou dans ses arrêts antérieurs en rapport avec le processus électoral. Ce qui pousse le juriste-criminologue Jean-Bosco Kongolo à constater que « la Cour n’inspire pas confiance.[4] » La grande nouveauté de ces nominations concerne le retour aux affaires du lieutenant-général John Numbi en qualité d’Inspecteur général de l’Armée. Le général John Numbi, reste l’un des militaires les plus puissants du pays et un des hommes de confiance du président Kabila. Il est très influent dans les FARDC et dans la police congolaise. Ces mêmes ordonnances ont promu les généraux Gabriel Amisi Kumba alias Tango Four et Delphin Kahimbi à des postes militaires très stratégiques ; le premier en tant que Chef d’état-major général adjoint chargé des Opérations et des Renseignements, le second en qualité de Sous-chef d’état-major général chargé des Renseignements militaires[5]. On peut citer aussi la nomination du général Djadjidja à la tête de la 14ème région militaire couvrant la ville de Kinshasa. Djadjidja est réputé pour ses méthodes très violentes à la tête du bataillon PM (police militaire) à Kinshasa où il a sévi lors de violentes répressions de janvier et septembre 2015. Kabila a voulu par ces actes, gratifier les plus loyaux de ses généraux pour faire face aux échéances politiques houleuses qui allaient se dérouler en fin décembre 2018. Les changements opérés par Kabila à la tête de l’armée donnent visiblement des signaux clairs d’une extrême radicalisation politique du haut commandement militaire des FARDC et un durcissement du régime de Kabila. Ces promotions n’étaient pas motivées par leurs capacités militaires à rendre les FARDC performantes, mais bien par leur loyauté absolue à l’égard Kabila[6] à qui ils ont promis de servir fidèlement, même après so départ du pouvoir.
Joseph Kabila place ses hommes liges autour de Félix Tshisekedi
C’est dans ce cadre qu’il faille également inscrire la subtile nomination de François Beya Kasonga[7], un des hommes de confiance de Kabila, Directeur général de la DGM pendant 12 ans, au poste de Conseiller spécial en matière de sécurité de Félix Tshisekedi. Pour ceux qui connaissent le fonctionnement de Joseph Kabila, ce dernier ne peut laisser aucun de ses collaborateurs dans un poste stratégique pendant plus de 10 ans sans s’assurer de sa loyauté totale. Sur ce registre, seuls le général Didier Etumba, Kalev et Beya ont mérité la confiance de Kabila pour lui être totalement soumis et dévoués. La nomination de Beya, malgré ses origines luba, illustre effectivement la mainmise que Joseph Kabila veut avoir dans ce domaine, l’un des leviers stratégiques, outre les finances et les mines, qui lui permettront de revenir au pouvoir en 2024, selon une autre clause sécrète de l’accord entre le FCC et CaCh. Ce n’est pas pour rien durant ses séances de briefing avant la signature des accords secrets FCC- CaCh, soit entre le 2 et 5 janvier 2019, Félix Tshisekedi a longuement été auditionné par les responsables de différents services de renseignements civils et militaires. Cette audition s’est déroulée en présence de Kalev Mutond, le général Delphin Kayimbi (le chef des renseignements militaires) et le général de brigade Patrick Mulongo (chef des renseignements de la GR).
François Beya fait partie des fidèles parmi les fidèles de Joseph Kabila depuis sa mystérieuse ascension politique en 2001. Sous sa fausse identité luba, il est placé aux côtés de Tshisekedi pour le marquer à la culotte et l’empêcher de prendre des décisions politiques et sécuritaires qui nuiraient gravement à Joseph Kabila. Ce dernier a vidé les archives du palais de la nation des dossiers sécuritaires sensibles transférés en Afrique du sud. Il a également acheminé des matériels militaires stratégiques vers les sites militaires du Katanga (Manono, Kambove, Kamina, Kalemie et Kasenga) et du Maniema (Lokando) avec l’aide des experts russes qui ont mis à contribution une flotte d’avions de transport Iliouchine 76 Candid, Antonov An-124 Ruslan ‘Condor’ et des Antonov An-225 Ruslan, en attendant son comeback en 2024.

L’ancien personnel de service de Kabila pour encadrer et surveiller Félix Tshisekedi ?
Certes, il est encore trop tôt pour Félix Tshisekedi de mettre en place son dispositif sécuritaire et politique rapproché. Mais les faits constatés jusqu’à présent sont de nature à susciter quelques observations. Bien que la sécurité présidentielle soit assurée par la garde républicaine conformément à l’article 153[8] de la Loi numéro 11/012 portant organisation et fonctionnement des Forces armées, il ne faut pas perdre de vue que cette garde républicaine est majoritairement katangaise et voue une loyauté absolue à Joseph Kabila qui a trié sur le volet ses militaires suivant un critère purement ethnique.
Il nous revient des sources sécuritaires de l’entourage de Joseph Kabila que ce dernier leur a dit qu’il n’a pas suffisamment confiance en Félix Tshisekedi, vu son faible « caractère et personnalité et son côté manipulable et immature », d’ailleurs confirmé dans une note technique[9] de l’ANR rédigée par Félicien Lukusa, le chef analyste de l’ANR[10]. C’est ainsi que Kabila a pris la précaution de faire en sorte que Félix Tshisekedi, le désormais Commandant suprême des forces armées, n’ait aucun accès aux armes lourdes stratégiques de peur qu’il les retourne contre lui. Et pour mieux le prendre en étau et bien le surveiller, Kabila a placé autour de Félix Tshisekedi son ancien dispositif militaire.

Par ailleurs, c’est une partie les éléments du 14ème régiment honneur et sécurité de la GR, commandés par le colonel Gilbert Matata Misimbo, qui est chargée de la sécurité présidentielle sur décision de Joseph Kabila. Le colonel Misimbo est assisté du lieutenant-colonel Fidèle Ngoy Mumba, un mulubat. Un kasaïen, le lieutenant-colonel Mwalu wa Kasongo alias Zoro, pour mettre en confiance le président Tshisekedi, occupe désormais la fonction du directeur de la sécurité présidentielle en remplacement du général de Brigade Pierre Bahati. Le redoutable colonel mulubakat Mpanga Munkutu, commandant du régiment honneur et sécurité (RHS) et ancien commandant du bataillon missiles GR, continue à superviser à la fois le régiment chargé des protections rapprochées de Kabila et de Félix. Le colonel Mpanga est un fanatique de Joseph Kabila et lui voue une loyauté viscérale. Il mène depuis quelques années une sorte d’épuration ethnique au sein du RHS en y laissant que des soldats d’origine katangaise, principalement des Balukakat.
De même, le chef de l’unité dite « Alpha » de sécurité rapprochée du nouveau chef de l’Etat, est un luba originaire de Kabeya Kamwanga, village d’origine du président Félix Tshisekedi. Il s’agit du major Alain Tshamala. Ce dernier a été un des gardes du corps de Joseph Kabila pendant 18 ans, c’est-à-dire un homme d’une loyauté totale à l’égard de son ancien maître.
Notons par ailleurs que la sécurité du Palais de la nation, censé faire office du bureau officiel du nouveau président, est assuré par le 3ème bataillon de la GR commandé par le major Makoko Bwana Moya, un katangais. Le capitaine Tom Kitenge est le chauffeur officiel du Président. Plusieurs anciens éléments de sécurité rapprochés et du cortège du nouveau Chef de l’Etat ont été mis à l’écart au motif qu’ils présentent des insuffisances dans la formation alors que rien n’interdit de leur donner des formations spécialisées accélérées. On retrouve tout de même dans le sillage sécuritaire du président Félix Tshisekedi quelques anciens collaborateurs. C’est le cas du Dr Didier Baitopala, son Conseiller en sécurité dans son cabinet de l’UDPS ou de son officier d’ordonnance, le capitaine Egwake, un policier mbuza de la LENI[11], autrefois commis à la sécurité d’Etienne Tshisekedi.
Par ailleurs, selon des informations précises parvenues à DESC des sources angolaises, la première préoccupation du président congolais auprès de son homologue angolais était de demander un soutien pour sa sécurité privée. « Il a été décidé de renforcer la sécurité présidentielle et, dans ce cadre, l’Angola a promis d’aider le président Tshisekedi dans le cadre de nouvelles dispositions qui seront bientôt adoptées », nous affirme notre source sécuritaire en Angola.
Pour Joseph Kabila, le président Félix Tshisekedi est la sentinelle de son fauteuil présidentiel jusqu’en 2024
Joseph Kabila s’était confié à son entourage sécuritaire pour leur dire que « Fatshi n’est qu’une sentinelle pour garder son fauteuil présidentiel jusqu’en 2024 ». Kabila a donné des directives très strictes au général de brigade Klein Yav Nawej, coordonnateur des bases logistiques et militaires GR de Kibomango et Mbakana (réserve stratégique de l’ex-commandant suprême des armées) de vider, avec le soutien logistique de la Russie, les deux sites militaires de toutes les armes lourdes (chars de combat, engins blindés divers, toutes les pièces d’artillerie supérieur à 90 mm, missiles de toutes sortes) et ne garder sur place que des armes moyennes et légères ainsi que leurs munitions. Toutes ces armes et équipements ont été acheminés vers les sites militaires du Katanga (Manono, Kambove, Kamina, Kalemie et Kasenga). D’autres matériels militaires ont été transférés vers le Maniema (Lokando) avec l’aide des experts russes qui ont mis à contribution une flotte d’avions de transport Iliouchine 76 Candid, Antonov An-124 Ruslan ‘Condor’ et des Antonov An-225 Ruslan pour appuyer ce vaste mouvement de matériels militaires qui s’est déroulé à partir du 3 janvier 2019 quand la défaite de Shadary était quasi-assurée.
Les mêmes sources sécuritaires autour de Kabila nous rapportent que pour encadrer discrètement Félix Tshisekedii, Kabila a désigné les généraux John Numbi et Gabriel Amisi Tango Four, sanctionnés par l’Union européenne et les Etats-Unis. Il semble qu’avant de prendre toute décision d’ordre militaire et sécuritaire, Félix Tshisekedi doit préalablement consulter les deux généraux susmentionnés. Ainsi, la nomination de François Beya, un fidèle de Kabila s’inscrit également dans cette stratégie.
Kabila a également décidé de décharger les autres unités de la Garde républicaine des missions directes de la sécurité présidentielle. La GR reste désormais une unité de réserve des FARDC, mais dépendra exclusivement de Kabila.
Autour de Félix Tshisekedi rôde également le nébuleux homme d’affaires Charles Bujiriri Deschryver. Charles Bujiriri Deschryver s’occupe du charroi (matériel automobile) de la présidence de la République depuis l’accession de Joseph Kabila au pouvoir. Deschrijver, un des pilotes privés de Joseph Kabila, fut aussi l’assistant de Joseph Kabila quand ce dernier était chef d’état-major général adjoint des FAC[12], puis chef d’état-major de la force terrestre des FAC. Son papa est un riche homme d’affaires hollandais installé à Bukavu depuis 3 générations et sa mère une Mushi de Bukavu (la fille du mwami Kabare). Son épouse est la dame de compagnie d’Olive Lembe Kabila. Deschryver était impliqué dans plusieurs achats de matériels militaires roulant des FARDC. Des sources militaires lui attribuent la responsabilité du crash d’un avion-cargo Antonov 12 de la présidence de la République après son décollage, non loin du domaine présidentiel de la Nsele, le 30 septembre 2017[13]. Pour rappel, c’est le même Deschrijver qui a mis son avion à disposition du candidat Tshisekedi durant sa campagne électorale.

En attendant son comeback en 2024, Kabila va faire un repli stratégique avec une forte équipe de sécurité
Concernant la sécurité de Kabila, ses différentes résidences et fermes seront continuellement gardées par les unités de la Garde républicaine à titre rotatif. Un dispositif de sécurité assez costaud constitué de 1 peloton renforcé de gardes du corps rapprochés d’environ 50 éléments dont des zimbabwéens et 1 compagnie renforcée du Régiment Honneur et Sécurité de 250 éléments triés sur le volet pour son escorte et sa protection éloignée. Tout ce dispositif sera commandé par le lieutenant-colonel Dieudonné Kisula (ancien directeur adjoint de la sécurité présidentielle).
La Garde républicaine (GR) ne peut plus protéger Kabila
Conformément aux dispositions de l’article 153 de la loi organique sur les FARDC, la GR assure la garde, la protection du Président de la République et de ses hôtes de marque ; elle assurer la sécurité des installations présidentielles ; elle assure enfin les escortes et les honneurs à l’échelon de la Présidence de la République. Cette loi reste néanmoins muette sur la protection des anciens présidents. Mais sur la base de la jurisprudence post-électorale 2006, on peut avancer sans être contredit que l’ancien président Joseph Kabila doit être gardé par des éléments de la police nationale congolaise à l’instar des candidats à l’élection présidentielle et des vice-présidents issus de la transition dite « 1+4 ».
L’on se rappelle qu’en mars 2007, Kinshasa fut le théâtre des combat entre les éléments du GSSP[14] (devenu Garde républicaine) et les soldats du Détachement de protection personnelle (DPP) chargés de la protection rapprochée de Jean-Pierre Bemba. Il était question de dissoudre la garde personnelle de M. Bemba et d’incorporer dans l’armée régulière les quelque 100 hommes qui la composent. Seuls douze policiers devaient constituer les effectifs chargés de la protection de Jean-Pierre Bemba.
Par ailleurs, l’article 18 de la loi portant statut des anciens Présidents de la République élus dispose entre autres :
« Tout ancien Président de la République élu bénéficie des avantages complémentaires ci-après :
Une habitation décente fournie par l’État ou une indemnité de logement; un passeport diplomatique pour lui-même, son conjoint et ses enfants mineurs; un titre de voyage en business class pour lui-même, son conjoint et ses enfants mineurs; cinq véhicules pour la fonction et pour usage domestique, après cinq ans deux fois renouvelables; un service de sécurité doté de moyens logistiques conséquents comprenant au moins deux gardes du corps; trois éléments de sa suite et une section chargée de la garde de sa résidence; etc. (…). Les modalités d’exécution des dispositions de l’alinéa précédent sont fixées par décret du Premier Ministre délibéré en conseil des ministres »[15].
Même si cette loi ne limite pas la taille de sa sécurité personnelle, on constate sur les faits que le cortège de Joseph Kabila est de loin plus impressionnant que celui de son successeur. En effet, Joseph Kabila a juste retiré l’escorte motocyclette ainsi que l’escorte d’honneur à cheval. Le 14ème régiment spécial honneur et sécurité de la GR a été remplacé par le 15ème régiment commando de la GR qui veille de la sécurité de Kabila ainsi que de sa famille. Alors que le cortège de Kabila est composé de Jeep Land-Cruiser VX et de 5 Jeeps Mercedes-Benz G-500 blindés où il se dissimule dans l’une d’entre elles, le président Félix Tshisekedi se contente d’une Hyundai Sierra non blindée ou de son ancienne Jeep Patrol V8, non blindé également. Ce qui le met dans une position de vulnérabilité permanente en cas de tentative d’attaque.
Et même sur le plan international, Félix Tshisekedi donne l’impression d’être un président sous surveillance des bonzes du kabilisme.
Un dispositif de protection rapprochée présidentielle assez lacunaire qui nécessite des correctifs urgents
L’analyse clinique détaillée des images publiques du président Tshisekedi, effectuée par les experts de DESC[16], décèle plusieurs failles dans son dispositif de protection rapprochée. Même s’il a signé un contrat de protection avec une firme militaire privée américaine dénommée Dynamic Preparedness Group LLC enregistrée dans l’Etat de Charlotte, le travail sur le terrain des personnels recrutés par cette firme le mérite plusieurs correctifs. L’entreprise qui est notamment spécialisée dans la fourniture de snipers est dirigée par Terrence C. Davis, ex-militaire américain.
Quand bien même le président Tshisekedi fait confiance à Kabila, qui lui promet de ne pas le menacer par respect à leur accord, il n’en reste pas moins vrai que ce dispositif sécuritaire poreux et vulnérable ne le met pas à l’abri des autres baroudeurs qui pourraient le prendre pour cible. Cette confiance aveugle à Kabila lui serait finalement dommageable si des mesures drastiques et alternatives de précaution ne sont pas prises.
Conclusion
Il est prématuré d’émettre un quelconque jugement sur les aspects sécuritaires autour de Félix et sa volonté d’exercer pleinement ses prérogatives constitutionnelles en matière de défense et de sécurité. Cependant, les éléments relevés dans cette analyse donnent des indications inquiétantes sur la détermination de Joseph Kabila de garder un contrôle effectif sur les forces armées et de sécurité, et de contrôler de près son successeur Félix Tshisekedi. Dans cette stratégie d’encerclement de Tshiseseki, ce dernier est considéré comme un otage personnel de Kabila qui n’hésitera pas à le neutraliser politiquement et physiquement en cas de besoin.
Les failles et manquements constatés actuellement autour du dispositif sécuritaire du président Tshisekedi méritent d’être rectifiés assez rapidement pour lui permettre plus d’autonomie de mouvement. Cela ne doit pas concerner uniquement sa protection rapprochée, mais aussi sa manière d’imprimer sa fonction de commandant suprême des armées et ses prérogatives constitutionnelles dans le domaine de défense et de sécurité. Il ne faudrait surtout pas que ce domaine de collaboration entre le Président et Gouvernement, soit laissé entre les mains de ses partenaires du FCC tenu en laisse par Joseph Kabila. Il en est de même des affaires étrangères.
Nous invitons en outre le président Tshisekedi à faire preuve de plus de lucidité, notamment en ne perdant pas de vue les dispositions de l’article 154 de la organique sur les FARDC qui stipule : « La Garde républicaine relève du Président de la République pour l’exécution de ses missions, et du Chef d’Etat-Major Général en ce qui concerne les appuis administratifs et logistiques ».
Plutôt que de confier sa sécurité et la gestion des questions de défense et sécuritaires aux personnes qui font allégeance à Joseph Kabila, le président Félix Tshisekedi ferait mieux de penser à mettre en place des stratégies alternatives de contournement du piège dans lequel Kabila tend à l’engluer. C’est probablement une question de vie ou de mort pour lui face à un Kabila décidé à maintenir un contrôle exclusif du dispositif sécuritaire national congolais. Avec l’aide de la communauté internationale, notamment les pays de la région, il faudrait également envisager sérieusement comment réduire l’influence de Kabila sur les forces armées, notamment la GR qui lui fait encore une allégeance totale. Cela passe notamment par la réduction du dispositif sécuritaire de Kabila dont le nombre de militaires commis à sa garde personnelle est exagérément très élevé. Avec le temps, il faudrait aussi prévoir une lente dissolution de la GR ou fusion avec le reste de l’armée. Des solutions concrètes et pragmatiques élaborées par DESC existent.
Comme l’a conclu l’analyste Germain Nzinga Makitu dans une de ses analyses : « Si dans le passé, nous étions appelés à la vigilance pour neutraliser le président Kabila, cette fois-ci nous sommes appelés à plus que de la vigilance plutôt au flair et à la perspicacité stratégiques sur les faits et gestes d’un Kabila devenu plus fort dans la meilleure position qu’il a toujours aimée, à savoir : se dissimuler, masquer ses desseins pour surprendre tout le monde. Sachons-le bien : Kabila dans l’ombre du pouvoir devient plus dangereux qu’avant… »[17]
Le pré-carré stratégique du président Félix Tshisekedi doit penser à perfectionner les mécanismes de sécurité et de protection présidentielles en ayant toujours à l’esprit que mieux vaut prévenir que guérir. N’est-ce pas un homme averti en vaut deux ?
Jean-Jacques Wondo Omanyundu/Exclusivité DESC
Références
[1] https://congomonpays243.wordpress.com/2018/11/24/voici-les-details-de-laccord-de-ludps-et-lunc-a-nairobi-kenya-hier-23-novembre-2018/.
[2] JB Kongolo, Mise en place des magistrats : un sale complot qui a échappé à l’opposition – DESC, 7 octobre 2018. https://afridesk.org/fr/?p=24328&lang=fr.
[3] JB Kongolo, J. Kabila et B.Tshibala achèvent de désorganiser le Pouvoir judiciaire – DESC, 29 juillet 2018. https://afridesk.org/fr/?p=24106&lang=fr.
[4] JB Kongolo, Preuves de compromission de la Cour constitutionnelle : Vundwawe et Esambo, des exemples à suivre. DESC,8 novembre 2016. https://afridesk.org/fr/?p=19043&lang=fr.
[5] JJ Wondo, Kabila renforce le caractère provincial et ethnique de l’armée et des services de sécurité, DESC, 21 août 2018. https://afridesk.org/fr/?p=24160&lang=fr.
[6] JJ Wondo, Nouvelles nominations dans les FARDC : Kabila en ordre utile de bataille vers un putsch constitutionnel ? DESC, 18 juillet 2018. https://afridesk.org/fr/?p=24090&lang=fr.
[7] Jj Wondo, François Beya, le Conseiller spécial en matière de sécurité de Félix Tshisekedi : Un changement à reculons ? DESC, 8 Février 2019. https://afridesk.org/fr/?p=24825&lang=fr.
[8] Article 153 de la Loi numéro 11/012 portant organisation et fonctionnement des Forces armées : La Garde Républicaine est une unité des Forces armées ayant pour missions de :
– assurer la garde, la protection du Président de la République et de ses hôtes de marque ; – assurer la sécurité des installations présidentielles ; – assurer les escortes et les honneurs à l’échelon de la Présidence de la République.
[9] JJ Wondo, Exclusivité DESC : Notes techniques confidentielles de la stratégie de Joseph Kabila contre ses opposants, 6 avril 2017. https://afridesk.org/fr/?p=20680&lang=fr.
[10] Félicien Lukusa est le responsable du bureau chargé des analyses au sein du département de la sécurité intérieure de l’ANR. Lukusa assume également les fonctions de Conseiller principal au ministère de l’intérieur chargé de la sécurité depuis 2010, à l’époque où M. Richard Muyej, l’actuel gouverneur du Lualaba, était ministre de l’Intérieur. C’est l’un des stratèges de l’ANR qui a conçu plusieurs scénarios d’éloignement de Félix Tshisekedi de Moïse Katumbi. Cela a marché dès le début de 2018.
[11] LENI : Légion nationale d’intervention, l’unité anti-émeute de la Police nationale congolaise, autrefois appelée Police de réaction rapide (PIR).
[12] Forces armées congolaises, l’armée loyaliste sous Laurent-Désiré Kabila.
[13] https://afridesk.org/fr/?p=22406&lang=fr.
[14] Groupe spécial de sécurité présidentielle.
[15] JB Kongolo, Double statut de sénateur à vie et d’ancien Président de la République du Congo-Kinshasa : mieux en comprendre la philosophie, DESC, 22 février 2019. Lire aussi LOI N°18/021 DU 26 JUILLET 2018 PORTANT STATUT DES ANCIENS PRESIDENTS DE LA REPUBLIQUE ELUS ET FIXANT LES AVANTAGES ACCORDES AUX ANCIENS CHEFS DE CORPS CONSTITUES.
[16] Une équipe spécialisée de collaborateurs militaires de DESC, spécialisés en procédés techniques de protection rapprochée, a diagnostiqué le système de sécurité du président Félix Tshisekedi. La plus-value de ce travail est d’avoir été complètement réalisé par des experts congolais, patriotes, avec un background technique et professionnel qui n’a rien à envier aux non-congolais.
4 Comments on “Comment Joseph Kabila compte asphyxier militairement Félix Tshisekedi ? – JJ Wondo”
Benjamin
says:Enfin on peut maintenant accéder à votre site à partir de Kinshasa. Vive l’alternance .
Jacksch
says:Bien, espérons qu’il aura le temps de lire cette bonne analyse gratuite pour on bien.
Anthony
says:Hyundai equus
GHOST
says:LA VISITE DE FELIX AUX USA
Cette visite va indiquer ce que pense Felix de sa sécurité et des options qu´il envisage de prendre dans le cadre des reformes de l´armée.
Si Felix peut inclure dans sa visite, un detour á la Pentagone, cette visite au coeur de l´institution de la défense des USA sera une indication capitale pour l´avenir proche des FARDC.
Notez en passant que le Departement d´État des USA (Affaires Étrangères) possede aussi une influence sécuritaire. En Afghanistan (par exemple) des membres des forces spéciales des USA assurent la protection rapprochée du président dans ce pays, Ce deal passe par le depattement d´État (CIA).
La Garde Républicaine est une ressource importante pour la sécurité de la RDC face aux pays voisns. Felix devrait trouver des stratégies pour en faire l´unité de réference au sein des FARDC.
L´autre option qui a été appliquée en Irak avec la « Division d´or » est aussi possible au Congo si Felix se decide á combattre efficacement les 200 milices armées. Cette option lui offre la possible de recruter au sein de la GR et des autres unités des FARDC afin de composer une force d´élite dont l´entrainement, l´équipement, l´encadrement via les « mentors » dans le cadre d´un partenariat militaire avec les USA serait une parade efficace contre les ambitions de Kabila.
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Lire l´article « La Division d´or, un modèle pour l´armée irakienne » dans les archives du http://www.lemonde.fr